Bouh, qui va -là?

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Cet écrit fait suite à un défi.  J'avais hésité à l'écrire en poème ou en prose. Finalement, c'est une sorte de prose poétisée, j'ai essayé de faire prédominer le son -é. :-)


Le cimetière isolé était à l'abandon depuis maintenant bien trop d'années. Quiconque souhaitait s'en approcher se retrouvait en manque de vitalité pour une raison inexpliquée. Il y a cent ans, jour pour jour, il a connu son dernier visiteur : un vieux papy venu saluer sa défunte aîmée. N'étant jamais revenu à la maisonnée, le village tout entier s'était alarmé. "C'est le 7ème cette année à ne jamais être rentré", proclama le vieil abbé. "Aucun corps retrouvé, aucun reste identifié! Il me faut le déclarer : Ce cimetière est bel et bien hanté! Condamnons les entrées!".

Au fil des années, les pierres tombales avaient grisé, s'étaient verdies, de cette mousse collante, crochante qui semblait appeler à une nouvelle longévité. Ce dernier lieu des condamnés n'était devenu rien d'autre qu'un pathétique charnier. Mais tout risquait de changer. Cette ignorance, trop longtemps imposée, avait réveillé les profonds ensommeillés.

Octobre était arrivé et le vent s'était levé. Le petit village, de nouveau apaisé après ce siècle achevé, ouvrait les festivités. C'était le mois de la félicité et de la bonté. Il fallait remercier tous ceux qui avaient enfanté, protégé et réconforté. Les enfants riaient, jouaient et couraient sur les ruelles pavées. Le vieil arbre du prieuré se déléctait de cette joie retrouvée. Les parents s'afféraient à préparer les sompteux mets et les célibataires minaudaient à la recherche d'un adôré. La vie, avait ainsi toute sa splendeur, récupéré.

A la treizième journée de ce mois célébré, les villageois rassasiés se reposaient. Le vieil arbre, fatigué, laissa son feuillage s'échouer à ses pieds. Il devait se concentrer à affronter la longue période gelée qui s'amenait. Les enfants, tous courbaturés de leurs folles échappées, ne savaient résister à la sieste post-souper . Les nouveaux couples fêtaient leurs corps tout entier en s'adonnant à des pratiques timidement baptisées. Le soir était tombé et, dans cette nuit noire et glacée, seule la lune essayait de percer la noirceur des âmes déchainées.

A minuit, la cloche de l'Eglise cimetière avait sonné, signe qu'ils étaient convoqués. Tous ceux qui n'avaient pas terminé, qui n'avaient pas cheminé, qui n'étaient pas passés de l'autre côté devaient se rendre prestamment près du vieux clocher. Le vent était tombé, et avec les derniers signes de vie, la pluie s'en était allée. L'air frais s'était imposé aussi durement qu'un cercueil dans la terre excavée.

"Réveillez-vous, mes chers alliés! Réveillez-vous, l'heure est arrivée !" Ces mots, sortis tout droit d'une cavité, résonnaient tel un orgue dans une église désertée. "Il est temps de se lever ! Il est de temps de marcher vers notre destinée!". Des entités, toutes plus sombres et informes les unes des autres s'échappaient du royaume des Damnés dans un cri de terreur mortifié, des hurlements accentués par des siècles d'inactivité. Les ombres ensorcelées flottaient et acquiescaient aux paroles de l'avisé. Des ténèbres et de l'atrocité, voilà ce qu'ils promettaient, tant aux vieillards qu'aux nouveau-nés, aux mal-lôtis comme aux bien-nés.

La terre trembla jusqu'au village d'à côté. Tout le monde dormait à poing fermé et personne ne s'en souciait. La nuit calme précédait une horde de monstruosité qui allait décimé par la peur toute une population effrayée. Mourir n'était que futilité, souffrir était en revanche glorifié. Les réprouvés aux visages déformés cherchaient de nouveaux associés, les terriens prêts à succomber, qui sauront remplir les rangs d'un monde jamais observé.

Bouh, qui va-là?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant