Chapitre Huit

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"I held on as tightly as you held onto me."

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Clarke oublie Bellamy pour la première fois ce soir-là. Elle sort de la douche, encore recouverte de centaines de petites gouttes qui perlent sur sa peau, une serviette enroulée autour d'elle tandis qu'elle frictionne ses cheveux avec une autre. Elle entre dans sa chambre et est arrêtée net par la vision d'un inconnu assis sur le rebord de son lit.

Elle crie, la frayeur l'envahissant et la choquant comme un coup d'électricité. Face à elle, l'homme sursaute comme si c'était lui, le plus surpris d'entre eux deux. Il lève les yeux du carnet de dessins qu'il est en train de feuilleter – son carnet de dessin – et les pose sur elle. Ses sourcils sont froncés, l'inquiétude palpable dans son regard lorsqu'elle recule d'un pas, referme la serviette sur son corps nu pour protéger sa pudeur de son regard étranger.

"Clarke ?" demande-t-il, et sa voix, la façon dont il prononce son prénom, est familière, si familière... Tout comme l'émotion qui terrasse soudain ses entrailles, la douleur qui transperce son cœur et ses poumons.

"Qui – qui êtes-vous ?"

Dans les yeux de l'inconnu, l'inquiétude se transforme immédiatement en tristesse. Des larmes affluent à ses paupières en l'espace d'un battement de ses longs cils. Le poignard s'enfonce plus profondément dans la poitrine de Clarke avec la certitude qu'elle est censée le connaître, qu'elle est censée savoir qui il est, qu'elle est censée –

"C'est moi, Clarke," dit-il doucement, la voix serrée par les sanglots qui semblent l'étrangler. "Bellamy."

"Bellamy ?"

Le prénom familier se pose sur ses lèvres et roule sur sa langue. Soudain, tous les souvenirs lui reviennent en une seule fois. Le raz-de-marée s'abat sur elle sans prévenir et l'engloutit sous la puissance de son amour pour lui. Tout ce qu'ils ont partagé, la douleur de l'épreuve qu'ils vivent, la tristesse qui grandit en elle chaque minute écoulée.

Clarke s'effondre, la vague est trop forte, les émotions trop violentes, son désespoir trop intense.

Immédiatement, Bellamy est à ses côtés, mais ses mains la survolent sans se poser et ce qu'il demande alors finit de l'anéantir.

"Clarke – est-ce que je peux – est-ce que je peux te toucher ?"

Elle jette ses bras à son cou pour toute réponse devant la peur que lui provoque sa question. Comme s'ils étaient des inconnus l'un pour l'autre. Comme si la familiarité et la tendresse qu'ils ont l'un pour l'autre, tous les gestes d'amour et les moments de passion partagés ne signifiaient plus rien. Comme s'il avait besoin de son autorisation pour poser ses mains sur elle, dorénavant.

Ses cheveux mouillés perlent dans son dos, sa peau encore humide trempe son t-shirt. Les larmes de Bellamy coulent dans son cou tandis que les siennes inondent ses joues, ses lèvres, son menton.

"Je ne peux pas, Bellamy. Je ne peux pas. Je ne peux pas. Je ne peux pas."

Combien de fois devra-t-elle se le répéter ? Combien de fois devra-t-elle se le dire alors qu'elle sait au fond d'elle que –

"Tu peux, Clarke. Tu peux tout affronter. Tu peux tout vaincre, tout réussir. Tu peux."

C'est peut-être ce qui la blesse le plus, qu'au fond d'elle, elle sache qu'il dit la vérité. Qu'elle peut le faire. Elle le fait déjà.

L'Encre de tes YeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant