Moi, Simon : le néant absolu

Chapitre 2 : Et l'existence fuit ...

Le condamné s'avança inexorablement vers le téléporteur, il n'avait non pas fait le deuil de sa vie, mais le deuil de son passé. Il voulait en finir au plus vite, chasser les doutes inlassables qui torpillaient son âme. Plus rien n'avait de sens.

On lui avait octroyé un privilège : il n'était plus condamné à la peine capitale, il était condamné à tester le premier prototype de téléporteur. S'il survivait, il serait gracié.

Cependant, à force de fréquenter les laboratoires de la compagnie et leurs ingénieurs, il fini par comprendre qu'il ne sera jamais téléporté. Non. Il sera désintégré dans la capsule de départ et un corps identique sera reconstitué dans la capsule d'arrivée.
D.ieu lui même ne pouvait avoir la garantie que l'homme qui sortira de la machine sera le même que celui qui y est entré, ni s'il sera toujours humain.

C'est précisément cette pensée qui avait détruit notre homme.

Quelqu'un qui avance vers sa mort est beaucoup plus serein qu'une personne se heurtant aux frontières de son identité. La vie est chérie par les mortels du fait de sa finitude. C'est parce qu'elle est brève qu'elle est précieuse. C'est parce qu'elle est si courte que la mort est symbolique.

On lui enlevait plus que sa vie : on lui enlevait sa mort. Nul doute que si quelque chose de semblable à un humain sortait de la machine, elle reprendrait le cours de la vie du condamné comme si de rien n'était. Et lui, peut-être ne sera-t-il pas simplement mort, peut-être n'aura-t-il simplement jamais existé. Peut-être aura-t-il disparu dans l'insignifiance la plus totale. Peut-être, finalement, sa vie ... comme la nôtre ... n'avaient jamais eu de sens ... Peut-être que moi même ... je ne suis que ...

Je m'égare, reprenons l'histoire que je vous contais.

La première expérience eut alors lieu : ce fut un franc succès. Les scientifiques observèrent une fidélité de reproduction proche de 100% entre l'arrivée et le départ. On avait désormais la certitude que le téléporteur du père de Simon était capable de cloner n'importe quel organisme vivant.
L'homme qui franchi la porte de sortie, bien que confus, souriait : il avait la conviction d'être resté le même. Ou tout du moins : même si son ancien lui avait disparu, cette nouvelle conscience n'avait que faire du sort de sa prédécesseur. Cependant, les paroles du père de Simon lui firent regretter son manque de compassion : il sera sélectionné pour la démonstration publique. Cette conscience ainsi née était déjà prisonnière d'une échéance proche. L'idée de n'avoir pu exister qu'entre ces deux téléportations était vertigineuse à bien des égards.

Pourquoi avait-on choisit un condamné pour la démonstration officielle ? Car le gouffre métaphysique qu'engendrait cette machine brisé la notion même de "vie" pour quiconque ayant conscience du fonctionnement de l'appareil. Aucun membre travaillant sur ce projet ne voulait s'y risquait. Puis le condamné avait une éloquence remarquable, il saura présenter convenablement.
Cet ancien instit, pour avoir voulu protégé sa fille, avait été condamné à la peine capitale. Encore pour la protéger, il était à la merci de l'homme au costume jaune.

On l'avait donc investi auprès des médias comme l'un des grands ingénieurs travaillant sur le projet. Ce choix parut ainsi plus crédible à l'opinion publique, car il y avait une chose essentiel pour que le plan fonctionne : personne, hormis la tête de la firme, ne devait se douter du fonctionnement réel de la machine. Si un condamné à mort s'était présenté devant le monde entier pour montrer à quel point le nouveau transport de demain sera sûr et novateur, le doute aurait assailli les esprits.

Le jour de l'évènement arriva. La retransmission de la toute "première" téléportation au monde occupait tous les écrans. L'humanité avait les yeux rivés sur le condamné.
L'expérience réussi parfaitement. Et l'engouement qui suivit l'annonce de l'ouverture prochaine de la téléportation aux civils marqua le début d'un renouveau.

Le condamné a été quant à lui retrouvé pendu. Sans doute avait-il était tué trois fois. Sans doute avaient-ils étaient tués une fois.