Chapitre 3

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Le ciel commençait tout juste à dévoiler des nuages un peu plus clairs quand Hashley décida de jeter un œil à l'extérieur pour la première fois. La fin de son quart de travail approchait, tout comme les coups de quatre heures du matin et l'arrivée de Stephan, son collègue.

Elle profita de l'absence de clients pour sortir, songeant avec frayeur que l'air frais de la nuit avait la même odeur et la même humidité accablante que la veille. Comme si elle revivait en boucle ces instants de solitude. Par défaut de ne pas pouvoir s'allumer une clope en plein milieu de la station-essence aux risques de la faire exploser, elle se contenta de vapoter et tirer avec acharnement sur sa cigarette électronique au goût de mangue. Même si ce type d'arômes beaucoup trop sucrés lui levait le cœur. Au moins, son envie de fumer passerait.

Ce n'est qu'au moment où un homme d'une cinquantaine d'années se stationna à côté de la pompe la plus proche de l'entrée de la tabagie qu'Hashley se résolue à retourner à son poste. Sans surprise, le même monsieur vint à son comptoir, quelques secondes plus tard, billet à la main afin de payer son plein d'essence.

Quand la transaction s'acheva, le client prit sa facture, et au moment de partir, il dévisagea la caissière en lançant tout bonnement :

— C'n'est pas Halloween.

Les yeux de la blonde se plissèrent. Et tout en essayant d'oublier l'idée de le foutre dehors à grand coup de pied dans le derrière et de lui enfoncer la pompe à gaz dans la gorge, elle expira un bon coup.

— Ouais, c'est ça ! rétorqua-t-elle d'un air méprisant. Va jouer ailleurs !

Ce n'était pas la première fois qu'elle se prenait des commentaires sur son style vestimentaire. Même si sentimentalement parlant, cela ne lui faisait plus rien, elle se retrouvait toujours surprise de constater que cela en choquait certains. À croire qu'ils n'avaient jamais entendu parler de la mode des années deux-milles.

Hashley se permit de jurer autrement que dans sa tête lorsqu'il quitta les lieux, ne laissant que le bruit artificiel et automatique d'une cloche résonner derrière lui. Une alerte sonore qui retentissait à chaque fois que quelqu'un entrait et sortait du magasin. Néanmoins, à cet instant-là, elle retint deux fois.

Choquée et en croyant qu'il s'agissait du retour du client désagréable, elle fit de grands yeux en regardant en direction de l'entrée. Mais son regard devint plus doux quand elle aperçut le visage de son collègue.

— Salut, Hash ! lança-t-il.

— Salut Steph.

Celui-ci contourna le comptoir presqu'en gambadant et Hashley se demanda comment il pouvait sembler si enjoué à l'idée de venir travailler à quatre heures du matin. Il n'y a que les gens fous qui le peuvent.

C'est ainsi qu'elle mit en route sa petite routine de changement de shift et se mit à compter les billets ainsi que les pièces de monnaie de sa caisse afin de faire ses compte-rendu. Stephan alla déposer son sac à dos dans l'arrière-boutique et revint avec son casque écouteurs autour du cou et son chandail d'employer sur le dos qu'il venait tout juste d'enfiler dans la pièce d'à côté.

En s'approchant suffisamment de la jeune fille pour regarder les chiffres qu'elle inscrivait sur sa fiche, il renifla grotesquement et commenta :

— Tu sens l'alcool.

— Toi, tu sens comme un t-shirt plein de sueur qui serait resté dans le fond d'un sac de sport pendant trois mois, répliqua aussitôt l'adolescente en poursuivant sa tâche. Est-ce que je te le dis pour autant ?

— Je crois que c'est fait, maintenant.

Ils s'échangèrent un regard complice. Bon, Stephan n'était pas le garçon le plus charmant qu'elle avait eu la chance de rencontrer, mais au moins, il arrivait à encaisser ses blagues vexantes, voire blessantes parfois. Mieux que ça encore, il arrivait à les apprécier.

— Dure soirée ? la questionna-t-il.

— Comme d'habitude. C'est redondant.

— Tu ne voudrais pas essayer de faire changement, justement ? demanda Steph, mains sur les hanches en se dressant devant elle. Tu sais ? Une soirée tranquille devant un film avec un jus de pomme plutôt qu'une bière. Du pop-corn, du chocolat et un film d'amour qui fait chialer les plus gros durs à cuire.

— Tu m'as pris pour quoi ? Une vieille mégère qui passe ses soirées avec son armée de chats ?

Le garçon se mis à rire timidement, caressant sa barbe en regardant ailleurs, laissant Hash dans l'incompréhension la plus totale.

— Ça te semble si terrible que ça ? s'enquit-il, encore.

— Terrible, non. Ennuyeux, oui.

— Même si c'est moi qui te le propose ?

Hashley soupira, saisissant enfin :

— Attends. Tu veux qu'on fasse une soirée films ensemble ?

— Après, si ce sont les films d'amour qui t'emmerde, on peut toujours se mater des films d'horreur ! proposa-t-il, ignorant sa question. Des bons vieux classiques : Halloween, Vendredi Treize, Scream.

La blonde replaça une mèche de cheveux derrière son oreille, ne trouvant soudainement plus rien de fâchant à dire. Elle se contenta de continuer à faire ses besognes en essayant d'oublier cette conversation.

— Merde, Hash, dis-moi juste ce qui te ferait plaisir.

— Que tu me fiches la paix, maugréa-t-elle, penchée sur sa feuille en faisant mine d'être concentrée.

— Tu sais que ce n'est vraiment pas en faisant la fête tous les soirs que tu vas régler tes problèmes. Ce n'est pas ça, la vraie vie.

Cette fois, elle fit claquer son style contre le comptoir avant de se retourner vers lui, des flammes dans les yeux .

— Ah, ouais ? C'est quoi la vraie vie alors, Steph, hein ? Dis-le-moi parce que tu à tellement l'air de mieux le savoir que moi ! ironisa-t-elle d'une voix emportée. Toi, tu vis la vraie vie ? L'école, le travail et un dodo approximatif ? C'est vraiment ça que tu appelles vivre ?

— Au moins, j'avance.

— Justement, tu te trompes ! Personne n'avance ! On n'avance pas !

Soudain, le bruit de la fausse cloche fit écho et un homme entra dans le magasin, interrompant leur discussion. Elle remarqua par la même occasion que les clients lève-tôt commençaient déjà à s'additionner dans le stationnement, telle qu'un garçon à moto et une voiture très mal stationnée au milieu de l'allée. Hashley soupira, irritée, malgré le fait que la conversation soit écourtée fasse son affaire.

Elle se tourna de nouveau vers son collègue :

— Je te le laisse, j'ai déjà fait mon check-out. Je vais me prendre un truc à grignoter et à boire et ensuite je me casse. (Elle alla pour s'en aller, mais se retourna de plus bel.) Et si j'avais su, je ne me serais jamais confiée à toi !

— Je ne voulais pas te vexer, Hash, je suis désolé.

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que la blonde avait déjà quitter le derrière du comptoir, fonçant tout droit vers l'allée des sucreries.

Stephan était probablement un des seuls garçons avec qui la jeune fille avait réussi à perpétuer une relation amicale. Enfin, elle avait réalisé que c'était bel et bien possible après que celui-ci lui avait affirmé qu'il n'était pas gay, ni branché par les femmes d'âge mûre. C'était ce rapprochement amical qui lui faisait si peur, mais qui en même temps, lui avait permis de se confier sur ses obsessions sur la mort et son hypocondrie pour la première fois.

Encore énervée, elle arracha quelques paquets de chips de leurs tablettes et se dirigea à grands pas vers la rangée des frigidaires. À peine avait-elle eu le temps d'attraper une canette de boisson énergisante qu'elle entendit quelqu'un s'énerver et s'agiter à l'avant du magasin. Elle pensa alors qu'il s'agissait d'un sans-abri un peu dans les vapes ou alors d'un client insatisfait. Mais ce fut avant qu'une voix forte et menaçante ne s'élève :

— FILE-MOI L'ARGENT !

Soudain, son sang se glaça.

L'Alpha - Volume 2 : Le Coeur Des LoupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant