𝕊𝕖𝕡𝕥

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Bonne lecture !

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Leur salon est bien trop silencieux pour un dimanche matin.

En général, le dimanche matin est le moment où Jean a juste envie de dormir, et où Eren se sent prêt à faire trois fois le pâté de maisons en courant. Tout à coup il fait le ménage, le repassage, prépare le petit dej', et fait du yoga dans ce pantalon trop moulant que Jean déteste plus que tout au monde.

Mais cette fois, Eren n'a pas l'air très chaud pour son jogging habituel.

Il est assis dans le fauteuil-jamais-utilisé, face au canapé, les bras et les jambes croisés. Il a la tête de la gueule de bois, et les yeux un peu vitreux.

Pourtant, son visage indique deux choses : Eren Jaeger est vexé, et un peu en colère.

— Alors ? demande-t-il avec impatience.

Jean se mord la lèvre.

— ....alors ?

Il essaye de ne pas penser au fait qu'ils viennent juste de rentrer, que les cheveux d'Eren sont encore humides, et que lui peut goûter le dentifrice présent dans sa bouche.

Eren plisse les yeux.

— Tu fais l'innocent.

— Oh, pitié Jaeger. Dis ce que t'as à dire qu'on en finisse. J'ai presque l'impression de me faire gronder, là.

Peut-être parce qu'il a l'impression d'être coupable, en un sens, et c'est peut-être ça le pire.

— J'ai parlé à Sasha.

— Et ?

J'ai parlé à Sasha.

Jean soutient son regard, puis ses sourcils se haussent.

— Oh.

— Ouais, « oh ». Imagine ma surprise quand elle m'a demandé si j'avais déjà trouvé un autre appart'. Si tu voulais que je dégage, il aurait peut-être mieux valu me le dire en face.

Ses yeux se voilent, et Eren baisse un peu la tête pour inspirer profondément. Quand il se redresse, il a l'air plus triste qu'autre chose.

— Je pensais.... je pensais que ça se passerait pas comme ça.

Pendant une seconde, Jean oublie la raison pour laquelle Sasha est au courant.

— Je pensais pas que tu te contenterais de m'éviter en espérant que je comprenne le message. Quoi ? Deux jours de plus et je retrouvais mes affaires devant la porte, c'est ça ?

Puis ça lui revient, et les sourcils de Jean se froncent. Sa bouche s'entrouvre et il dit :

— Mais c'est toi qui veux partir.

— Quoi ?

— T'as.... t'as dit à Armin.... avec ton Rodrigo, là....

Eren le fixe.

— Mon Rodrigo ?

— Ou quel que soit son nom. C'est pas le plus important.

Eren le fixe toujours.

— Mon Rodrigo ? insiste-t-il.

— Ils m'ont dit que tu voyais quelqu'un ! Je pensais qu'on était.... qu'on était en assez bonne entente pour que tu m'en parles si jamais tu finissais par déménager et là tout à coup tu vois quelqu'un et tu m'en parles pas et tu veux aller habiter avec lui et en plus tu m'abandonnes pour le film du soir.

Les lèvres se Jean se serrent et il sent de la chaleur monter à ses joues. Eren a l'air complètement perdu, et il déteste cette expression : en général c'est l'expression qui le prévient que la suite va être gênante car il n'a absolument pas visé juste.

Il a même tout compris de travers. Il déteste ça. Pourquoi personne ne lui dit les choses clairement ?

— Mon Rodrigo, répète Eren. Avec qui apparemment je sors, et chez qui je vais aller m'installer. Sans t'en parler.

Jean déglutit.

— Il t'a appelé... la dernière fois.

— Pendant le film du soir, comprend Eren.

— Oui. Le film du soir.

— Mon patron m'a appelé.

— Oui, ton....

Jean déglutit. Et répète d'une petite voix « patron ? ».

— Oui. Mon patron. Qui me casse les couilles toute la journée et qui décide de m'appeler le soir pour revoir un document que j'ai laissé sur son bureau dans la matinée.

Le visage d'Eren s'adoucit un peu, et Jean déteste ça tout autant que l'autre expression parce que celle-ci signifie quelque chose comme « oh, Jean, tu es un peu bête mais je t'apprécie quand même » et venant d'Eren Jaeger, c'est vraiment le pompon.

— Oh.

— Et Armin m'a sûrement entendu parler de cette fille, qui traîne à la salle de sport et qui me harcèle pour que je l'aide avec ses...avec tout ! Elle me fout presque ses fesses sous le nez et je lui ai dit au moins treize fois que j'étais gay mais apparemment c'est « hihi trop drôle ». Donc pas de Rodrigo.

— Pas de Rodrigo.

Jean veut plus ou moins s'enterrer. Il essaye de se noyer dans les plis du canapé mais ça ne fonctionne pas.

— Tu ne vas pas déménager, dit Jean.

— Je comptais pas le faire. J'y avais même pas pensé. Pas avant la semaine dernière en tout cas, quand Sasha m'a parlé de ce super appart que l'un de ses amis va bientôt rendre et qui serait parfait pour moi. Puisque tu me jetais dehors.

— J'ai jamais dit ça.

— Oh ?

Eren sourit.

— Alors je peux rester ?

— Y'a ton nom sur la boite aux lettres, Jaeger. Tu l'as gravé avec un canif. Je peux pas te jeter dehors.

Ils se fixent un instant, peut-être trop longtemps. Ils se fixent jusqu'à ce qu'Eren se lève du fauteuil-jamais-utilisé pour attraper la télécommande de la TV et se laisser tomber à côté de Jean.

Il le colle, sans en avoir grand-chose à faire.

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Des bisous !

Keep on keeping on || EreJeanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant