Jour 13

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Blanc.
Je me réveille dans cette même foutue pièce.
Sur le matelas sale.
Il y a une couverture sur moi. Douce, mais en mauvaise état.
Je veux bouger.
Mais ça me pique dans le bras droit. Je lève les yeux.
Une perfusion.
Il ou elle m'a maintenue en vie.
Je bouge une seconde fois, mais.
Mes jambes. Ma jambe. La droite.
Je soulève la couverture.
Ma jambe droite. Raccourcie jusqu'à la cuisse, dans un bandage.
Amputée.
On m'a amputée.
Mon cœur se met à battre. Mon pouls s'accélère.
Je me lève, je ne prends pas mon temps. Tant pis.
Je suis debout très vite, je tombe. J'ai mal. J'ai la tête qui tourne.
- Que m'avez-vous fait ?
Je hurle. Ma voix me fait mal. Mon bras aussi. L'aiguille a été retirée, et je saigne un peu.
- Tu as été amputée. Tu allais mourrir. Tes épreuves ne sont pas terminées. C'est encore trop tôt.
- Trop tôt ? Où va me mener ces indices, hein ?
Les larmes coulent toutes seules sur mes joues. Je me sens faible, pathétique.
- J'ai fait...j'ai déjà fait 5 épreuves ! Ce n'est pas suffisant pour vous ?
- As-tu trouvé ce que signifiait ce miroir ?
Il changeait de sujet. Je ne voulais pas répondre.
- Non, vous. Répondez à ma question d'abord.
Je suis à plat ventre sur le sol. Je n'essaye même pas de me relever. Mais ma voix se fait autoritaire, puissante.
Il eut un silence.
- Non. Tes épreuves sont loin d'être finies. C'est pour cela que tu es en vie. D'ailleurs, il est temps de ta sixième épreuve...
- Combien...combien m'en reste t-elle ? Est-ce que vous me libériez ?
Un autre silence.
- Autant que tu en auras besoin pour comprendre ton but ici.
Je souffle.
- Quand tu auras compris, tu auras le sort que tu mérites.
Un but ? Qu'est-ce que cela voulait dire ? Je ne comprenais pas, maintenant unijambiste, salie par le sang et le vomi.
Mais je relève la tête, avec effort.
Par miracle, l'embout de la sorte de caméra est toujours là.
Ce n'était pas folle. Je ne suis pas folle.
Je vais prouver que tout ce qui m'arrive n'est pas le fruit de mon imagination.
Je rampe. Mes vêtements trempent dans les liquides. C'est dégoûtant.
Une main se replaque contre le mur. L'autre, suit.
Je me hisse, et me lève, au bout de quelques instants.
La caméra est là.
C'est un point noir. incrusté dans le mur. Petit comme un poing.
- C'est quoi ça ?
Je parle à voix haute, attendant comme si il allait me répondre. Mais sans surprise, rien. Un silence.
Je tire la main jusqu'à lui. Cet œil m'observe.
On m'observe comme une souris en cage, voilà ce que je suis.
La main tendue, je sens l'objectif de la caméra, rond.
Je tire.
Il s'enlève d'un coup. Et il est là. Dans ma main gauche.
La caméra est ovale. Je ne sais pas si elle est allumée, il n'y a aucun branchement relié au mur ou autre.
Mais à peine que je l'ai tenue au moins un peu, elle tombe. Je n'ai plus de force pour tenir un objet.
- Qu'est-ce que c'est !
J'ai l'impression que ma voix résonne dans ma tête.
- Ne fais pas l'idiote.
Je sursaute. Allongée, je tourne la tête. Évidemment, personne.
- C'est une caméra. Elle surveillait l'ancienne.
L'ancienne ? L'ancienne quoi ?
Je fronce les sourcils.
- Que voulez-vous dire ?
Pas de réponse.
- Que voulez-vous dire !
Je crie encore, de frustration, mais ça ne sert à rien.
Je reste un moment dans le silence, ma cuisse gauche me faisant souffrir.
J'étais au sol, et j'étais amputée. Cela faisait-il parti du plan ? Peut-être que j'y étais destinée.
Ces épreuves. Ces foutues épreuves. Elles me servaient à comprendre. C'était lui qui l'avait dit.
Mais à comprendre quoi ? Que j'étais répugnante ? Inutile ? Un objet ? Une chose. Que j'étais une poupée de chiffon.
- Quelle...quelle est ma sixième épreuve ?
Ma voix ne tremble pas, pourtant j'ai l'impression de savoir et de ne pas savoir à la fois.
- Comme je suis de bonne humeur aujourd'hui, la sixième épreuve se trouve devant toi.
Je fis une grimace. Comme si c'était un jeu pour lui.
- Ça vous amuse ?
Autre silence.
- Je t'autorise du répit. Ta récente amputation va te fatiguer plus que d'habitude.
Ça ne répondait même pas à ma question. Je soupire, mais c'était la vérité.
J'avais mal. Encore et toujours.
La caméra tombée à côté de moi, peut-être qu'il s'agissait de ça.
Je tente de m'assoir à l'aide de mes mains.
Je me retourne, et me retrouve sur le dos.
J'expire. C'était épuisant. Et douloureux.
Je me penche en avant. La vue de mon membre me dégoûte.
Le bandage s'arrête au dessus de mon genou. Enroulé dans de grands bandages.
Ils sont rougeâtres, imbibés de sang. Ils n'avaient pas été changés depuis un moment.
Je tends la main vers la caméra.
Et l'observe.
Elle est ronde, comme un oeil. Est-elle éteinte ?
Je regarde autour moi.
Toujours ces murs blancs. Matelassés.
Je baisse le regard, encore sur l'objet.
Je le retourne.
Encore une lettre. A.
Et en dessous, un matricule. M-024.
Je fronce les sourcils. Qu'est-ce que ça voulait dire ?
- C'est quoi M...
- Tu as trouvé la lettre, donc.
- Pourquoi vous ne me répondez pas ?
Aucune réponse. Comme d'habitude.
Pourquoi j'attends toujours une réponse ? Va savoir.
- Pourquoi il y a une caméra ? Répondez-moi cette fois-ci !
Je crie encore. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?
Il sait tout mes faits et gestes. Il sait ce que je fais. Quand j'ai accompli ses épreuves.
Quand je pleure. Quand je me blesse. Ou même que je vomis.
Il sait que je respire. Il sait que je suis vivante.
Il sait quand je respire. Il sait quand je ne respire plus. Inconsciente. Dans un coma.
Alors pourquoi je continue de crier, alors qu'il entend tout ? Je suis stupide. Je ne réfléchis pas. Un mouton.
Et voilà que je me remets à pleurer. Des gouttes tombent sur moi.
- Sais-tu pourquoi tu subis toutes ces épreuves ?
Je relève la tête, les joues trempés. Je souris. Suis-je bête ! Ce n'est qu'une voix. Pas une personne.
Ce n'est personne. Rien. Juste, un son.
Un timbre.
- Non.
J'ai la voix tremblante. Pourquoi je pleure, encore.
- Quoi ?
- Non !
- Réfléchis. Je sais que tu penses. Ne fais pas l'idiote.
Je fais toujours l'idiote.
- J'ai fais quelque chose de mal ? Je sais que je ne subis pas ça pour rien. A moins que je tourne en rond ? Pourquoi. Pourquoi ? Vous êtes sadique ? A moins que ce soit un jeu. Oui voilà ! Un jeu !
Je regarde autour de moi. Bien sûr que ces murs blans. Ces murs blancs que j'ai envie d'arracher.
J'ai la respiration qui s'accélère, le coeur qui bat.
Je me retourne pour me retrouver sur le ventre.
Je tourne sur moi-même pour me retrouver en face du lit. Si ce n'est qu'un jeu, qu'il en soit ainsi.
Je rampe vers le matelas, la perfussion, l'aiguille.
Si ce n'est qu'un jeu, on verra bien si je survivrai.
À ma propre douleur.
- On va voir si ça vous amuse si je meure avant ces autres épreuves merdiques !
- Ça ne servira à rien. Tu le sais.
Non, je ne sais pas. Je ne sais rien.
Il ne m'arrêtera pas.
Mon amputation a été faite à cause de son épreuve. Mais si je me tue, il ne pourra rien faire.
Si je meurs, tout sera fini.
Je prends l'aiguille au sol.
- Arrête.
Je la suspends au dessus de mon bras. Tant pis pour les lettres.
Tant pis pour tout.
- Arrête !
Je plante l'aiguille dans mon bras.
Je me crispe, j'ai mal.
Mais ce sera fini.
Je recommence. Je la replante.
Plusieurs fois de suite.
J'ai mal. Au début. Mais après quoi ?
J'ai vu une vidéo inutile de deux soeurs s'entretuer. Un cadavre dans la baignoire. Ait mangé un cerf à mains nues. À quoi bon.
L'aiguille se plante plusieurs fois de suite.
Ça chatouille. Du sang coule. C'est drôle quand j'y repense.
Bientôt, je m'effrondrerais au sol.
Je ne serais plus rien.
Juste un corps, sans vie.
Je serais délivrée.
Et puis, mes gestes faiblissent.
Mes membres tremblent. Je perds beaucoup de sang.
Je souris. Je ris même.
J'ai gagné. J'ai gagné le jeu !

Je suis la grande vainqueuse.
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Noir.

EnferméeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant