Chapitre 3. Visite médicale

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Dès qu'elle en eut l'opportunité, Ophélie quitta la soirée et partit dormir. Le lendemain matin, un peu avant le lever du soleil, Thorn se glissa dans sa chambre. Il lui expliqua brièvement la situation.

- "La situation politique et financière du pôle est plus grave que je ne le pensais. Ma présence est requise au plus vite et l'actuel Intendant était venu me voir dans la soirée d'hier pour me supplier de reprendre son poste.

- Bonjour à toi aussi. N'as tu pas le besoin de te reposer ? As-tu seulement dormi cette nuit ?

- oui, quelques heures. Je me reposerai quand je serai mort".

Ophélie, assise dans son lit, leva les yeux au ciel. Elle connaissait son mari et savait que ce n'était qu'une question de jours avant qu'il ne prenne la route.

- Quand pars-tu ?

- Ce matin.

Ah. Ophélie ne pensait pas aussi tôt. Elle avait espéré pouvoir profiter un peu de sa présence maintenant que le monde n'était plus en danger. Thorn dut sentir sa contrariété et ajouta :

- je serai de retour dans quelques semaines.

L'animiste ne répondit pas. Elle ne pourrait rien dire qu'il le fasse changer d'avis. Des bruits de pas se firent entendre à l'étage. La maisonnée commençait à se réveiller. Thorn, toujours debout devant le lit, hésitait. Il lui avait dit ce qu'il avait à lui dire. Était-il censé ressortir de la chambre avant que quelqu'un s'aperçoive qu'il était ici ? Cependant, si il était vu ici personne ne dirait rien vu qu'ils étaient mari et femme. Ophélie perçut son indécision.

« Viens t'asseoir à côté de moi ».

Il obéit. Le dos droit et l'uniforme sans pli, sa stature contrastait avec celle de la jeune femme qui se tendait vers lui. Elle finit par se mettre sur les genoux et ainsi, put atteindre la joue de Thorn pour y déposer un léger baiser. Ses traits s'adoucirent de manière presque imperceptible. Il plongea son regard dans le sien.

« Fais attention à toi pendant mon absence » murmura t'il.

L'animiste sentit son cœur fondre. Peu démonstratif, notamment en public, son époux savait cependant en privé se montrer d'une absolue douceur. De par ses mots, il réussissait à lui prouver régulièrement à quel point il tenait à elle.

Ophélie déposa un nouveau baiser sur sa joue.

« Sois prudent toi aussi » répondit-elle. «Reviens moi vite ».

Thorn se leva du lit, prit le visage de sa femme en coupe et lui embrassa tendrement le front. Il repartit de la pièce pour finir de préparer son départ imminent.

*

Bérénilde, pendant le petit déjeuner du jour suivant, l'informa qu'elle avait fait venir le meilleur docteur du Pôle pour l'examiner après son repas.

- "Sauf votre respect madame Bérénilde mais je ne suis pas malade.

- Jeune fille, vous nous avez expliqué hier être passée dans un univers parallèle. Personne ne sait combien de microbes traînent là-bas. Il est hors de question que vous rameniez une maladie étrangère à la Citacielle. Il ne manquerait plus que vous déclenchiez une pandémie sur l'arche !"

Un peu sceptique mais de bonne volonté malgré tout, Ophélie se plia à sa requête. Cela ne pouvait pas lui faire de mal de passer dans les mains d'un médecin : cela ne pouvait pas être pire que les examens médicaux qu'elle avait subi en rentrant à la Bonne-Famille.

Ainsi, dans l'heure qui suivit, un docteur la prit dans une pièce à part de la résidence et lui fit passer des test. Il vérifia le taux sanguin, lui fit faire un test d'effort et écouta son rythme cardiaque. Mais cela ne s'arrêta pas là. Il lui fit un contrôle complet : lui palpa les épaules, lui replaça les vertèbres du dos qui étaient légèrement décalées, regarda le placement de son bassin, prit des mesures, la pesa, lui fit faire des radios, observa ses réflexes au niveau des genoux, vérifia que ses semelles étaient toujours en bon état, examina son corps sous toutes les coutures.

A la fin, le médecin la fit s'asseoir.

- "Madame Thorn, je suis heureux de pouvoir vous annoncer que vous allez parfaitement bien. Tout est en ordre. Vous êtes plutôt sensible au froid et au pollen mais ce type de réactions est courant, pas besoin de s'en inquiéter. Tous vos muscles et organes sont en bon état. Je vous encourage à les entretenir en pratiquant une activité physique régulière."

Ophélie tiqua.

- mes organes sont en bon état ?

- oui madame, tout va pour le mieux.

- y compris au niveau du ventre ?

Le docteur consulta de nouveau ses radios.

- oui, y compris au niveau du ventre. Rien à signaler. Pourquoi ? Vous avez des douleurs à signaler ?

- non, non. Je parlais de l'emplacement de mes organes.

Son interlocuteur ouvrit de grands yeux.

- je crains de ne pas saisir où vous voulez en venir...

- Il y a quelques mois, on m'a diagnostiqué une inversion de mes organes notamment situés au niveau de mon ventre. Par exemple mon foie est inversé : il devrait se situer à droite. Or, le mien est à gauche.

L'homme fronça les sourcils. Il ne semblait pas comprendre un traître mot de ce que sa patiente lui racontait. Il lui présenta les radios.

- regardez de vous même madame Thorn. Vos organes sont à la bonne place.

L'animiste prit les documents et les regarda avec attention. Elle ne savait pas lire de radio mais arrivait à constater que ses os et organes étaient au bon endroit. La radio ressemblait à toutes celles qu'elle avait déjà vu ce qui signifiait que l'intérieur de son corps était normal.

Ou alors...que l'intérieur de son corps était DEVENU normal.

L'Envers lui avait indiqué que toute traversée entre les monde nécessitait une contrepartie, parfois un changement physique. Et si il s'agissait de cela ? Et si l'Envers avait inversé ses organes, les remettant ainsi, malgré lui, à leur place initiale ? L'Envers n'était pas au courant pour l'inversion initiale à l'intérieur de son corps. En souhaitant lui modifier son physique, l'Envers lui avait rendu un corps parfaitement fonctionnel. A l'exception de ses mains bien sûr. Mais hormis cela, tout était en bon état.

De manière involontaire, l'Envers lui avait offert un retour à la normalité.  

La parentalité au PôleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant