Les Six Mages - T1. Les Mystères du Passé

Chapitre 2 - Célia

De loin, la fac avait déjà l'air d'être barbante. C'était un grand bâtiment vitré, grisâtre ; les escaliers étaient bondés d'étudiants qui buvaient leur café et se racontaient les potins de vacances.

La fac de lettres étant juste à côté, Nolwenn l'avait accompagnée. Sa sœur n'en était pas à sa première rentrée et s'était habillée de façon décontractée, sans trop se soucier de son apparence. Elle lui passa un bras autour de l'épaule et la serra contre elle. - ''Je suis sûre que ça va bien se passer", fit Nolwenn en réajustant son sac sur l'épaule. "Tu m'envoies un message quand tu sors ce soir d'accord ?". Célia acquiesça sans parvenir à prononcer le moindre mot ; elle se sentait oppressée. Sa sœur la regarda en silence, puis lui fit un signe de main et tourna les talons pour traverser la rue. Célia prit une grande inspiration et se tourna vers le bâtiment vitré qui l'attendait.

Elle n'était pas stressée, oh non. Elle était... énervée. Déçue aurait pu également convenir à son état actuellement.

Elle suivit sans empressement les groupes d'élèves qui entraient dans le bâtiment ; des odeurs de transpiration et de chaussettes mal lavées lui parvenaient déjà, et elle fronça le nez. Très vite, les étudiants se séparèrent en fonction de leur cursus ; jetant un regard sur le panneau d'affichage le plus proche, Célia chercha un plan du bâtiment et y trouva sa salle. Quatrième étage. Elle se dirigea vers l'ascenseur, déjà plein, et se résigna à monter les escaliers en essayant de ne pas penser au nombre de séances de sport que cet effort équivalait. Elle n'était pas une grande sportive, c'était le moins qu'on puisse dire.

Elle arriva au quatrième étage essoufflée et d'humeur passable. Ses talons firent un bruit sourd dans le couloir vide alors qu'elle jetait un regard à son reflet dans une des vitres. Ajustant sa veste, elle soupira et se dirigea vers l'amphithéâtre.

Il était déjà bondé, et un simple coup d'œil lui fit comprendre qu'une nouvelle fois, la gente féminine était en sous-effectif. Elle se dirigea vers les bancs du fond, ignorant tous les autres étudiants, sortit son ordinateur et s'installa. La journée promettait d'être longue.

Le discours de bienvenue, prononcé par un vieux professeur de biologie qui avait l'air d'avoir un pass d'entrée gratuit en tant que fantôme du cimetière voisin, fut terriblement ennuyeux, à la hauteur de ses attentes. Elle nota tout de même les numéros des salles et les noms des professeurs, en priant pour qu'ils ne soient pas tous déjà à moitié dans la tombe.

Le premier professeur qu'elle eut était une femme, et si celle-ci n'avait pas le pied dans la tombe, elle avait l'air d'avoir avalé un manche à balai. Elle leur exposa pendant deux longues heures la transcription de l'ADN dans la biologie moléculaire. Célia bailla d'ennui : non pas que le sujet soit foncièrement inintéressant, mais elle se souvenait de ses cours de Terminale, et cela, elle l'avait déjà vu et retenu. Vers la fin de la dernière heure, elle cessa de faire semblant de s'intéresser à ce que le manche à balai disait, et alluma son téléphone. Un message de Léana s'afficha sur l'écran : "On est bien arrivées au collège. C'est moche et bruyant. Bon courage pour ta journée big sis, même si je sais que ce n'est pas ce que tu aurais voulu." Célia soupira : sa sœur avait été la seule à la soutenir lors de sa dispute avec Nolwenn. Maëlle était cent pour cent du côté de leur aînée, et les jumeaux s'étaient bien gardés de prendre partie.

Et, une nouvelle fois, Nolwenn avait eu gain de cause, non seulement auprès des quatre autres, mais aussi auprès du reste de la famille. Leurs parents la soutenaient, leur grand-mère la soutenait... Et aucun d'eux n'avait pris en compte ce qu'elle, elle souhaitait réellement. "Pas ça en tous cas ...", grinça-t-elle. Quelques jeunes devant elle se tournèrent vers elle au son de sa voix et leur adressa un léger sourire d'excuse avant de se passer une main sur le visage. Elle ne pouvait plus changer le passé, alors autant faire du mieux qu'elle pouvait là où il l'avait emmenée.