Prologue

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Elle s'appelle Rosalia. Elle a vingt-six ans. Et elle est heureuse : elle a enfin obtenu son doctorat en psychologie. Pour fêter ça, elle s'est offert un nouveau setup d'airsoft. Depuis qu'elle est majeure, elle adore ce sport : traquer d'autres joueurs avec une réplique (à air comprimé) d'arme réelle, gagner, perdre, être à la fois proie et prédateur... Elle adore avoir quelqu'un dans son viseur, presser la gâchette, voir la bille de plastique partir et voir son adversaire lever la main en criant "Out !". Elle sort du magasin, une housse en bandoulière contenant une réplique de fusil d'assaut, et une réplique de pistolet Glock-18 dans la poche de son blouson. Les répliques sont chargées, prêtes pour la partie à venir. Elle se dirige à pied vers le quartier d'à-côté, où elle vit. En passant près d'une ruelle, elle entend un gémissement. Elle s'arrête, jette un œil. Rien. Elle s'apprête à repartir, quand la voix reprend de plus belle. Elle s'engouffre dans la venelle, méfiante. Elle fait un pas, et encore un autre. Elle aperçoit enfin la source du son : un homme dépenaillé, entaillé en plusieurs endroits, est étendu au sol. Un manche de couteau dépasse de sa cage thoracique. Elle court vers lui et s'accroupit, essayant de se rappeler ses cours de secourisme. Première chose, appeler les secours, pense-t-elle. Elle sort son téléphone, compose le 15, s'apprête à presser le bouton vert, lorsque, en levant les yeux, elle voit un homme blond, du même âge qu'elle, en survêtements, sortir de l'ombre. Il affiche un air patibulaire et a un couteau. La situation lui plaît de moins en moins. Elle se lève, fait volte-face, mais un homme plus vieux et imposant bloque le chemin, un pistolet en main. Lentement, il lève le bras, et avance vers elle. Il sourit, d'un air satisfait. Le bras arrive à l'horizontale, et elle peut voir les rainures dans le canon de l'arme. Le temps semble s'arrêter. Son cerveau tourne à pleine vitesse, mais rien ne vient. Une pensée l'anime : Je suis foutue. Le charme prend fin, brisé par la voix du plus jeune : "Range ce téléphone, ma jolie. Et donne-nous ce sac." Sa froideur la surprend. Elle s'entend à peine prononcer un unique mot, d'une voix blanche : "Non." Le surineur grogne, et elle se retourne juste à temps pour le voir se jeter sur elle. Dans un réflexe de survie, elle se décale, et l'homme passe derrière elle, ce qui le positionne entre elle et le vieux, au moment où celui-ci presse la détente. Trois détonations retentissent. Le jeune s'effondre, en sang, trois fleurs rouges s'épanouissant sur son torse. Brusquement, une idée lui vient, si vite qu'elle en a presque mal. Elle tend la main vers sa poche, et saisit la crosse de la réplique de Glock. Elle braque la réplique sur le tireur, en un maladroit coup de bluff. Cela semble amuser l'homme : "Vas-y, tire ! Tire ! Tire !!!" Le doigt de Rosalia se contracte, et la bille part. Il la reçoit dans le torse. Il grimace brièvement, du fait de la relative puissance de la réplique, qui tire à 1,98 Joules. Il éclate ensuite d'un rire gras, avant de désaxer légèrement son arme et de tirer. La balle frôle la joue de la jeune femme, et elle sent la brûlure du projectile sur sa peau. "C'est ça, une arme ! " dit-il, tandis que son rire devient de plus en plus malsain. Dans une tentative désespérée, elle se rue sur lui, de vieux cours d'autodéfense prenant le dessus. Elle plaque sa paume gauche sur la bouche du canon, et assène un coup de la crosse de sa réplique sur le poignet de l'homme. Ils tirent tous deux l'arme à eux. Une détonation retentit, puis plus rien, juste trois cadavres, une ruelle et le crépuscule. Elle reprend ses esprits et réalise qu'elle se tient à genoux sur le ventre du vieil homme. Elle se relève. Elle est couverte de sang, en état de choc. Le plus étonnant, c'est qu'elle n'a rien. Des pas précipités la ramènent à la réalité : un jeune policier débarque dans la ruelle. Il la voit, et dégaine son arme de service, avant de la braquer sur elle, mais elle s'avance vers lui, soulagée. Elle remarque alors qu'elle tient encore sa réplique dans la main droite, et l'arme réelle dans la main gauche. Forcément, pense-t-elle, il entend des coups de feu, se précipite, et voit une femme avec deux pistolets, au milieu de trois corps. Mais elle continue d'avancer. "N'approchez-pas !" entend-elle dans le brouillard de sa conscience. Mais elle continue d'avancer. Il agite son arme en s'égosillant. Mais elle continue d'avancer. Un flash, un claquement, la douleur, violente mais brève, un voile rouge puis noir devant ses yeux, puis la délivrance.

Elle ouvre les yeux sur un homme faisant six fois sa taille, vêtu d'une tunique blanche semblant dater du Moyen-Âge, dans une pièce immense, cloisonnée de rondins. "Son nom ?" demande-t-il. Elle ouvre la bouche pour se présenter, mais seul un babillement sans queue ni tête sort de sa bouche. Elle fronce les sourcils, avant d'entendre une voix masculine et une voix féminine répondre à l'unisson : "Karen". L'homme tend Rosalia vers une femme immense, alitée, en position d'accouchement, visiblement épuisée. La femme saisit Karen, avant de lui dire "Salut Karen". Cette dernière regarde ses mains, toutes potelées. Je suis un bébé ?, pense-t-elle.

 Je suis un bébé ?, pense-t-elle

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Le Cycle de l'Ombresang : BladeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant