Chapitre 2 - Léonard

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Le bureau de mon père est un endroit que j'ai toujours apprécié. L'odeur familière de bois mélangée à celle des vieux livres me fait directement retomber en enfance. Lorsqu'il me proposait de lui tenir compagnie, tandis qu'il s'abandonnait à ses tâches administratives, je jouais aux échecs dans l'angle de la pièce, contre moi-même. Je m'amusais à me défier, à trouver des stratégies pour contrer mes propres progressions.

Du haut de son mètre quatre-vingt, il n'a pas perdu le charme qu'il avait plus jeune. Les photos ne trompent pas, c'était un bel homme, et ça l'est encore. Ses cheveux ne sont plus blond doré comme les miens, mais tirent davantage vers un gris foncé. Les ridules autour de ses yeux et celles, plus grosses, barrant son front témoignent d'un état soucieux qui ne semble jamais le quitter. Et ses épaules, jadis carrées, se sont affaissées à force de porter le poids du royaume de Saryha. Pourtant, il reste impressionnant. Je ne suis plus un enfant, mais je le regarde toujours avec autant d'admiration.

Le bruit de mes pas est étouffé par la moquette bordeaux quand je traverse son bureau pour le rejoindre. Il est debout, face à la fenêtre, les bras croisés. Et lorsqu'il m'entend, il pivote, un sourire tendre sur le visage.

– Vous m'avez fait appeler, père ?

– Oui. Nous devons discuter.

Sa voix est douce mais ne cache pas une certaine sévérité. Attitude qu'il se doit d'adopter, en sa qualité de roi. Je hoche la tête, la bouche sèche d'appréhension. Lorsque je me suis réveillé, il y a maintenant trois semaines, dans ma chambre d'hôpital, j'ai tout de suite remarqué les nouvelles rides qui striaient son visage, entre ses sourcils. Et j'ai été foudroyé par l'inquiétude et la tristesse qui ternissaient son regard. Ces mêmes émotions que j'ai constatées chez ma mère. Je les retrouve encore, en ce moment même, alors qu'il me fixe, et j'ai l'impression qu'elles ne veulent plus le quitter.

– Je voulais vous présenter vos nouveaux gardes du corps.

Il lance un coup d'oeil par-dessus mon épaule, et je me retourne. Trois hommes se tiennent derrière moi, immobiles. Le regard rivé devant eux, ils gardent leurs mains dans leur dos et ne sourcillent pas, même lorsque je les jauge. Je ne les avais pas vus en pénétrant dans la pièce, trop obnubilé par mon paternel, son aura si particulière et les souvenirs que ces lieux font naître en moi. Un tube acoustique transparent s'échappe de leur oreille droite et disparaît sous le col de leur chemise sombre. Positionnés de la sorte, ils ressemblent à des statues taillées dans du granit noir. Mon attention se porte sur l'un d'eux, à l'extrémité gauche du trio, dont le visage me semble familier. Une joie inattendue m'irradie, mais elle s'étiole dès que je percute pourquoi je pense le reconnaître. Il ne fait pas partie du pan de ma mémoire perdue. C'est simplement l'homme qui m'a découvert à l'arrière du bâtiment, ce matin. Un sentiment de déception me comprime l'estomac, et je pince les lèvres, cachant mal le désarroi qui me tiraille. Le poids de mon regard perturbe sa concentration, et il accroche ses deux iris marron aux miens. Je sursaute imperceptiblement et détourne la tête pour reprendre ma position initiale. Pourtant, mon coeur, lui, n'arrête pas sa course folle dans ma poitrine, et ma nuque me picote.

– Sergent-chef Svensen, adjudant Bakke et capitaine Galbero, respectivement Rock, Fox et Nine.

Je zieute furtivement les trois hommes, avec une moue amère.

– Où est Mads ?

– Il fait partie de ma garde personnelle, désormais, puisqu'il est devenu le chef de la sécurité, annonce mon père.

Je grimace, irrité d'apprendre cette nouvelle. Mads a toujours été mon garde du corps. Il m'a vu grandir et nous avions développé une relation de confiance. Il ne posait pas de questions et me laissait faire ce que je voulais, comme l'adolescent que j'étais et l'adulte que je suis devenu. Comment a-t-il pu m'être enlevé ?

Royal Bodyguard (sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant