2.Scott

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Tandis que miss longues jambes soupire d'aise, j'attrape mon téléphone posé sur la table de nuit. La belle glisse sa main sur mes abdos, traçant les contours de mon tatouage. Je ne sais pas si elle l'admire ou si elle cherche juste à attirer mon attention. Je n'ai pas à me poser la question puisque quasi immédiatement, elle se dandine pour se rapprocher de moi et me susurrer :

— Tu sais, si tu lâchais ton téléphone, on pourrait... remettre ça ?

Je finalise ma transaction et repose mon portable avant de repousser sa main. Elle affiche une moue boudeuse qui ne me fait ni chaud ni froid : je m'extirpe du lit pour prendre un boxer dans mon dressing et lui balance sans un regard :

— Habille-toi. Mon chauffeur arrive pour te ramener chez toi.

Lorsque je me tourne à nouveau vers le lit, elle est déjà en train de ramasser ses affaires disséminées aux quatre coins de la chambre, là où je les ai balancées quand je la déshabillais il y a deux heures. Juste avant de lui ordonner de se mettre à quatre pattes sur mon immense lit. Merde, si je ne devais pas me lever si tôt demain, je crois que je me laisserais tenter par un nouveau round. Une fois vêtue, elle me fixe de ses grands yeux clairs, avec un air de chien battu. Je me retiens de soupirer. Après tout, elle a été plutôt docile... je peux au moins être patient. Lisa s'avance vers moi et dépose un baiser sur le bord de la mâchoire, avant de me glisser :

— Appelle-moi. C'était sympa.

Puis elle se dirige vers la porte d'entrée. Je ne la raccompagne pas. Inutile. Je ne la reverrai pas. Alors pourquoi jouer les types gentils ?

Lorsque mon réveil sonne quelques heures plus tard, je regretterais presque d'être sorti hier soir. Presque. Parce que merde, c'était une putain de bonne soirée. La fille était canon, réceptive et elle s'est barrée sans faire d'histoire. Arf, si elles pouvaient toutes être comme Léa... Ou bien, était-ce Lisa ? Peu importe. En tout cas, elle a eu le mérite de m'aider à dormir pendant quelques heures. Comme chaque matin, mon premier réflexe est de me saisir de mon téléphone pour faire le point sur ma journée. Des rendez-vous, trop de rendez-vous... Une interview en début d'après-midi, réception du programme du colloque prévu vers seize heures. Et tout en bas, mon agenda se charge de me rappeler ce que j'essaie d'esquiver depuis bientôt une semaine. L'anniversaire de ma sœur. Merde. J'ai failli oublier. J'abandonne un instant mon portable sur le lit, pour passer mes mains sur mon visage en soupirant. Le contact avec ma barbe naissante suffit à me donner le sourire. Si c'est un des atouts majeurs auprès de la gent féminine, je sais pertinemment que ma mère va faire une crise en me voyant comme ça. Elle a déjà bien du mal à accepter mon mode de vie tumultueux, je ne peux décemment pas lui demander un effort supplémentaire. Sur ce constat, je me redresse et quitte la chaleur de mon lit pour la salle de bain. Après un passage express sous la douche, j'entreprends de me raser. Une serviette autour des hanches, j'essuie rapidement la buée sur le miroir. Mon reflet vient alors confirmer ce que je sais déjà : la journée va être longue. Je passe la main dans mes cheveux humides, certainement un peu trop longs aussi, mais je sais que mon emploi du temps ne me permettra pas d'y remédier avant ce soir. Tant pis. Pour ce qui est de la fatigue accumulée, je pourrais toujours mettre ça sur le compte du boulot. Quoi qu'il en soit, personne ne fait jamais de remarques sur les ombres qui bordent mes paupières. Ils me connaissent bien trop pour ça.

Une fois rasé de près, j'abandonne la serviette sur le bord du lavabo pour choisir mes vêtements dans mon dressing.

— Ok Google, bonjour.

En bon petit soldat, mon enceinte connectée allume les lumières de mon espace nuit et débite les informations de la journée. Guerre par-ci. Crise économique par-là. Je ne prête même plus attention aux nouvelles chaque jour plus déprimantes. De manière presque mécanique, je me saisis du premier costume à ma portée et fais de même pour le reste. Pourquoi se prendre la tête ? Une chemise ou une autre, quelle différence ? Tout a été sélectionné avec soin par Candice, mon assistante, ce qui est un gage de qualité. Elle me connaît sur le bout des doigts, sait gérer le moindre de mes désirs ou de mes conneries. Je me demande d'ailleurs comment je ferais sans elle. Elle organise le moindre aspect de ma vie sans jamais faillir, sans poser de questions. De toute manière, est-ce que je saurais lui répondre ? Tandis que je finis de nouer ma cravate, la douleur lancinante se fait sentir dans le bas de mon dos, m'obligeant à m'arrêter en serrant les dents. Entre L3 et L4. L4 et L5. Comme une cartographie parfaite de cette nuit de cauchemar, l'élancement qui se rappelle à mon bon souvenir me ramène des années en arrière. Quand tout ce que je voudrais, c'est oublier... J'avise la boîte blanche posée sur la commode face à moi. Elle me nargue, m'appelle et me rend dingue. Mais elle est surtout plus forte que moi. Me maudissant pour ma faiblesse, je franchis les deux pas qui me séparent d'elle et quitte l'appartement après l'avoir fourrée dans ma poche.

Dirty Secrets [Edité chez &H]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant