Chapitre 6

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Debout devant la vue panoramique de Boston, Nikolaï lisait le dossier qu'il avait reçu ce matin même concernant la jeune femme. La veille elle l'avait appelé. Il n'aurait jamais pensé qu'elle l'aurait fait aussi vite, étant habitué à ce que les femmes se fassent désirer, même si dans le cas de celle-ci tout était différent. Loin de vouloir le séduire, elle semblait même vouloir se débarrasser de lui au plus vite. Après avoir entendu sa voix bégayante, il avait dû repartir prendre une seconde douche froide pour calmer ses pulsions d'homme des cavernes. C'était énervant de devoir attendre pour la toucher, mais il s'était dit que cela en valait le coup et il voulait la faire languir, la rendre impatiente de le revoir.

Cependant le dossier qu'il avait actuellement sous les yeux lui broyait le cœur de colère et de tristesse. Plus il lisait, plus il était peiné - sentiment auquel il n'était pas habitué quand il s'agissait des autres. Orpheline à deux ans, enfance passée dans un orphelinat douteux réputé pour ses punitions physiques sévères, adoptée à quinze ans par une dame âgée du nom de Betty Stone. C'est donc de cette dernière qu'elle parlait avec tant d'émotion.

Pensif Nikolaï se massa la nuque et le menton en retournant s'asseoir sur son siège. Ce qui l' énervait encore plus était qu'elle croulait sous les dettes. Voilà pourquoi elle semblait ravie de sa venue la vieille. Elle était sur le point de perdre la boutique de sa mère, le sort s'acharnait sur elle en même temps que les créanciers. Et pourtant elle tenait encore debout. Décidément cette femme était plus forte que son apparence de fragile petite chose ne le laissait croire. Jetant le dossier au loin sur son bureau, il appela son chauffeur pour que celui-ci se tienne prêt à partir dans cinq minutes maximum.

_ Evelyn, je prends ma matinée. Annulez tous mes rendez-vous et reportez les sur cet après-midi ou un autre jour, peu importe, annonça t'il à sa secrétaire en passant devant le bureau ouvert de celle-ci.

Sans plus attendre il continua son chemin et appela l'ascenseur avant de s'y engouffrer.

Perchée sur une échelle afin de dépoussiérer du mieux qu'elle pouvait les étagères, Sorrow sentait l'appréhension monter en elle au fil des minutes. Lancaster allait venir d'une minute à l'autre et elle cherchait désespérément une excuse pour retarder l'échéance. Il n'allait très certainement pas la laisser s'en sortir cette fois-ci. Rien qu'à l'idée de se retrouver de nouveau devant lui, elle avait envie de vomir de rebut tellement elle le trouvait répugnant. Elle n'avait même pas le un dixième de la somme qu'elle lui devait alors qu'allait t'elle bien pouvoir faire? Ses jambes tremblaient encore en repensant à la proposition malsaine et abject du créancier. Il était prêt à oublier la dette en échange de quelques nuits de "passion". Mais Sorrow ne se rabaisserait pas à un tel niveau. Qu'on lui prenne tout, qu'on la traîne à terre ou la traite de tous les noms s'il le faut, la douleur et l'humiliation seront moindres par rapport à ce que Lancaster lui ferait vivre si elle cédait à ses avances ignominieuses.

En entendant la clochette tinter, elle sursauta et faillit tomber de l'échelle mais se rattrapa de justesse. Sans même se retourner, elle su que c'était lui. Elle avait conscience de ce qu'il était entrain de faire c'est-à-dire la reluquer perversement de haut en bas. Cet homme pourtant marié et père de famille n'avait aucune moralité. Dégoûtée, elle descendit lentement les marches et fit face au visiteur indésirable, la mine pâlie.

– Monsieur Lancaster ! C'est un plaisir de vous revoir, mentit-elle froidement sans prendre la peine de lui tendre la main en signe de salutation.

– Le plaisir est partagé très chère.

L'homme ventru et au crâne couvert de cheveux grisonnants avait un gros cigare à la bouche. Il en aspira la fumée avant de la rejeter par les narines. Elle ne supportait pas à l'odeur mais se fit pression pour ne pas s'emporter.

– Je suis venu pour-


– Je sais pourquoi vous êtes là.


– Alors évitons de perdre plus de temps. Vous avez mon argent oui ou non?


– Non, lâcha-t-elle d'une petite voix.


– Je m'en doutais. Voyez-vous, c'est dommage pour vous très chère mais ce n'est pas le cas en ce qui me concerne. Cette situation m'avantage.

Avec horreur elle le vit s'avancer. Elle tenta de reculer mais heurta l'étagère derrière elle. Lancaster émit un rire de gorge à l'intonation sournoise.

– J-je voulais vous demander de m'accorder un peu plus de temps.

– Encore?! Ça fait des mois que je m'évertue à te laisser du temps ma jolie. Tu connais la solution, ton corps en échange de l'effacement de la dette. C'est donnant-donnant et c'est aussi simple que ça.

Il écrasa son cigare cubain dans un cendrier antique posé sur l'étagère à quelques centimètres de l'oreille de Sorrow. Elle voulut lui crier que ce cendrier destiné à la vente avait plus de valeur que ce qu'il avait dans le pantalon. Pourtant la peur la clouait sur place. En parfaite idiote, elle n'avait pas ouvert les volets roulants. Personne ne verrait donc ce qu'il se passait à l'intérieur et si elle criait, le bruit de la circulation au dehors risquait d'empêcher quiconque passerait par là de lui venir en aide. Il fallait donc tenter de le raisonner.

– Écoutez, je suis sûre qu'on peut trouver un terrain d'entente vous et moi.


– Naturellement qu'on peut. Et c'est justement ce que je propose. Un si joli corps tel que le tien mérite d'être dans le lit d'un homme comme moi. Ne trouves-tu pas ?

Il était désormais collé à elle et un relent nauséabond de cigare mélangée à celle de la sueur émanant de lui donna à Sorrow l'envie de rendre son maigre repas de ce matin. Des bras poilus la maintinrent soudain sur place tandis qu'il plongeait la tête dans son corps en humant son odeur.

– Tu sens tellement bon petite salope!


– Quoi?! Vous êtes malade ? Lâchez-moi immédiatement vieil imbécile !

Elle se débattit impuissante face à sa masse corporelle envahissante et elle voulut crier mais une main couverte de sueur se posa fermement sur sa bouche, atténuant le son. En sentant qu'il l'entraînait vers l'arrière de la boutique, elle paniqua et lui mordit fermement la paume de la main afin de se libérer. Il aboya un chapelet de jurons et la lâcha un court instant mais l'expression de douleur se transforma rapidement en quelque chose de plus sombre. Une douleur atroce se propagea sur son visage lorsque l'ignoble personnage leva ma main et l'abattit sur sa joue. Il l'avait giflé sans ménagement et du revers de la main, la bague qu'il portait à son annulaire laissa une légère marque visible sur sa peau douce et fragile. Sorrow chuta en se tenant la joue, il se rapprocha dangereusement. Elle ne s'était même pas rendu compte qu'elle versait des larmes et se mit à reculer en se traînant à terre, le regard toujours rivé à celui de lancaster.

– Allez-vous-en tout de suite sinon j'appelle la police! trouva-t-elle le courage de lui hurler farouchement tout en cherchant un objet pour se défendre.

Le seul objet qu'elle trouva était une vieille batte de baseball dédicacée par un joueur mais elle était hors de sa portée. Sa menace fit rire Lancaster qui ne semblait pas intimidé. Un frisson lui parcourut l'échine.

– La police me mange dans la main pauvre idiote. Quand j'en aurai fini avec toi petite traînée, tu ne te reconnaîtra même plus. Et soit certaine que je reviendrai autant de fois que j'en aurai envie et tu m'ouvriras les cuisses. Tu vas aimer être fourrée par moi chienne, fit-il d'une voix bestialement bourrue. Je te conseille de te laisser faire et tu t'en sortiras peut-être sans égratignure, ajouta t-il en commençant à ouvrir sa ceinture. Je vais bien m'amuser avec toi ma Sorrow.

Sorrow : une troublante rencontreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant