5. Andrea

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En sentant les rayons du soleil caresser mon épiderme, j'ai envie de sourire. Mince, qu'est-ce que c'est bon de ne penser à rien ! Le menton levé vers le ciel, je me délecte de la chaleur de cet après-midi. Lunettes sur le nez, chapeau sur la tête et une bonne couche d'écran total, je n'en oublie pourtant pas l'épée de Damoclès suspendue au-dessus de mon crâne. Et ce n'est pas la jolie rousse avachie dans le fauteuil à ma droite qui me laissera une seconde de répit :

— Eh Grosse tête, t'as besoin de crème ?

D'un doigt, j'abaisse mes Ray Bans pour darder sur elle un regard noir. Elle sait que j'apprécie pas ce surnom. Je ne suis absolument pas plus intelligente qu'elle, ni plus douée. Nous avons juste choisi des chemins de carrière diamétralement opposés.

— Tu ne vas pas t'y mettre ! J'ai réussi à me débarrasser de Nathan, alors laisse-moi respirer.

Molly se mord la lèvre, ce qui a le don d'allumer une petite LED dans mon cerveau. Je dois contenir mon exaspération.

— Il t'a donné des consignes, hein ?

Ma question est purement rhétorique. Parce que je connais ma meilleure amie sur le bout des doigts, et mon frère encore mieux. Elle est incapable de me cacher quoi que ce soit et Nathan est le pire garde-malade de la Terre. Avec un air de cocker qu'elle maîtrise à la perfection, Molly se lance dans une argumentation que j'ai déjà entendue mille fois.

— Andy, tu dois être prudente. Être dans une phase de rémission, c'est une super nouvelle. Mais ces derniers temps, je trouve que tu trembles à nouveau. T'en es où avec ton traitement ?

Allez, round deux. Elle aussi, elle va se lancer dans un exposé alambiqué pour me convaincre de ne pas lâcher ces satanés cachets.

— Je n'en ai pas besoin, pour le moment, lâché-je en me calant à nouveau au fond de mon transat.

— Andyyyy !

— Quoi ?!

J'enlève mes lunettes d'un geste rageur et balance mes jambes pour faire face à mon amie. Je la vois se décomposer, peu encline à être exposée à ma colère. Trop tard, jolie Molly.

— Tu veux que je te dise ? J'en ai marre. Marre d'avoir à avaler dix cachets par jour. Marre d'avoir à examiner ma peau sous toutes ses coutures pour être certaine de ne pas avoir une nouvelle lésion. Marre d'avoir à attendre que la bande d'incapables que mon frère a recrutée trouve une solution durable à mes soucis. Ouais, je suis en rémission il paraît. Alors laissez-moi profiter de ces quelques mois d'insouciance qui se profilent. C'était quand la dernière fois que j'ai pu vivre comme une personne normale, sans qu'on vienne me parler de cette putain de maladie, hein ? Je m'en souviens même pas. Foutez-moi la paix !

Avant qu'elle n'ait l'opportunité d'en placer une, je me lève, balance mes Ray ban quelque part entre la piscine et mon sac et me dirige d'un pas résolu vers la maison.

Je sais que je suis injuste, voire ingrate. Nathan, Molly, le docteur Nox, mon père... Ils ne cherchent tous qu'à m'aider. Ils me protègent de tout, tout le temps. Mais merde ! Ça fait du bien parfois, de ne penser à rien et de vivre comme une personne lambda. Alors que je claque la porte vitrée de la cuisine pour ajouter un peu de drama à mon monologue, je me laisse envahir d'une certaine nostalgie. Parce que j'ai menti. Je me souviens très clairement de la dernière fois où je me suis abandonnée, où j'ai laissé ma vie suivre son cours sans penser au lendemain. Et punaise, que c'était bon ! Des yeux verts, des cheveux clairs indomptables, une légère barbe de quelques jours... Oui, un mètre quatre-vingts de tout ce que j'aime chez un homme. C'était il y a deux ans, et pourtant rien qu'en y songeant, je sens le rouge me monter aux joues.

Dirty Secrets [Edité chez &H]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant