Les yeux grands ouverts, une musique diffusant dans mes oreilles par le biais de mon casque et mes pieds se balançant doucement dans le vide, j'observe les étoiles présentes dans le ciel malgré le froid ambiant. Mes lèvres, devenues depuis longtemps violettes et insensibles, recueillent une nouvelle perle salée qui coule de mes yeux tandis qu'un soupir m'échappe, faisant s'élever une légère fumée blanche au dessus de moi. Depuis combien de temps je suis assis là ? J'ai arrêté de compter à partir de deux heures du matin, pour ne pas voir à quel point le sommeil pouvait me faire défaut, comme à son habitude. Je compte pour la je ne sais combientième fois les constellations que j'aperçois, espérant naïvement que ça me fera oublier cette affreuse sensation qui me dévore le ventre.
Alors que la chanson que j'écoute s'efface pour une autre, j'agrippe mes mains au rebord de la fenêtre sur lequel je me trouve pour me pencher et regarder le sol qui se trouve plusieurs mètres sous moi. L'eau qui emplie toujours autant mes pupilles s'aventure dans le vide pour aller s'écraser sur les dalles que je peine à distinguer. Je reste comme ça, immobile, avec mes doigts rougit par le froid accroché à un ridicule petit bout de béton pour seul rattachement à la vie. Un rictus se dessine sur mes lèvres : et si je lâchais prise pour me laisser lamentablement tomber sur les pierres qui se trouvent sous mes pieds ?
Je me permets un regard sur mon téléphone, dans l'espoir que tu sois là pour raisonner cette peur démesurée qui me ronge, mais tout ce que je vois s'afficher à l'écran, c'est l'heure qu'il est. Le rire qui sort de ma bouche résonne comme un vulgaire son dénué de toute humanité et la prise de mes mains - jusqu'alors relativement ferme - se desserre une première fois, me faisant basculer un peu plus en avant : deux phalanges me maintiennent désormais en vie, et mes larmes se raréfient. J'entends du bruit et je relève les yeux avec un espoir mal dissimulé : as-tu entendu ma détresse ? Je lorgne tout ce qui m'entoure mais tout ce que je vois, c'est une chouette qui est venue se percher sur un arbre non loin de là. Mon regard se vide de toute émotion et je desserre une nouvelle fois ma prise. Plus qu'une phalange.
Une minute s'écoule, mon sang s'oriente peu à peu vers mon visage pour le teinter de rouge et je suis toujours seul. Ma main gauche se met à trembler, un de mes doigts lâche et je suis toujours seul. Mon casque commence à glisser de ma tête, un autre doigt lâche et je suis toujours seul. La peur commence à envahir tout mes sens, deux autres doigts lâchent et je suis toujours seul.
Mon bras gauche se balance désormais dans le vide et les battements de mon cœur qui résonne dans tout mon corps se font de plus en plus douloureux. Mais contrairement à ce que l'on peut penser, ce n'est pas la peur de la mort qui me tend les bras qui me fait cet effet, loin de là. C'est simplement cette peur de la solitude qui m'entoure, cette peur irrationnelle de moi-même, mêlée à la peur de l'abandon et de l'oublie qui me font souffrir à vouloir en mourir.
Je t'ai fais confiance, tu disais que tu serais toujours là pour moi. Mais tu as mentis, comme tous les autres avant toi. Je savais que je n'aurais jamais dû faire d'exception...
Alors que seuls deux doigts me retiennent assis, un hurlement résonne dans toute la rue et atteint mes oreilles. Je lève mes yeux humides pour voir au loin une silhouette qui s'approche de moi à une vitesse surprenante. Mais j'ai beau me concentrer pour essayer de distinguer de qui il s'agit, je n'y parviens pas, ma vision se trouvant bien trop floutée par ma précédente tristesse. Je sens mes deux derniers doigts encore accrochés à la fenêtre se mettre à trembler et à glisser lentement, mon cœur s'accélère. Je sens clairement l'adrénaline affluer dans tout mon corps, comme si j'étais excité à l'idée de perdre la vie. Puis finalement, après presque un quart d'heure passé à me maintenir penché dans le vide, ma faible prise cède et le poids de ma tête me fait immédiatement basculer tout droit vers le sol.
Le vent généré par ma chute souffle dans mes cheveux mi-longs et j'écarte les bras en souriant bêtement. Pour la première fois depuis longtemps, je me sens vide de toutes émotions, comme si j'étais déjà mort. Alors que je m'amuse à compter chaque mètre que je parcours à une allure folle, j'entends une nouvelle fois la voix de tout à l'heure s'élever. Cette fois, je distingue très clairement ce qu'elle dit et je suis même capable de dire à qui elle appartient. Je vois les dalles en pierre s'approcher de plus en plus de mon visage et mon sourire idiot devient un sourire qui hésite entre la tristesse et l'amertume. J'entends tes chaussures marteler le sol, me signifiant que tu cours vers moi avec la force du désespoir, tandis que je vois progressivement mon ombre s'agrandir sous moi. Un bruit sourd brise le silence qui venait de s'installer et après quelques secondes de blanc, je murmure d'une voix faible :
« Tu es en retard, Maël... »
Tu as dû m'entendre, car à présent, tu hurles à t'en briser les cordes vocales. Je voudrais pouvoir bouger, poser ma main sur toi et te dire que tu t'en sortiras très bien sans moi, mais mon corps demeure immobile. Mes yeux sont clos et je devine la flaque de sang qui se dessine sous mon nez complètement éclaté puis petit à petit, je sens que mes sensations se font de plus en plus dures à percevoir, comme si je n'en avait tout simplement plus. Si tu ne me secouais pas depuis tout à l'heure, je pense que je ne l'aurais probablement jamais su. Je ne sentais plus rien. On aurait pu me planter un couteau entre les omoplates que j'aurais été incapable de le remarquer. Alors que ma conscience m'abandonne progressivement, je profite des derniers instants que j'avais pour encrer ta voix en moi. Tu ne dis pas grand-chose, rien d'important, mais moi ça me suffis. Alors, lorsque mon ouïe se fait défaillante à son tour, la dernière chose qui résonne dans ma tête est ta voix tremblante qui m'appelle faiblement :
« Me laisse pas... Aaron... Je t'en pris...»
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Autophobia and Athazagoraphobia [HxH]
Ficção AdolescenteVous connaissez l’autophobie ? Non ? Et l’athazagoraphobie ? Non plus ? Ce sont des phobies aux noms peu communs, dont souffre peu de gens, mais elles existent bel et bien. La première signifie que la personne sujette à cette phobie à une peur démes...