L'homme referma la porte derrière lui puis prit une grande bouffée d'air, qui porta avec elle l'odeur très caractéristique de sa demeure, la senteur des vieux meubles mélangée à l'odeur des pizzas dont les cartons jonchaient l'un des coins de la pièce.
Il retira son vieux manteau qu'il accrocha au support derrière la porte qu'il venait de passer, support qui se balança dangereusement, menace qu'un jour il finirait par lâcher sous le poids. Voyons voir qui de nous deux tiendra le plus longtemps, pensa le vieil homme avant de se diriger vers le fond de la pièce, où se trouvait un réfrigérateur archaïque. Il ouvrit ce dernier et en sortit un carton de pizza où trônait une part datant de la veille, puis une canette de soda.
Les bras chargés de son festin, le vieil homme s'assit sur un sofa, installé juste en face d'un vieux téléviseur qu'il avait allumé et qui ne captait qu'une seule chaîne du câble. Il posa le carton sur ses cuisses, puis entreprit de retirer le lacet qui retenait ses longs cheveux grisonnants qui retombèrent sur ses tempes ridées.
Confortablement installé il attaqua sa pizza quatre fromages froide, son attention portée sur les images que projetaient le téléviseur ; un homme brun qui animait tous les soirs un talk-show très populaire. Talk-show qui avait en effet connu plusieurs changements de présentateur au fil de sa diffusion suite à de nombreux scandales.
« Bientôt tu seras accusé de harcèlement sexuel ou alors on découvrira je ne sais quelle autre déviance tu peux bien cacher derrière ce sourire mon grand, et clic un autre prendra ta place et dans quelques mois on t'aura oublié. C'est ça la vie, nous ne sommes que des rouages dans la machine, dès qu'on se met à grincer on est remplacé par du sang neuf et tout continue de tourner, comme si de rien n'était. Je me demande combien de temps... »
Le vieil homme fut interrompu dans son monologue par un bruit répétitif venant d'un coin de la pièce, celui où étaient entassées les boîtes de pizzas. Il vivait seul et si le bruit ne venait pas de lui ou du bâtiment très ancien qu'il habitait, alors il s'agissait de ses colocataires indésirables, une famille de souris qu'il tentait d'évincer depuis des mois déjà et qui non contents, ne faisaient que s'engraisser jours après jours.
Il se leva de son sofa, s'abaissa très lentement pour saisir l'une de ses bottes et se dirigea vers l'origine du bruit. Il avança à pas de loup vers la pile de cartons et les aperçus là, attablés autour de la pile de cartons en plein dîner, mordant à pleine dent dans les quelques traces de pizzas qu'il y restait. Le vieil homme s'élança brusquement puis quand il se jugea assez proche, lança violemment la botte qui fît s'écrouler le château de boîtes. Il entendit un bruit aigu venir de dessous l'armoire qui trônait devant l'un des murs de la pièce et il comprit que son assaut s'était avéré infructueux. Le vieil homme tenta quand même une dernière attaque en ouvrant le dernier tiroir de l'armoire où il soupçonnait la famille de s'être installée. En lieu et place d'un nid douillet de souris il tomba sur une pile de papiers et de vieux documents qui prenaient la poussière. Il allait refermer le tiroir et retourner à sa dernière part de pizza quand un objet attira son attention dans l'amas de documents, un carnet noir en cuir relié sur lequel était gravé au stylo la lettre N.

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Une histoire d'amour
Fiction généraleUne vie monotone, une promesse qui prend la poussière, un carnet oublié et l'espoir d'une lumière au bout du tunnel d'une autre.