(petite note : le chapitre précédent a subi une refonte significative, une relecture vaut le coup pour comprendre la suite - pas ce chapitre en particulier, mais celui qui viendra après !)
La neige avait le goût et la couleur du sang.
Allongée à plat ventre, Ksenia avançait en rampant depuis deux heures dans la forêt. Elle avait mal aux coudes et dans le dos à force de se traîner à la force de ses bras, mais elle ne pouvait pas prendre le risque de se lever. Si elle se levait, ils la verraient. Et s'ils la voyaient, ils la tueraient.
Or, ce n'était pas ainsi que les choses devaient se passer.
Elle était partie sans son unité. Kommandski Adaiaev ne serait pas content. Mais il n'aurait pas d'autre choix que de la féliciter lorsqu'elle reviendrait victorieuse, le scalp des opposants à la main. Il lui donnerait le commandement de sa propre unité. De là, elle n'aurait plus qu'à démontrer par l'exemple ce que tous savaient déjà par la rumeur : Ksenia Orlova était la meilleure sniper à skis de Stava. La digne fille de sa mère. Arrivée là où elle en était par la simple force de son talent.
Elle portait toujours ses skis, d'ailleurs. Elle avait pensé à s'en défaire et à les laisser contre un arbre le temps d'effectuer la mission mais c'était donner la possibilité à un éclaireur de remarquer sa présence. Et puis, c'était l'occasion de voir si la nouvelle fonction rétractable fonctionnait. Quand elle avait appuyé sur le bouton situé sous ses bottes, le mécanisme avait émis un clic satisfaisant et les planches blanches, divisées en trois, avaient glissé dans le compartiment de métal qui traversait la semelle. Elle avait été impressionnée. Puis elle s'était mise à ramper. Pas de temps à perdre.
Le camp des opposants n'était qu'à deux kilomètres de la caserne mobile. Si elle ne trompait pas, ils n'étaient que cinq ou six. À skis, ça n'était qu'un nombre ; à pieds, elle serait dépassée. Dans les deux cas, il fallait qu'elle les prenne par surprise ou elle savait qu'elle regretterait sa petite escapade. Elle jeta un regard à sa montre polaire. C'était le modèle standard, celui avec stava maga inscrit le long du cadran. Quatre heures. Du matin ou du soir, ça n'avait pas grande importance : passée une certaine latitude au Nord, la caserne mobile ne vivait plus qu'au rythme de la chasse.
Bientôt, elle aurait une nouvelle montre, le modèle de luxe en acier chromé. Le S de Stava gravé à l'arrière, au-dessus de son nom de guerre. Bientôt...
Un bruit au-dessus d'elle lui fit lever la tête.
Une volée de moineaux blancs s'éparpilla au-dessus de la clairière.
Il arriva par la gauche sans prévenir, mais Ksenia l'entendit avant de le voir ; son hurlement déchira la lourde torpeur de la forêt immaculée. Rapide comme un renard, Ksenia se tourna vers l'opposant qui fonçait droit sur elle en agitant les bras. Il approchait à pas rapides, comme s'il glissait sur la neige. Au fur et à mesure qu'il approchait, ses hurlements prenaient la forme d'un gargouillis répugnant.
— S'il vous plaît, s'il vous plaît, s'il vous—
Ksenia tira.
Bang. La neige étouffa la chute de l'opposant alors qu'il tomba tête la première devant Ksenia. À l'arrière du crâne, gros comme une cerise, un trou rouge sombre s'épanouissait déjà.
Ksenia resta en joue quelques secondes de plus, sans jeter un regard au cadavre. Elle s'était laissée surprendre, elle ne pouvait pas commettre une imprudence de plus. Comment avait-elle pu le manquer ? Et surtout, pourquoi avait-il couru vers elle comme ça ?
Cet homme fuyait quelque chose. Quelque chose qui vivait dans le bois.
Skaïa.
Un autre mouvement dans les fourrés la fit se retourner d'un mouvement souple. Face à elle, un cadet de la caserne mobile levait les bras en signe de reddition. Parfait. Elle n'aurait pas pu rêver mieux.

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D'OR ET DE PLOMB.
ФэнтезиLes révolutions se font et se défont. Celle-ci sera d'or et de plomb. @ laura havel, 2019. Khavingrad, République de Stava. MASHA, ÉTUDIANTE EN PHYSIQUE ATOMIQUE, cherche à faire oublier le passé sulfureux de sa famille d'alchimistes lors de la préc...