Hôpital de Boston – 2015.
Je regarde toute cette équipe de médecins, sages-femmes, d’aides-soignantes courir dans cette pièce de la maternité MGH au cœur de Boston. Ces quatre murs blancs, cette salle sans personnalité, cette odeur de maladie, de médicaments, cette ambiance d’hôpital fait remonter en moi de nombreux souvenirs. Les yeux fermés sur la table d’accouchement je ne peux retenir mes larmes. Je suis fatiguée, épuisée. Non seulement par la naissance de mon bébé mais aussi par ces 2 ans écoulés. Je ne sais pas réellement comment j’ai fait à en arriver là, je ne sais pas si je suis vraiment heureuse, ou si je suis remplie de haine et de craintes. Cela ne devait pas se passer comme ça, je ne devrais pas être là aujourd’hui dans cet état : mon corps est éreinté, je le ressens. J’essaie d’être silencieuse et d’étouffer mes larmes : je ne veux pas que les sages-femmes et le médecin pensent que je suis malheureuse. Je n’ai pas envie qu’ils croient que je suis faible, une mère faible. La blouse bleue et blanche de l’hôpital me colle à la peau. J’ai le regard dans le vide et j’ai peur : apeurée de ne pas être à la hauteur pour cette petite chose. Lorsque j’étais petite fille, je n’imaginais pas ça comme ça. Je ne m’imaginais pas seule dans cette salle de naissance, avec des cheveux longs et mal coiffés, de grosses cernes, un teint pâle. Je m’imaginais recevant des bouquets de roses, avec du monde autour de moi, voulant voir mon enfant. Je pensais que ça allait être le plus beau jour de ma vie, que j’allais partager ce bonheur avec mon mari. Mais rien ne s’est passé comme ça aujourd’hui, mais c’est peut-être mieux comme ça. Malgré tout, aucun plus beau cadeau ne pouvait m’être offert. Quand machinalement, je touche mon ventre la sage-femme s’inquiète :
-Vous avez mal Mademoiselle Heterson ? Nous avons bientôt terminé.
J’essaie de lui sourire même si je n’ai toujours pas vu mon enfant. A qui va-t-elle ressembler ? Sera-t-elle un mélange d’Ethan et de moi ? Sera-t-elle aussi dévastée que son père ? Arrête Elena me dicte ma conscience. J’ai mal aux jambes et aux hanches lorsque les médecins me reposent les pieds contre la table.
-On va vous transférer en salle de réveil, votre bébé vous y attend.
Vraiment ? Mon bébé ? Je suis à peine diplômée et je suis… maman ? La peur et l’excitation me terrasse. Je suis éreintée mais il est hors de question que je ferme les yeux, hors de question que je ne sois pas présente lorsque je verrais ma fille pour la première fois. La salle d’accouchement s’ouvre et je sens mon lit rouler vers le couloir. La sage-femme blonde est sur mon côté droit, j’attrape sa main :
-Qui est là ?
Elle me regarde quelques secondes d’un air presque maternel avant de me répondre :
-Votre mère et votre père sont là, ils vous attendent dans la chambre dans laquelle vous serez transférées, vous et votre fille.
Je fronce les sourcils :
-C’est tout ?
-Pour la famille, oui.
Elle me sourie mais cette fois je ne le lui rends pas. Je suis d’autant plus angoissée : est-ce qu’Ethan sera là ? Viendra-t-il voir sa fille ? Est-ce que j’en ai envie ? Je n’en suis pas certaine. Je frémis d’angoisse. Les portes de la salle de réveil s’ouvrent et je suis placée à côté d’une autre femme, plongée dans son sommeil. La sage-femme blonde reprend :
-Mademoiselle Heterson, je vous présente votre petite fille.
Elle tient dans ses bras un bébé, enveloppée dans un pyjama rose et violet. Tous mes doutes s’évanouissent à l’instant où je croise son regard : c’est ma fille et elle est parfaite. La sage-femme la place dans mes bras avant de me dire :
-Encore désolée d’avoir retardé ce moment Mademoiselle, mais votre fille devait subir quelques examens.
Je vois ma fille et embrasse le haut de son crâne : elle ressemble tellement à son père. Elle aussi a des cheveux fins et châtains, un petit visage, et des lèvres comme dessinées au feutre. Lexie ferme les yeux et s’apaise :
-Vous serez transférées dans quelques minutes dans votre chambre.
Je la remercie et la vois s’éloigner vers d’autres patients. Je n’arrive plus à regarder autre chose que les yeux en amande de ma fille et je songe un instant à toutes les douleurs éprouvées : elles ne valent rien en comparaison à ce moment-là. Je lui caresse le haut de son crâne et l’observe : elle n’a rien demandé, mais aujourd’hui elle est là, je me mis alors à sourire en pensant à l’idée que cet enfant est le mien, rien que le mien. Il va falloir que je sois forte, que je cache mes blessures pour que ce bébé puisse grandir sans craintes, heureux, comme un enfant de son âge. Je ne peux pas lui enlever son innocence simplement parce que ma vie à moi, a été gâchée un peu trop tôt. Je me retiens de pleurer mais ma poitrine est secouée, je suis chamboulée : je ne devrais pas me sentir si seule et regarder cet enfant qui est le mien, remplie d’angoisse. Je serre Lexie contre moi, pour la protéger et je lève la tête au loin vers la baie vitrée. Mon ventre fourmille lorsque je l’aperçois : il est là, il me regarde de ses yeux marron et même de loin, j’arrive à percevoir la pointe d’or à l’intérieur. Ethan n’est pas là, mais lui, est présent. Il sourit un peu et je n’arrive pas à savoir s’il est ému où seulement bouleversé lui aussi. Je le regarde, et je sais que je suis à mon tour en sécurité.
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BROTHERS.
RomanceElena Heterson a 21 ans lorsqu'elle décide de faire un point sur sa vie et son passé : malgré son jeune âge, les années passées n'ont pas été des plus reposantes. Après être tombée folle amoureuse d'Ethan Johnson, un garçon mystérieux, studieux et...