Chapitre 4 - Nine

863 47 16
                                    




Je suis de l'autre côté du couloir quand je remarque la porte de sa chambre qui s'ouvre. Je me redresse, sur le qui-vive, et scrute sa silhouette lorsqu'il sort. Les cheveux en bataille, il ne porte qu'un simple pull en laine blanc cassé et un chino gris clair, mais ça suffit à mon coeur pour faire une embardée jusqu'à mon estomac. J'inspire un grand coup pour me donner du courage et fais quelques pas dans sa direction. Quand il me voit, je le surprends à se raidir. Il s'arrête net et me toise.

Me voilà de retour à l'époque où il ne supportait pas ma présence, qui était un rappel constant du départ de Mads vers les services de son père. Nos débuts ont été assez chaotiques. Il passait son temps à essayer de me tester. Il a fait le mur plus d'une fois pour rejoindre des amis dans des boîtes de nuit. Le plus souvent à l'Élément, son QG. Il y retrouvait Ulrik, son meilleur pote, et toute la bande. Les soeurs Hagen, le fils du diplomate espagnol, et Tobias. Des gamins bourrés de fric qui me tapaient sur le système, la plupart du temps, car ils aimaient bien voir Léonard tenter d'échapper à ma surveillance. Ça les faisait marrer. Moi, ça amplifiait mon sentiment d'être dans un milieu où les gens se foutent de ceux qui travaillent. Ceux qui se cassent le cul pour leur sécurité, pour les protéger, pour s'assurer qu'ils puissent vivre la vie qu'ils ont toujours voulue. Puis j'ai appris à être auprès d'eux, comme garde du corps, à comprendre ce qui se cache derrière tous ces faux-semblants et ce paraître conditionné par un titre et la place qu'ils occupent dans la société. Ça m'a pris plus de temps, pour Léo, mais j'ai compris que le poids de son statut, bien qu'il ne l'ait jamais remis en cause, était lourd à porter. Et quand je le vois aussi fragile, dans ce couloir, j'ai juste envie de le prendre dans mes bras pour le rassurer.

Lui jurer que rien ne lui arrivera plus jamais et que je serai toujours là pour lui.

Mais je ne peux rien faire, si ce n'est lui montrer qu'il peut me faire confiance. Pour le reste ? Il ne l'apprendra jamais. Il ne peut pas le savoir. Ça le détruirait trop, ça lui ferait prendre à nouveau un chemin qu'il a eu du mal à accepter : celui de m'aimer, moi, au détriment de son rang. Et il a trop souffert de ça pour que je m'immisce à nouveau dans sa vie. Il a été élevé pour prendre la suite de son père. Pour diriger Saryha. Il a grandi en sachant quelle était sa place. Quand je suis arrivé dans sa vie, les choses ont changé. Mais ça ne doit pas se reproduire. Pour son bien et pour celui de sa famille.

Et franchement, lui balancer qu'on est sortis ensemble pendant presque un an, ça rime à quoi ? Il y a une chance sur deux pour qu'il ne me croie pas, et pire encore, je risque d'être démis de mes fonctions. Je ne prendrai pas le risque.

Même si ça fait mal, même si j'ai la sensation d'en crever, d'être près de lui sans plus pouvoir le toucher, je n'ai pas le choix. C'est sa santé qui l'emporte sur tout le reste, son bien-être.

Ce sera Léonard, le prince héritier, et Bailey Galbero, l'agent de sécurité.

Léo et Bailey n'existent plus que dans ma tête.

– Vous avez besoin de quelque chose, Votre Altesse ?

– Nine, dit-il avec froideur. Vous êtes là.

Il me dévisage, la mine contrariée. Je ne dis rien, gardant une posture impassible jusqu'à ce qu'il se décide à ajouter :

– Je souhaitais faire un tour dans le jardin, c'est autorisé ou dois-je tirer un trait sur cela aussi ?

Je ne réagis pas devant sa remarque acerbe et me décale pour lui laisser l'espace de passer devant moi.

– Prendre l'air vous fera le plus grand bien, confirmé-je.

Il marmonne et me devance. Il déambule dans l'aile d'un pas lent, saluant avec respect chaque personne qu'il croise sur son passage. Je le soupçonne de faire comme s'il maîtrisait, comme si tout ça était normal, comme s'il n'avait rien oublié. Alors que la moitié du personnel sur lequel nous tombons n'est pas ici depuis plus d'une année. En clair, il ne peut se souvenir d'aucun d'eux, et ça provoque un pincement dans ma poitrine.

Royal Bodyguard (sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant