Chapitre 6 - Oups

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POV Fluke

Je suis excité et ne tiens pas en place. On dirait un gosse qui va à sa première soirée.
Non c'est plus que ça. L'adrénaline libérée à l'idée de braver l'interdit me donne des ailes. Mais surtout, je vais le voir!

Je regarde la pendule. Il sera bientôt 23h, l'heure à laquelle Ohm se présente sous ma fenêtre tous les soirs depuis maintenant trois nuits.

C'est bête, mais ces moments volés me donnent du peps. J'ai l'impression de revivre. Ou le mot plus juste serait "vivre".
Vivre enfin pour la première fois. Pour moi seul, sans entrave ni exigence. Faire juste ce dont j'ai envie.
Et lorsque je le rejoins, mes deux centres d'intérêt se rencontrent : faire du piano... et être avec lui.

Je touche mes joues, j'ai l'impression qu'elles sont en feu.

Les premiers temps, je me suis dis que je me comportais comme un ado, fan d'une idole soudain accessible. Mais je sais que ce n'est pas ça.
J'apprécie énormément la compagnie de Ohm. Je n'ai aucun désir de m'immiscer de manière inconvenante dans sa vie privée. Mais lorsqu'il se dévoile un peu à moi, je suis aux anges. Et surtout, il n'est pas du tout une image parfaite qu'on peut idolâtrer.
Ohm est nature. Il me montre sans complexe ses mauvais côtés et ses défauts. Par contre, il est toujours aux petits soins avec moi, prévenant et attentionné.

Je me demande pourquoi d'ailleurs. Suis-je comme un petit frère pour lui?

Je me mordille la lèvre inférieure et serre nerveusement mes mains l'une contre l'autre.

Si c'est le rôle qu'il veut me donner, je ferai tout pour qu'il en soit satisfait. Mais moi... moi... je veux autre chose. Autre chose... Je ne parviens pas à le définir.
Je ressens des émotions étranges et contradictoires en sa présence. Je suis excité à l'idée de le voir. Je suis aux anges quand il me regarde. Je me sens léger quand il me sourit.
Je suis nerveux quand il me touche.
Oh, ça n'arrive pas souvent. Ohm ne semble pas très tactile. Mais j'aimerai tant le serrer contre moi.

Je secoue la tête. Quelle drôle d'idée!

Je regarde à nouveau la pendule. 22h58!

Je me lève et sautille sur place. Je suis impatient  ce soir car je compte lui demander quelque chose qui me fait envie depuis des lustres. J'espère qu'il me l'accordera.

La pendule sonne 23h. Je me penche par la fenêtre. Il est là, devant l'échelle, la tête levée vers moi. Je le distingue à peine dans la nuit que seul un rayon de lune illumine. Mais il m'attend et c'est tout ce qui m'importe.
Sans m'attarder davantage, je descend par l'échelle en veillant à ne faire aucun bruit. Je sais qu'il est aux aguets, prêt à intervenir si je venais à trébucher, et cela suffit à me faire sourire.

Je suis enfin à ses côtés. Nous nous faisons face sans vraiment nous voir, en silence. Nous ne disons pas un mot et n'allumons aucune lumière, de crainte d'éveiller quelqu'un.
Comme il le fait à chaque fois, il me saisit par le poignet et m'entraîne à sa suite pour me guider jusque chez lui.
Lorsque ses doigts se referme sur ma peau, un frisson me parcourt du poignet qu'il tient et vient se terminer dans ma gorge.

Je déglutis péniblement. Tous mes sens sont en éveils, profitant pleinement de ces rares contacts entre nous.

La distance est très courte jusqu'à la porte arrière de sa maison. Nous entrons déjà dans sa cuisine. Et déjà il lâche ma main. Je pose la mienne à l'endroit qu'il tenait et soupire.

Je plisse les yeux pour m'habituer à la lumière qu'il avait laissé allumée dans cette pièce. Sans un mot, il se saisit d'une bouilloire qu'il avait mise en chauffe avant de venir me chercher et remplit deux mugs de tisane.
C'est notre rituel. Puis il me conduira au salon et me regardera m'installer au piano et jouer pendant des heures si je le souhaite.

Etait-ce toi ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant