Chapitre 1 : Demons

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Tyler n'en revenait pas de ce qui lui était arrivé en l'espace de quelques mois seulement. La maladie s'était immiscée dans sa vie peu après la perte de son seul ami, jusqu'à devenir suffisamment présente au point de causer de puissantes crises. Et voilà qu'il quittait sa chère campagne pour aller vivre il ne savait combien de temps dans un bloc de béton. Depuis peu dans l'avion en direction de New York, il fixait l'appui-tête du siège devant lui avec insistance. Non pas qu'il avait remarqué une tâche d'une quelconque substance, mais plutôt qu'il n'arrivait pas à exprimer sa tristesse, profondément enfouie. Il restait alors en « stand by », ni trop près, ni trop loin.

***

Il se remémora ce matin, au combien il était mal, n'ayant pas pu dire au revoir à sa mère comme il l'aurait voulu, ni à son père d'ailleurs, trop occupé à s'engueuler avec quelqu'un. Face à la porte d'embarquement, il avait patienté une petite heure. Il s'était vissé son casque sur la tête, la musique à un volume à se faire exploser les tympans. Tout en fermant ses yeux, il s'était recentré sur lui, sur son être, se demandant qui il était désormais ? Un simple adolescent qui prenait l'avion ? Un malade allant se soigner ? Ou encore Tyler, 15 ans, vivant dans le Wyoming ? Son arrachement à sa ville de naissance était pour lui comparable à un retrait d'identité, n'ayant plus ses repères. La peur de l'inconnu était venue se greffer à ce sentiment d'être perdu au milieu d'une foule obscure. Il allait vivre chez cet adolescent dont il ne savait que le nom, déambulerait seul dans les rues de la grande ville, devant reconstruire une vie proche de la normalité. Revenant à lui, il ôta ce casque audio avant de rouvrir les yeux. Une petite fille s'était postée devant lui, le regardant d'un œil curieux et amusé. Elle se tourna vers son père et lui demanda :

-          « Pourquoi il est tout seul le garçon, papa ? Ses parents ne veulent plus de lui ? fit-elle, d'un ton des plus naïfs

-          Ecoute, chérie, laisse le... répondit le père, sa tête devenue d'un rouge écarlate

-          Non, laissez. Il n'y a pas de souci à ça. Tu vois, petite, je vais vivre à New York pour un petit moment. Mais mes parents ne m'ont pas jetés dehors. J'y vais de mon plein grès, mentit-il sans conviction, un sourire aux lèvres.

La petite fille esquissa un « Ah », sa bouche grande ouverte, avant de retourner s'assoir et de s'afférer à ses coloriages Violetta.

***

            Les nimbes de ses souvenirs venaient de se refermer. Tyler rouvrit ses yeux non sans peine, avant de se les frotter avec le dos des mains. Il regarda à gauche et à droite de lui, vérifiant qu'aucun passager ne s'était posé à côté de lui, fuyant des ronflements. A sa droite, rien ne lui sembla différent d'avant son assoupissement. Il se tourna alors à sa gauche... L'impossible s'était encore matérialisé devant lui. Tyler n'était pas sur de lui, jusqu'à ce que le passager se tourne dans sa direction et ne lui adresse un grand sourire. Quiconque aurait souri au jeune homme ce jour là lui aurait remonté le moral. Or ce passager n'était pas comme les autres. « Ben tu ne dis plus bonjour ? » souffla le roux. Tyler était estomaqué. Lorsque Rob lui tendit une main qui l'effleura, il sursauta, se noyant dans une tempête de doute et de désillusion. Tyler ne parvint pas à sortir un mot de sa bouche, cousue par la plus douée des couturières. Une force le bloquait dans cet acte si banal, lui dévorait ses paroles. Rob voulu l'étreindre mais le jeune homme se débattit. « Tu es mort, Putain ! Tu n'es pas là ! Tu peux pas être là. Pas maintenant. Pas à côté de moi. » aurait-il voulu crier, n'acceptant pas ce qu'il voyait. Tyler continua à vouloir se détacher de la poigne de fer de son ami, fendant l'air de coups. Ses muscles semblaient de plus en plus imprégnés d'une envie morbide de frapper. Il allait lui faire mal tout autant que lui l'avait blessé. Plaquant Rob contre le hublot, il le frappa autant qu'il le pouvait. Sans demi-mesure, sans contrôle de lui-même. Il était devenu en l'espace d'un instant une machine à tuer, ne faisant appel qu'à ses pulsions les plus sombres. Des bleus se formaient à la surface de la peau au teint livide de Rob. Quand Tyler commença à s'en prendre au visage de son ami, les bleus ne furent plus seuls, accompagnés de colées de sang au niveau du nez et des pommettes. Rob ne criait pas. Il était impassible, comme subissant sa juste sentence. Les coups se faisaient de plus en plus violents, de plus en plus emprunts de haine. Tyler n'était plus.

Going back (Deuxième Partie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant