Cela fait 7 ans que j’ai quitté le lycée. Je suis traductrice, anglais et japonais. J’ai toujours aimé les langues étrangères et eu un petit faible pour le Japon. Dans mon domaine, eh bien, il y a des hauts et des bas. Des périodes de pics d’activité et des périodes de creux. Et en ce moment, je dois dire que je suis plutôt au creux de la vague. Même si mon activité se maintient, ces deux derniers mois, elle ne m’a permis de couvrir que mes dépenses de base : loyer, charges et repas. Autant dire que ce n’est pas folichon.
Je ne pensais pas devoir chercher un job à temps partiel pour m’en sortir. J’ai passé plusieurs jours le nez plongé dans les petites annonces, mais rien ne me convenait en horaire ou en intérêt : femme de ménage, fast-food, serveuse dans un bar ou un restaurant... Il fallait bien que je trouve une solution.Cette solution me tombe dessus au détour d’une allée d’un salon. Je m’arrête à différents stands qui m’intéresse : développement de soi, adresses de différents spas qui pourraient recruter ne seraient-ce que des hôtesses d’accueil, des professionnels étrangers qui viennent présenter leurs méthodes de soin et de relaxation (j’en profite pour leur glisser ma carte professionnelle, au cas où...). C’est là que je tombe sur un de mes anciens camarades de lycée.
Si je reconnais immédiatement Hugo, faisant une démonstration de stretching, ce dernier a beaucoup plus de mal à reconnaître en moi son ancienne camarade de classe. Il est vrai qu’avec beaucoup d’efforts, j’ai perdu mes kilos superflus, échangé mes lunettes contre des lentilles de contact et fait des mèches colorées à mes cheveux. De plus, aujourd’hui, je porte une jupe patineuse courte et un chemisier plutôt décolleté.
Autour d’un café, nous discutons tranquillement. Hugo m’explique qu’il travaille comme coach sportif dans un centre de remise en forme que dirige son frère. D’où la raison de sa présence au salon : il fait la promotion du centre. Je lui raconte à mon tour ce que je suis devenue, sans aborder mes difficultés actuelles. Pourtant, il semble deviner que quelque chose ne va pas. A force de m’asticoter, je finis par lui expliquer ma situation. Avec un soupir découragé, je finis ma triste histoire.
A ma grande surprise, Hugo reste silencieux. Je me souviens de lui comme étant un jeune homme moqueur, taquin et très ironique. Mais là, son silence est inhabituel. Je le regarde, concentré, les yeux baissés. Vraiment baissés ? En suivant la ligne invisible que son regard trace, je me rends compte qu’il fixe mon pendentif en forme de triangle qui se balance doucement entre mes seins. Je claque des doigts pour attirer son attention.
— Excuse-moi. » murmure-t-il. « Tu... tu as beaucoup changé.
Je secoue la tête en riant et termine mon café.
— Enfin, voilà. » conclus-je en souriant. « Bon, avec ça, ça pourrait être pire. Je m’en sors bien quand même.— Ecoute. » dit Hugo en posant sa main chaude sur la mienne. « Si, par hasard, j’entends quelque chose qui peut t’intéresser, je te tiens au courant. D’accord ?
— Merci. » dis-je en inclinant la tête. « Je ne t’ai pas raconté ça pour te demander ton aide, tu sais ?
— Oui, oui. » répond-il en caressant sensuellement mes doigts, me déclenchant des frissons. « Sur ce point, tu n’as pas changé. Tu ne demandes toujours pas d’aide aux autres, tu veux te débrouiller toute seule.
Je suis touchée par ses paroles et le remercie à nouveau.
Quelques jours plus tard, il me contacte pour un rendez-vous avec son frère ainé.
C’est avec appréhension que je suis Hugo jusqu’au bureau de son frère, dans leur demeure en dehors de Lyon. Hugo frappe à la porte et nous patientons quelques secondes avant d’avoir l’autorisation d’entrer.
Je suis impressionnée par la sobriété du bureau. Une peinture gris perle, légèrement brillante sur les murs, des rideaux d’un vert céladon assez doux, deux tableaux que je reconnus de la main du fameux Hokusai, un peintre japonais du début du dix-neuvième siècle. Un grand bureau noir se trouve en plein milieu, encadré de deux fauteuils.
Une grande silhouette, incroyablement bien dessinée, se découpe devant la fenêtre, en ombre chinoise. Ce n’est autre que Marc Ternay, le frère ainé d’Hugo. Nous avions travaillé un peu ensemble dans le journal du lycée : il était intervenant extérieur, chargé d’encadrer le club. Mais je doute qu’il se souvienne de moi. Même si j’avais activement travaillé pour ce club, je passais facilement inaperçue. Toujours vêtue de jean et de pull très large à l’époque, je porte aujourd’hui un tailleur soigné, sans être trop strict, sur un chemisier discret.
Marc se tient debout, devant la fenêtre, les mains dans le dos, dans une posture quasi militaire. Je jette un coup d’œil interrogateur à Hugo, ne sachant que faire. Il me fait signe de patienter. Au bout de quelques minutes, il finit par se retourner.
Waouh... sexy !
Il nous sourit discrètement et nous invite à nous asseoir, avant de prendre place derrière son bureau. Je m’installe sur le siège plutôt confortable et croise délicatement les jambes. Du coin de l’œil, j’aperçois Hugo qui semble me dévorer du regard.
— Mademoiselle Asha. Quel plaisir de vous revoir !
Je suis surprise qu’il se souvienne de mon nom. Mais, voyant mon dossier ouvert sur son bureau, je ravale aussitôt l’exclamation qui allait franchir mes lèvres.
— Bonjour Monsieur Ternay. Je vous remercie d’avoir accepté de me rencontrer.
— Je vous en prie. Hugo m’a parlé de votre situation.
Je baisse la tête, un peu honteuse. J’ai l’impression qu’il a accepté de me rencontrer juste parce que je suis une connaissance de son frère et par pitié. Je me sens très mal à l’aise. J’aurais dû me taire. J’aurais dû passer mon chemin quand j’ai reconnu Hugo.
Marc hoche la tête et regarde son frère. En silence, celui-ci se lève pour nous laisser seuls. Avant de quitter le bureau, il fait me comprendre de l’appeler quand elle aurait terminé et m’envoie un bisou de loin. Ce dernier geste ne manque pas de faire tiquer Marc.
— Ne soyez pas gênée, Mademoiselle. J’ai cru lire que vous avez travaillé en hôtellerie.
— Oui. En effet, j’ai travaillé comme hôtesse d’accueil pendant plusieurs étés.
— Parfait. » dit-il en fermant mon dossier. « Notre majordome a besoin d’une assistante, ici. Comme vous avez pu le voir, notre centre de remise en forme occupe une partie de notre domaine. Comme ça, nous sommes sur place pour tout gérer. Alexandre, mon majordome, doit actuellement s’occuper de la maison et du centre. Cette double charge commence à lui peser, même s’il ne s’en plaint pas.
Il fait une petite pause, le temps de me laisser intégrer les différentes informations qu’il vient de me donner. Marc hausse les épaules et me regarde à nouveau. J’ai la sensation que son regard cherche à me déshabiller tandis qu’il glisse sur moi de la tête aux pieds.
— Je vois, Monsieur.
— Bien. Le plus simple pour lui, comme pour vous, est de lui laisser les commandes du centre et que vous vous occupiez de la maison. Cela vous permettra aussi d’avoir du temps pour votre travail principal. Qu’en pensez-vous ?
La proposition semble intéressante, mais presque trop belle. Il s’agit tout de même d’un poste à responsabilités. Je ne sais pas si je suis capable de l’assurer.
— Vous avez beaucoup changé, Mademoiselle Asha, depuis le lycée. Vous avez su vous prendre en main. C’est très bien.
Sa remarque me surprend et me blesse un peu : j’avais toujours été complexée par mon physique tout en rondeur. Même si maintenant, je ne me trouve pas spécialement belle, au moins, je me sens bien dans sa peau. Mais je prends sur moi et esquisse un sourire aimable. J’ai aussi suffisamment gagné en confiance pour m’affirmer.
— Je vous remercie, Monsieur.
Aïe, peut-être que mon ton est un peu plus sec que je ne l’avais souhaité.
— Et je constate que vous avez pris en assurance. » me dit-il, un sourcil haussé. « C’est très bien aussi.
Il m’expose alors les différentes tâches qui incombent à ce poste. Durant tout l’entretien, je ne parviens pas à le quitter des yeux. Il n’a pas du tout changé. Grand et élancé, il semble entretenir correctement son corps, lui donnant ainsi une allure dynamique. Bien qu’une dizaine d’années nous séparaient, je l’avais déjà trouvé très sexy, sous son masque d’austérité, quand j’étais encore lycéenne, comme quasiment toutes les autres filles du bahut. Mais je devais être trop jeune et trop insignifiante pour avoir attiré son attention.
— Nous sommes bien d’accord, Mademoiselle Asha ?
Sa dernière question me tire de mes pensées. Il se rend compte que j’étais dans la lune, car il pousse un profond soupir d’exaspération.
— Je constate que si certaines choses ont changé, d’autres sont restées les mêmes. » dit-il tout bas, mais suffisamment fort pour que je l’entende. « Bien sûr, je ne vous demande pas une réponse immédiate. » dit-il en se levant. « Mais, je vous saurais gré de me faire part de votre décision d’ici vendredi.
— Très bien, Monsieur Ternay. » réponds-je en l’imitant. « Je vous remercie.
Ces mots closent l’entretien et sonnent comme une invitation à me retirer. Je le remercie encore une fois avant de quitter le bureau.
Une fois dehors, je m’appuie contre la porte et pousse un soupir de soulagement.
Ça va... ça s’est plutôt bien passé.
C’était peut-être la solution à mes problèmes. Mais à ce moment-là, je suis encore loin de me douter de ce qui va m’arriver...
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Un job d'appoint
Cerita PendekCette série raconte les aventures de Marion, 25 ans. Elle travaille à son compte dans la traduction : roman, manga, dessins animés, documents officiels. Sa palette est très diversifiée. Son domaine d'expertise ? Anglais et japonais. Malheureusement...