Loïs avait toujours pensé que le mot « amour » définissait un lien fort, consenti et réciproque qui unissait deux personnes, et que cette définition devait s'arrêter à ces seuls critères. Et bien non, il fallait bien croire que les deux personnes unies par ce lien fort devaient obligatoirement être un homme et une femme. Du moins, c'était ce que sa famille tentait de lui inculquer, ainsi que la psychologue qui se tenait assise en face de lui.
— Alors... Loïs ? C'est bien ton nom ? débuta la psychologue en ouvrant une nouvelle page de son bloc-notes.
Cette dernière recoiffa sa mèche brune qui lui retombait sur le front en attendant une réponse de son patient. Installée sur son fauteuil en cuir, elle passa sa jambe droite au-dessus de sa jambe gauche pour pouvoir reposer ses notes sur sa cuisse. Puis, elle lécha le bout de son index afin de feuilleter les pages de son carnet avant de poser son regard sur Loïs. L'adolescent, qui était assis sur un divan, semblait très irrité. Il avait les yeux tournés vers les fenêtres où l'on pouvait admirer au travers les montagnes enneigées et le ciel bleu qui annonçait la fin d'après-midi. Ses bras étaient croisés sur son torse, signe qu'il n'était pas prêt à prononcer le moindre petit mot.
— Pas grave, passons, continua la spécialiste. Sais-tu pourquoi tu es ici ?
Elle sonda le jeune homme en face d'elle qui n'avait pas bougé d'un poil depuis qu'il avait pris place sur le divan. La psychologue fit cliqueter son stylo pour essayer d'attirer son attention, en vain.
— Bon.
Loïs sentait que son mutisme l'agaçait mais il garda le silence.
— Peut-être aurais-tu alors quelque chose à dire concernant ton problème ?
Silence encore. La psychologue n'intéressait visiblement pas du tout à son patient qui trouvait que l'extérieur était beaucoup plus attrayant. La spécialiste grinça des dents, elle commençait à exaspérer.
— Écoute, si tu veux régler ton problème et retrouver une vie normale, il va falloir que tu me parles.
— Je n'ai pas de problème et ma vie est tout à fait normale, lâcha sèchement l'adolescent. Si vous tous pouviez me laisser vivre ma vie comme je le souhaitais et sans vous en préoccuper, sans doute que j'irai bien.
La psychologue qui se sentit vainqueur du fait que son patient s'était enfin décidé à parler, s'arma de son stylo et rédigea quelques lignes à l'encre bleue.
— Et que penses-tu du fait qu'un homme puisse aimer un homme ? s'enquit-elle.
— J'en pense la même chose qu'un homme et une femme. Ils s'aiment et vivent leur vie seulement pour eux. Point.
Loïs s'attendait évidemment à ce genre de question en entrant dans le cabinet de psychologie, et il sentait son sang bouillir à l'intérieur de lui-même à mesure que la spécialiste écrivait sur son bloc-notes, comme si elle était sur le point de découvrir l'origine du « problème » qu'elle pointait du doigt.
— Si tu vivais avec un homme, crois-tu que tu trouverais le bonheur de fonder une famille et d'avoir des enfants ?
— Si pour vous le bonheur se résume à se mettre en couple avec quelqu'un pour s'assurer de fonder une famille et d'avoir des enfants, demandez aux couples hétéros qui ne veulent pas d'enfants s'ils ne sont pas heureux. Demandez aux personnes qui ont des problèmes de santé et d'infertilité si elles doivent se jeter d'un pont parce qu'elles ne sont pas heureuses selon vous.
— D'accord, la psychologue se remit à écrire quelques lignes de notes sur son calepin puis elle reprit. Que dis-tu du fait que Dieu ait créé Eve à partir d'une côte d'Adam dans le but qu'Adam et Eve se complète ? Dieu ne nous appellerait-il pas à trouver notre moitié complétive ?
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Candetta
Teen FictionLoïs Candet est un adolescent de dix-sept ans qui a appris à comprendre et à accepter la personne qu'il est. Mais malheureusement, le fait qu'il puisse se sentir vivre tel qu'il le désire ne plaît pas à tout le monde autour de lui, et on n'hésite pa...