Malade, je contemple mon bol. Malade d'amour plutôt. J'ai vérifié, je n'ai pas de fièvre. Pourtant, je rêverais de louper les cours. Une semaine s'est écoulée depuis que je me suis déclaré à Silas. La honte, pourquoi ai-je fais ça ?! me demandé-je en plantant mon front contre la table. Mon bol de céréales peinturluré d'éléphants me nargue. Impossible de manger, je n'ai pas faim. J'ai littéralement une crampe à l'estomac. En cours, on ne s'adresse pas la parole. Bon, ça vient aussi du fait que nos noms de famille ne sont pas voisins et que nous sommes à l'autre bout de la salle l'un l'autre. Aucun de nous n'a fait le premier pas vers l'autre depuis. De toute façon, que lui dirai-je ? Restons amis même si je ne suis pas certain que mes sentiments disparaîtront du jour au lendemain et que je hais ta copine parce qu'elle est ta copine ? Il vaut mieux que je garde les lèvres scellées dans ce cas.— Aurelian, tu vas être en retard, sourit ma mère en m'ébouriffant les cheveux.
Je grogne, mais me redresse. On ne vit que tous les deux. Enfin, mon père est notre voisin d'en face alors je divise mon temps en deux. C'est cool. Deux fois plus de cadeaux et deux fois plus de câlins. De toute façon, mes parents sont plus amis qu'amants. Je la regarde s'activer et je ne peux m'empêcher de la trouver belle. Ma mère est parfaite. Comme toutes les mamans, je suppose.
— Maman, comment tu te sentais quand t'as divorcé ?
Aurelian et les questions malaisantes, c'est moi ! Je grimace, mais bien qu'elle soit étonnée, elle se tourne vers moi en s'adossant contre le lavabo. Elle prend une petite gorgée de son chocolat chaud - parce que oui, ma mère en plus d'être géniale, est une grande enfant - puis répond :
— Hmm... bizarrement bien et un peu déçue.
— Pourquoi ?
— Parce que ton père et moi nous sommes séparés en de bonnes conditions. Nous n'étions plus amoureux, juste amis. Ça c'est fait à l'amiable. Mais j'étais aussi triste de voir que notre vie commune allait simplement disparaître comme si elle n'avait jamais existé. Nous avions construit beaucoup de choses ensemble et nous t'avions, toi. Le plus beau cadeau du monde...
Je rougis à ces mots. Ce que les parents peuvent être gênants !
— Donc tu n'as pas eu ton cœur brisé ?
— Non, mon bébé, rit-elle.
Je hoche la tête par automatisme, bien loin de la réalité. Alors, comment se remettre d'une rupture amoureuse et possiblement amicale tout en ayant conscience que les choses ne seront jamais plus les mêmes ?
— Ça va ? me demande-t-elle, soucieuse.
J'engloutis mon lait devenu froid et souris tout en me levant.
— Ouais. J'y vais !
— D'accord. Ne rentre pas trop tard ! C'est la semaine de ton père ce soir.
— Je sais, râlé-je en enfilant mes chaussures.
Un dernier au revoir et je claque la porte. Avant de me figer complètement. Silas est là, devant ma maison. Il me sourit timidement en repositionnant son bonnet noir sur ses cheveux flamboyants. Puis-je lui faire remarquer qu'on les voit toujours ? Au lieu de ça, je balbutie :
— Qu'est-ce que tu fais là ?
Il hausse les épaules puis regarde ses pieds. Je me mords la lèvre, incertain. J'ai une folle envie de rebrousser chemin pour me terrer sous mes draps. Quoi qu'il ait envie de dire, je ne veux pas l'entendre. Pourtant, je reste là, stoïque. Parce qu'au fond, je crois que j'aimerais bien retrouver notre complicité.
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Éphémère
RomanceAurélian a rencontré Silas. Silas et sa joie de vivre exubérante, ses sourires lumineux et ses bracelets africains. Et Aurélian est tombé amoureux. Quoi de plus beau dans ce monde de brutes ?