LEGENDS: LYMULIE

Chapitre II-II

La nuit était presque tombée.
Le soleil de son habituel teinte légèrement rosée laissa progressivement place à une lune qui arborait fièrement une blanche lueur immaculée et caractéristique de la grande période de sécheresse.

Le village de Woolbef et ses habitations en murs de pierre et toits de chaume commençaient pas-à-pas à s'éclairer grâce à divers lanternes, lampes tempêtes et torches qui ornaient les petites rues, façades et intérieurs des maisons. Ici, la nuit était généralement synonyme de repos et d'inactivité pour la majorité des habitants, exception faite des guerriers à qui incombaient le devoir d'assurer la protection et la sécurité du village en toute circonstance.
Les ruelles étaient donc pratiquement vides, que se soit de marchands ou de passants; les cordes de fumées qui s'échappaient des cheminées témoignaient de la vie à l'intérieur de chaque demeure et pour certaines familles, de la venue de l'heure du dîner.

L'un des battants de la porte d'entrée en bois s'ouvrit brusquement laissant aussitôt pénétrer dans la demeure, la petite Berkatel qui se hâta de fuser à toute vitesse vers les cuisines en ignorant les quelques enfants qu'elle croisa sur son chemin.

- Maman! hurla-t-elle en s'agrippant aux jupes de sa mère les yeux embués de fines gouttes de larmes.

Eleknis qui semblait encore occupée aux fourneaux, laissa faire sa fille sans toute fois se désintéresser du restes des légumes qu'elle tranchait pour la confection de sa sauce. La mère d'orphelinat connaissait assez bien sa fille pour être en mesure de deviner aisément l'objet de ses préoccupations sans toute fois avoir à sacrifier sa concentration.

- Tu rentres bien tard Berkatel, constata Eleknis tout en rassemblant ses morceaux de légumes dans un bol pour pouvoir compléter la recette de son met qui mijotait encore dans le foyer de la cheminée , qu'est-ce qu'il y a? Tu n'as pas réussi à retrouver Bonis?

La petite renifla plusieurs fois de tristesse avant de répondre tout en continuant à suivre et agripper la robe longue de sa mère.

- Nenek! Il a tué Bonis!

- Tué ! rétorqua Eleknis un tant soit peu surprise mais néanmoins toujours focalisée sur sa cuisine.

- Je t'ai dis que je ne l'ai pas tué ! défendit Nenek en faisant à son tour éruption dans les cuisines, je l'ai juste utilisé comme appât c'est tout. C'est pour ça que je l'ai capturé à la base.

- Bonis n'est pas un appât, c'était l'ami de Berl et tu l'a tué.

- Mais arrête d'en faire tout un plat, tu ne l'a connu qu'hier je te signale. Et je le répète, ce n'est pas moi qui l'ai tué.

- Si tu l'as tué! insista fermement la gamine, tu l'as saccrifié pour pouvoir capturer ce gros lézard avec des cornes.

Alors que malgré la discussion épineuse entre les deux enfants, Eleknis avait encore et toujours préservée son calme et poursuivit sa cuisine avec le même rythme, elle fut soudain sortie de sa concentration par les dernières paroles de Berkatel.

- Un gros lézard avec des cornes? coupa-t-elle brusquement le regard désormais rivé sur le jeune garçon, ne me dis pas qu'elle parle d'une salamandre cornue.

La déduction plus que perspicace de sa mère figea tout d'un coup Nenek qui perdit ses moyens en même temps que sa langue. Aussitôt, la jeune femme d'une trentaine d'année au teint caramel et longs cheveux marron sombre comme sa fille, quitta son fourneau et se précipita vers son fils les yeux emplis d'inquiétude.

- Miséricorde! Es-ce que tu vas bien? Tu n'es pas blessé? Tu n'est pas entré en contact avec sa salive rassure moi, demanda-t-elle tout en tâtant et contrôlant le corps de Nenek à la recherche de potentielles plaies et anomalies, mais qu'est-ce qui t'a pris bon sang?