LEGENDS: LYMULIE

Chapitre II-I

Cela faisait déjà plusieurs heures qu'il était perché sur la branche de cet arbre.

Son corps en grande partie dissimulé par les feuillages, il fixait inlassablement un point précis du sol où avait été soigneusement installé, un lapin dont les pattes avaient été attaché à un arbre par le biais d'une corde et la bouche couverte par un bout de tissu pour éviter que ce dernier ne ronge ses liens.

Au vu du type d'appât utilisé, la proie attendue devait vraisemblablement être un carnivore rendant ainsi la partie de chasse bien plus ardue que ne l'aurait été une banale poursuite au lièvre.

Il n'était pas rare pour un chasseur ou trappeur de préférer s'en prendre à des prédateurs dont la fourrure, les pattes et crocs pouvaient valoir assez sur le marché, plutôt que des proies bien plus accessibles telles que des herbivores juste bon à nourrir des bouches ou à être vendus comme pitance pour quelques pieçons.

L'objectif de ce chasseur embusqué n'était donc point de se remplir le ventre mais plutôt de ressortir de la forêt avec quelques chose qui pourrait lui permettre de remplir un tant soit peu sa bourse et ce, quitte à sacrifier un lapin encore bien vivant.

C'était un pari risqué qu'il était prêt à tenir.

L'attente s'allongea durant encore une heure sans que celui-ci ne manifeste la moindre lassitude. Il restait là, immobile et imperturbable à l'affût de tout changement dans son périmètre de chasse.
Pour supporter la contrainte de son état statique ainsi que la chaleur régnante, il avait régulé sa respiration et l'avait calibré avec les secondes qui s'écoulaient et qu'il comptait en tapotant régulièrement son genoux du doigt.

"Cinq secondes pour cinq tapes pour une inspiration. Cinq secondes pour cinq tapes pour une expiration"

Bien que étrange, cette façon de procéder brillait par son utilité car elle permettait au chasseur d'atténuer les répercussions désagréable d'une immobilité prolongée tout en surveillant approximativement le temps qui s'écoulait à travers les petites tapes; d'accroître sa discrétion tout en réduisant sa dépense énergétique, à travers la régulation de son rythme respiratoire et le tout sans porter atteinte à sa concentration qui ne devait en aucun instant vaciller.

Par ce simple détail, ce comportement peu anodin, il était ainsi possible d'affirmer sans risque de trop se tromper que c'était loin d'être un amateur qui se tenait là haut, à l'affût de sa proie.

Après de longues heures d'attente, la patience du chasseur fut enfin récompensée. Après une certaine agitation de la végétation aux alentours de l'arbre où se trouvait l'appât, un grand reptile sur pattes finie par montrer le bout de son nez.
Il s'agissait d'un grand lézard cornu adolescent dont la longueur pouvait largement côtoyer les trois mètres et dont les pattes avant bien plus grandes que celles arrières lui permettaient de faire culminer sa tête à presque un mètre de haut.

Son allure svelte et la finesse de son corps et de ses jambes offraient déjà quelques informations précieuses sur ses caractéristiques physiques.

La bête fit preuve de prudence en analysant tout d'abord la zone avant de tenter une manœuvre vers le rongeur qui avait déjà commencé à s'agiter pour essayer de se défaire de ses liens et échapper à la mort certaine qui le guettait.

Malgré ses multiples vérifications, la présence du chasseur passa complément inaperçue aux sens du reptiles qui se décida enfin à se servir sans retenue.
A une vitesse incroyable, le lézard fusa vers le rongeur, ouvrit sa gueule et prit le cou de ce dernier dans ses mâchoires humide aux salives hautement toxiques.

L'appât rendit alors son dernier souffle tandis qu'il se faisait déchiqueté par le prédateur, ignorant vraisemblablement qu'il était lui aussi devenu la cible d'un autre.