Troisième chapitre - partie I

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18 Décembre 2013


- Bonne soirée tout le monde !

Tout en poussant la porte du studio, je sens l'air froid de Décembre sur mon visage. Quelques mèches blondes s'échappent et virevoltent devant mes yeux. J'ai toujours aimé l'hiver pour une multitude de raisons insignifiantes, telles que la façon qu'a la neige de recouvrir les rues New Yorkaises d'un grand drap blanc ; ou la façon qu'a la nuit d'envelopper l'immensité de la ville d'un voile sombre parsemé d'étoiles.

Je constate avec étonnement qu'il est déjà tard. 22H, ou 22H30 peut-être. Un sourire se dessine sur mes lèvres. L'hiver. La nuit. La ville. Ces trois mots réunis sont pour moi une source de bien-être inexplicable.

Les yeux rivés sur les lumières des gratte-ciels, je roule à travers les longues avenues. Ce moment de la journée est de loin l'un de mes préférés. Après avoir passé de longues heures en studio, ce trajet nocturne me change les idées ou au contraire, m'en donne de nouvelles.

J'augmente le volume de la radio. Les titres s'enchaînent et sans même m'en rendre compte je commence à fredonner quelques paroles familières. Lorsque les premières notes du refrain résonnent dans la voiture, je prends soudain conscience de ce que je suis en train de chanter. Je secoue la tête en ricanant.Tu dois vraiment être la seule personne sur cette terre qui fasse un karaoké, dans la voiture, à dix heures du soir et sur une de tes propres chansons, Tay. Si quelqu'un me voyait en ce moment même, il aurait de belles anecdotes à raconter !

Ou si elle me voyait.

Je chasse cette pensée de mon esprit. Malgré tout, elle semble s'accrocher et revient aussitôt. Stop. Pas ça. Pas ce soir.

Je m'efforce de reporter mon attention sur la route, m'interdisant de penser ne serait-ce qu'à son prénom. Et, chassant de mon esprit la moindre trace de quelques yeux verts, je m'engage sur l'autoroute.

Rhode Island est à une heure du studio. La plupart du temps quand on travaille sur un nouvel album, je reste sur place. Dans un hôtel ou même chez des amies. C'est plus pratique, même si j'adore conduire. Mais ce soir j'ai préféré rentrer. De toute façon, on ne bosse pas vraiment. On discute plus qu'autre chose. Ca peut paraître barbant, mais c'est une étape primordiale dans l'écriture et la composition d'un album. Je fais part de mes idées aux producteurs et j'écoute les leurs. Quelques fois, il arrive même que ça finisse en soirée confessions. Quand je travaille avec quelqu'un, j'aime qu'il soit au courant de toutes les émotions que je veux transmettre à travers mes chansons. Pour m'aider à mettre en musique ce que j'ai sur le cœur, ils n'ont d'autres choix que d'y entrer. C'est peut-être pour cette raison que je suis si attachée à eux.

Il est près de 23h30 lorsque, assise au pied de mon lit, je m'autorise enfin à laisser mes pensées divaguer. A vrai dire, elles ont pris cette décision seules, sans vraiment me demander mon avis.

Son visage se dessine alors devant mes yeux. Je ferme les miens, comme par réflexe.

Comme par refus. Mais je ne devrais même pas avoir besoin de refuser. Parce que je ne devrais même pas y penser. Ca ne devrait même pas me perturber. Mais je connais trop ce sentiment. Beaucoup trop. Je ne veux pas revivre ça. Pas encore. Il m'a fallu plus d'un an pour retrouver un équilibre et je ne peux pas me permettre de le perdre une nouvelle fois. Mais le fait d'avoir l'habitude d'écrire et de tout mettre sur papier amplifie cet irrépressible besoin de percer à jour le moindre sentiment inconnu, le moindre doute. Même si je n'ai jamais réussi à m'en protéger. Et cette fois-ci, je le dois. Je sais à quel point je suis vulnérable. Tout ça va bien trop vite, tout ça est trop risqué et j'ai passé des moments assez difficiles pour savoir que la vitesse et le risque ne mènent à rien. Du moins, rien de bon.

Mon regard s'arrête sur ma guitare, puis sur le carnet bleu posé sur ma table de nuit. Je détourne les yeux. Je ne peux pas écrire ce soir. Ce soir, les mots sont mes ennemis.

 Encore.

Parfait. C'est parfait, tout ça. Ne pas écrire me rend folle. Écrire me rendra encore plus folle. Je ne vois pas comment ça pourrait être pire.


Au même moment, la sonnerie de mon téléphone se fait entendre, brève et brisant le silence qui régnait jusqu'à présent.


Angels CollideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant