Chapitre 5- Nouveau(x) Départ(s) ?

15 2 1
                                    


Ce n'est pas possible. Je veux dire. On ne peut pas être vivant, puis mort, et ensuite juste entre les deux. Si ce n'est définitivement pas un cauchemar, cela n'en reste pas moins une bien mauvaise blague. J'ai juste envie de m'enfuir loin. Cependant, de ce que j'ai compris en faisant le tour du propriétaire, le Fort d'Ébène est une forteresse volante, en fait. Publicité mensongère ! De ce fait, m'enfuir se résumerait donc à faire un joli plongeon à pic dans le vide. Et même avec la tête en marmelade et trois vertèbres en moins, ils seraient bien capables de venir me récupérer, ces fous. En toute franchise, non, au fond de moi, je pense que je voudrais rester seul et pleurer dans un coin. Seulement, je ne suis pas seul. Il y a cet elfe. Taelrian. Il est censé me faire visiter les lieux et s'assurer que toutes les formalités administratives sont dument accomplies. Je suis donc contraint de le suivre ainsi que d'écouter ses jacassements incessants qui résonnent dans tout le corridor... Il est assez guilleret pour un zombie sur patte, cela a le mérite de rendre le voyage plus agréable.

" Je suis vraiment ravi d'escorter un pareil hôte, raconte-t-il. Pas que l'on ait manqué de recrues ces derniers temps, et encore moins d'animation, mais bon, un peu de prestige et d'exotisme, je dois avouer que cela apporte un peu de fraîcheur sous cette couronne de glace, haha !"

Je crois qu'il a essayé de faire un trait d'humour. Je me contente de grogner en signe d'approbation, à défaut d'avoir l'humeur complice, pour l'instant. Lui s'agite davantage, animant sa longue mèche charbonneuse du bout des doigts.

" Bon, devant le boss, il faut bien se tenir. Rester en rang, répondre "A vos ordres" ou "Pour La Lame d'Ébène". Bref, rien qui devrait dépayser un vieux grunt de ta trempe."

Moi qui ai toujours fait mon possible pour rester éloigner de ces frivolités martiales... L'elfe cesse son trottinement à quelques pas de ce qui semble être une arène.

" Une petite règle entre nous. Les jeux de mots à base de "déca"... Jamais en présence de Nazgrim. Sinon, tu finis tout nu dans la fosse aux goules, là, en bas."

Il pointe de l'index une trappe au milieu du sable gris. C'est officiel, je ne comprends pas un mot de toute cette histoire, si ce n'est qu'ils ont tous l'air d'être complètement dingues... Sans se soucier guère de mon air complètement déconfit, Taelrian commence à sautiller de la force de ces deux fines gambettes.

" Oh, c'est l'heure de la petite surprise ! Suis-moi !"

Le suivre, j'ai justement un peu de mal avec son allure de cabri. Fort heureusement, la destination n'est qu'à quelques enjambées de là, dans le quartier nord. D'un geste théâtral, il me désigne une vieille porte recouverte de givre et de moisissure.


" Tu as l'air d'avoir besoin de calme, alors je t'ai arrangé une location. Voici ta chambre personnelle. Et tu es un veinard, c'est juste en face d'une personne géniale."

Il esquisse quelques gestes de ses mains fines, avant de les tendre dans ma direction :

" Moi !" Complète-t-il.

Oh, pitié. Achevez-moi...

*

Enfin, la visite guidée est terminée. L'elfe me fait signe de le suivre dans son bureau, cet endroit merveilleux pour "chevalier de la mort très important " situé juste en face de ma "chambre". À peine  la porte franchie, Taelrian se vautre en un bond dans son fauteuil de velours bleu nuit. Il tapote ensuite dans ses mains d'une manière à la fois puérile et élégante. Quel drôle de personnage, vraiment. 

" Voilà, mon chou, tout est en règle. Des questions ?" Déclare-t-il avec un large sourire.

Les yeux mi-clos, il m'inspecte de haut en bas, avant de porter l'index sur ses lèvres.

"Oh ! Je crois qu'il te faudrait une taille au-dessus pour la ceinture. Tu demanderas à l'office de te laisser arranger ça. A moins que tu préfères que je m'en charge pour toi ?"

Je ne sais pas ce qui m'agace définitivement le plus chez mon collègue aux grandes oreilles, entre son air à la fois espiègle et hautain, et sa façon de me regarder comme une part de tarte. Seulement, je garde mon calme, autant que possible, compte tenu des circonstances. Car depuis la seconde où j'ai posé les yeux sur mon dossier et entendu la liste complète de mes soit-disant faits d'arme, j'ai enfin compris ce qui a scellé mon destin. La vue d'une feuille parcheminée près de mon nez me rappelle soudain qu'il reste peut-être une chance de faire cesser cette comédie.

Sur les Chemins des Terres d'Ombres - IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant