"J'en ai marre..."

752 66 14
                                    

-Voilà. J'ai placé le dernier boulon.

Je reculai et examinai le dernier prototype. Pas mal du tout ! Je reculai pour voir l'ensemble : six prototypes alignés côte à côte dans une coquille d'une couleur différente soit vert, violet, rose, rouge, bleu et jaune.

-Vous êtes tous géniaux les uns que les autres.

Je me retournai vers mon établi. Je déposais les outils qui étaient dans mes poches tout en examinant l'ordinateur à gauche.

-Ah... Encore une vis qui a sauté sur le rouge. Allons voir ça, soupirai-je.

Je pris ma perceuse et allai examiner mon problème de plus près. Effectivement, la vis droite au niveau du cou était mal serrée. Tout en étant surprise, je la vissais convenablement ; je l'avais pourtant vissé à fond... et le rouge fut le premier que j'avais créé. Je retournai vers l'établi et entendit un objet métallique tomber et rouler à mes pieds... une vis. Je levai la tête : le tableau de bord affichait une erreur sur le côté droit du cou du prototype rouge.

-Heeeen... J'EN AI MARRE !!

Je lâchai ma perceuse qui finit sa course dans le tas de déchets métallique tandis que le tournevis que j'avais enlevé de ma poche en me retournant se fracassa dans le mur à ma gauche. Je tombai, genoux à terre.

-J'en ai marre... j'en ai marre... j'en ai marre... répétai-je frénétiquement.

Je soupirai. Puis, je me mis à pleurer. Six ans que je travaillais sur les maquettes pour en faire à chacune un squelette, les fibres pour réagir comme la peau, les détecteurs sensoriels, les cinq sens (s'ils n'en développaient pas eux-mêmes s'ils venaient à se réveiller) ; je leur ai confectionné des vêtements et je les ai même coiffé de façons différentes ! Merde à la fin !

-Dites-moi pas que tout ce que j'ai fais ça n'a servi à rien... s'il vous plait, gémissais-je.

J'étais condamnée à rester toute seule jusqu'à ce que je meure... dans d'atroces souffrances dues aux expériences qu'Ils m'infligeaient six fois par ans soit tous les deux mois. Je me dirigeais vers la pièce qui faisait office de salle de bains même si c'était pas le grand luxe. En fait, j'habitais dans un hangar sans porte avec des fenêtres mais juste tout en haut, à ras du plafond. Je dormais au milieu de mon atelier dans un lit à triple épaisseur (seul bon point de ma misérable existence) et une petite pièce au fond à droite était la salle de bains rudimentaire avec le stricte nécessaire.

-Aie !

Je regardai trois traits rouges vifs dans le miroir. Mes blessures sur ma clavicule droite n'avaient toujours pas cicatrisés et la prochaine expérience serait dans un mois. D'habitude, je mets une semaine à cicatriser car Ils m'injectent un sérum pour aider à régénérer les parties de mon corps sujettes à Leurs expériences. Ils ont peut-être oublié de me l'injecter.

-J'espère que ça cicatrisera sinon je vais encore souffrir comme l'année dernière.

L'année dernière j'était tombée malade après être rentrée en contact avec le fer. Mes mains étaient meurtries et le fer y déposa des particules qui infecta mon sang. L'année dernière, je travaillais sur le prototype vert. Je me tournai vers lui. Il avait l'air paisible. Mort en fait.

-Je vais refaire une tentative.

Je branchai tous les câbles, j'activai tous les boutons et lançai tous les générateurs. Puis, je commençai le processus. Chaque année je faisais une tentative sur chaque prototype mais là, j'avais la rage et je décidai de lancer tous les prototypes... en même temps. Très vite, j'entendis des grésillements de toute part et des coups de jus vînt éclater quelques fusibles. Je lançai la pleine puissance. Maintenant, c'était des éclairs de partout qui tombaient sur chaque flaque d'eau, d'huile ou d'essence du hangar. Je me réfugiais sous la table tout en surveillant l'ordinateur.

-Oh non, c'est pas vrai...

Chaque prototype gagnait de 5% chaque seconde ! J'allai enfin réussir mon objectif ! Je me retournai vers mes petites créations. Leurs coquilles explosèrent, heureusement j'avais eu le réflexe de prendre le carton derrière moi pour le mettre devant moi. Résultat : il était incrusté de morceaux de verres de six couleurs différentes. Transpercé en fait. Au bout de dix minutes de vacarme infernal, tout s'arrêta. Je regardai l'ordinateur. Il n'affichait rien du tout.

-Tiens, c'est bizarre. Voyons voir la prise vidéo de l'écran.

J'avais installé une caméra qui filmait chaque jour ma progression sur mon ordinateur. Ce que je vis m'horrifia : après m'être retournée pour constater l'avancée des pourcentages de chaque prototype, ils avaient descendu aussi vite qu'ils étaient montés à 99% ??!! C'est une blague ?!

-PUTAIN DE BORDEL DE MERDE !!

Je posai ma main à droite de mon bureau pour la ramener vers la gauche en renversant tout ce qui s'y trouvait. Je jetai la caméra et renversai le bureau. J'étais enragée. Je devais tout recommencer. TOUT !! Tous les prototypes à refaire car si leurs coquilles ont explosé, ils n'ont plus de protection contre cet air infâme du hangar pollué et qui pue la sueur et le sang que j'ai versé pour eux. Tout à démonter puis remonter, assembler en y ajoutant du courant, quelques gouttes d'essence ou d'huile par-ci, resserrer une vis ou un boulon par-là... Mais voilà que six ans de ma vie à travailler d'arrache-pied n'auront servi à rien... Rien ! A part faire sauter tous les générateurs du hangar et péter les plombs moi-même. Je me dirigeais d'un pas lent vers mon lit et m'y allongeai. Qu'allais-je faire, maintenant ?

-J'ai faim.

Le petit frigo à côté de mon lit était facilement atteint car il était juste en face de mon lit. Je pris une compote à boire. C'est naze mais c'est pas moi qui fait les courses non plus. Je me redressai pour manger puis je risquai un regard vers ce que j'avais détruit. Maintenant ils étaient tous noirs avec la fumée que j'avais libéré. Un silence se fit après avoir fini ma compote. Un prototype se cassa la gueule. Ok. Je soupirai puis levai pour aller le redresser. C'était le violet. Je le redressai tant bien que mal, il était bien lourd. Cependant, il était plus souple qu'avant. Ah oui, j'ai fais sauté tous le courant électrique, les fibres ont pas du aimer ça et ont dû cramer. Voilà voilà. Je le regardai après l'avoir remis debout. Étant très maniaque, j'époussetai la poussière puis... ses yeux s'ouvrirent.

-AAAAAAH !!

Je tombai à terre.

-Oh, ça va ? Tu t'es pas fais mal ?

-N... non non ! Mais... tu vis ?

-Grâce à toi, me sourit-il.

-OUARK BEURK ! J'ai plein de poussière dans la bouche.

-Regardez-moi ce bazar.

Le prototype vert puis le rose avait à leur tour parlé.

-Oh mon Dieu ! Tu n'es pas blessé ? Tu n'as besoin de rien ? Laisse-moi t'examiner.

Le jaune avait couru vers moi avec un air paniqué. Le bleu s'étirait de tout son long avant de le rejoindre. Ils formaient tous un cercle autour de moi qui se déforma bientôt pour laisser apparaître le rouge. Il me sourit.

-Merci. Merci de nous avoir donné la vie.

Je vous donnerai la vie, vous sauverez la mienne...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant