L'Encre de tes Yeux

Chapitre Deux

"When you had not touched me yet. Oh, take me back to the night we met."

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Le premier réflexe de Clarke, devant cet inconnu qui s'est matérialisé depuis la feuille de papier où elle l'a dessiné, qui se tient face à elle bien vivant et qui la salue respectueusement par son prénom, est de paniquer.

Une peur comme elle n'en a jamais éprouvé s'empare d'elle et la fait reculer frénétiquement, sans jamais quitter des yeux l'apparition. Elle ne s'arrête que lorsqu'elle percute la table de nuit près de son lit. En posant les mains dessus pour garder l'équilibre, elle se saisit du premier objet pointu pouvant servir d'arme.

Voilà comment elle se retrouve à brandir au nez d'un être surnaturel un crayon de papier à peine taillé.

Resté à sa place, l'homme lève les paumes en l'air. Ses prunelles brunes naviguent du crayon à Clarke. La jeune femme a beau ne l'avoir jamais rencontré, et être à moitié sûre qu'il n'existe que dans sa tête, elle parvient à lire le sourire qu'il retient dans son regard brillant. Cet air arrogant n'est absolument pas pour lui plaire.

"Je m'en servirai !" s'exclame-t-elle, menaçante, en s'imaginant déjà le planter dans ses yeux moqueurs.

Voilà qui lui apprendrait peut-être à ne pas juger un livre à sa couverture.

"Je n'en doute pas," répond-il, et ses mots semblent empreints d'une tout autre signification qu'elle ne saisit pas.

Elle l'observe davantage. Sous la lueur faiblissante du soleil couchant, Clarke plisse les paupières en distinguant des détails qu'elle n'avait pas pu reproduire sur son portrait. Ses boucles sont plus courtes que ce qu'elle avait imaginé. Des rides marquent bien son front, mais pas horizontalement comme elle les a dessinées. Elles se forment entre ses sourcils lorsqu'il les fronce sous son intense observation. Ses lèvres sont plus pleines que le relief qu'elle leur avait donné sur papier et ses taches de rousseur sont beaucoup, beaucoup plus nombreuses que ce qu'elle avait cru.

"Je m'appelle Bellamy," déclare-t-il pour rompre le long silence qui s'est installé pendant qu'elle le détaillait.

Clarke relève les yeux pour rencontrer les siens et note qu'ils ont perdu de leur légèreté.

"Est-ce que tu es réel ?"

"Oui," répond-il sans hésiter.

"Je– je t'ai dessiné. Tu es– tu es sorti du papier, je–"

"Doucement, Clarke," murmure-t-il d'un ton qu'il veut rassurant devant ses bégaiements paniqués. "Je sais que ça fait beaucoup. Je suis là pour t'aider."

"Comment est-ce que tu connais mon prénom ?"

"Je vais tout t'expliquer, d'accord ? Mais d'abord, j'aimerais que tu te calmes et que tu arrêtes d'agiter ce crayon devant mon visage..."

"Je ne crois pas, non. Voilà mon plan : tu vas me dire ce qu'il se passe, et ensuite, je déciderai si je dois me calmer et lâcher ce crayon ou pas."

La mâchoire de Bellamy se serre lorsqu'il hoche la tête, comme s'il donnait son accord à contrecœur, mais il finit par baisser ses mains et s'éclaircir la voix avant de demander :

"Est-ce que tu veux la version longue ou la courte ?"

"Je veux la vérité," déclare Clarke en déglutissant douloureusement lorsque ses doigts tremblent sur son arme de fortune.