2. Lohan

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Dis, Lohan, qu'est-ce que ça fait de mourir ?

Cela doit être effrayant de sentir son âme s'échapper de son corps un peu plus à chaque seconde qui passe. Cela doit être douloureux ; tout ce sang qui se répand sur la chaussée.

Tu es effondré sur le sol, comatant entre la conscience et l'inconscience. Tu ignores depuis combien de temps tu es dans cette posture, à te vider de la vie qui t'animes. Tu désires pouvoir te redresser pour ne plus être ainsi affalé. Tu veux ne serait-ce qu'être capable de sentir tes doigts bouger, plutôt que cette douleur qui te transperce de part et d'autres.

Tu Ignores ce qu'il est advenu de ton vélo. Sûrement se trouve-t-il quelque part là-bas, au milieu de la route ou sur le trottoir d'en face. Peut-être a-t-il renversé quelqu'un au passage, étant donné l'élan que tu lui avais fourni à force de pédaler pour pouvoir suivre le rythme de voitures. En parlant de voiture, celle qui t'as renversé n'a sûrement rien eu, elle. Contrairement à ton corps fait d'os et de chair, c'est du métal. Il ne s'agit pas d'une matière qui s'abîme facilement et ton corps n'est pas vraiment similaire à un mur. Sur ce véhicule, il ne demeurera aucune trace de ce qu'il s'est passé. Tu ne seras bientôt plus qu'un souvenir pour le conducteur de ce véhicule. Et un jour, il t'effacera complètement de sa mémoire, comme si tu n'avais jamais existé.

Comme si sa voiture ne t'avais jamais tué.

En sera-t-il de même pour tes parents ?

Tes doigts tressautent et tu tentes vainement de te redresser une nouvelle fois.

Tes parents.

Ce sont eux,qui t'inquiètes le plus.

Pas parce qu'ils risqueraient de te disputer si tu en ressortais indemne, mais parce que sans toi, ils seront seuls.

Ils n'ont que toi, dans leur vie. Tu es leur seul et unique enfant, leur bébé, parce que tu leur as toujours suffit.

Allez, petit Lohan, ferme les yeux.

Ferme-les et souviens-toi.

Souviens-toi de ta vie.


Tu te souviens de ton enfance ?

C'était l'époque où tu étais un enfant choyé. Dans ta vie, il n'y avait que ton père et ta mère. C'était parce qu'ils avaient perdu le contact avec leurs propres parents. Cependant, tu n'as jamais ressentis leur absence car tes parents étaient constamment là pour toi.

Ta mère a cessé de travailler pour se consacrer exclusivement à ton éducation. Il n'y avait que ton père pour ramener l'argent à la maison. Ce n'était toutefois pas un problème car il avait un salaire conséquence grâce à son travail de cadre. La somme qu'il ramenait tous les mois suffisaient à nourrir toute la famille et si le manque s'était parfois fait sentir, enfant que tu étais, tu ne l'as jamais remarqué. Mais ce n'est pas parce qu'il travaillait dur tout les jours qu'il était absent de ta vie, au contraire : il s'efforçait d'être le plus présent, que tu ne manques de rien.

Globalement, ton enfance était heureuse. Tu ne manquais pas d'attention et cela te ravissait d'être le centre du monde de ta famille. Tes parents étaient satisfaits de toi, du charmant enfant que tu étais. Ils ne ressentaient pas le besoin de concevoir un second enfant car tu étais plus que suffisant.

A quel moment cela a-t-il dérapé ?

Cela doit sûrement être à ton entrée au collège.

Adolescent de douze ans, ta mère n'avait plus autant besoin d'être autant sur ton dos que lorsque tu étais à l'école primaire. Elle n'avait plus à venir te chercher à l'école à seize heures trente, ni te surveiller constamment pour être sûr que tu ne te blesses pas ou pour te forcer à faire tes devoirs. L'entrée au collège, cela a toujours été considéré comme le passage à une nouvelle étape de ta vie. C'est une étape où les parents accordent plus d'autonomie à leur rejeton, lui font confiance pour des choses aussi basiques que rentrer seul chez soi de l'école ou faire ses devoirs tout seul, sans quelqu'un ne l'y force.

Memento MoriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant