25. SYMBIOSIA

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L'air embarrassé qu'affichait Kiza traduisait bien son incompréhension face à ce statut qu'on lui attribuait. Fondateur ? Que pouvaient-ils bien entendre par là ? S'étant approchés, les habitants du village observèrent plus en détail le jeune loup et des murmures s'élevèrent de leur attroupement.

— Non, ce n'est pas lui, regardez, il est bien plus jeune.

La foule s'écarta pour céder la place à un homme en manteau blanc, aux cheveux mi-longs grisâtres et aux yeux en amande intensément bleus. L'individu toisa Kiza avant de lui demander :

— Toi, comment cela se fait-il que tu ressembles autant à Nayati Korama ?

— Vous avez connu mon père ? s'étonna Kiza.

Une nouvelle clameur retentit. L'homme afficha quelques secondes un regard stupéfait avant d'éclater de rire.

— Qui ne connaît pas ton père ici, mon garçon ! C'est lui-même qui a créé ce village !

Cette fois-ci, ce fut au tour de Kiza d'être stupéfait.

— Je préférais laisser Adam Ynyver, l'animâme du chien et actuel dirigeant du village te le révéler, expliqua Achak à Kiza.

L'homme au regard de saphir fronça les sourcils.

— On se connaît déjà, jeune homme ?

— Je suis le petit-fils d'Hassum Miskinâhk, de ce fait, je connais chacun d'entre vous indirectement, car c'est mon grand-père qui a permis à Nayati de vous retrouver pour vous réunir tous ici.

Un silence gagna les deux groupes, qu'Adam s'empressa de briser.

— Eh bien, inutile de me présenter, j'ai été devancé ! plaisanta-t-il. Voyons, ne restons pas plantés ici, vous êtes les bienvenus à Symbiosia ! Jeannette, il va falloir leur trouver un logement.

Une femme bien dodue aux joues roses et aux narines proéminentes sortit des rangs. De son bras gauche, elle portait contre elle un marmot endormi, et de la droite, elle tenait la main d'une fillette grassouillette. « Cela ne sera pas bien compliqué de deviner leurs animâmes », s'amusa à penser Inaya.

— Imani, il leur faudra aussi des vêtements neufs, continua d'indiquer Adam. Profitez du reste de l'après-midi pour visiter le village et vous reposer, vous nous parlerez de la raison de votre venue au souper du soir.

Les habitants commencèrent à indiquer aux Palakis de les suivre dans une sorte d'euphorie générale. Si Kiza avait eu des doutes au sujet de l'accueil qui allait leur être réservé, jamais il n'aurait imaginé être réceptionné avec un tel prestige. Il s'apprêta à suivre ses compagnons, quand Adam l'attrapa par l'épaule pour le retenir.

— Attends, viens avec moi, je crois qu'il y a quelqu'un qu'il faut que tu rencontres.

Sans comprendre, Kiza le suivit à travers le village jusqu'à une vieille hutte, probablement la plus dépenaillée de tout. Adam toqua à la porte et rentra dans la foulée en indiquant à Kiza de le suivre.

À l'intérieur, de nombreuses bougies éclairaient et réchauffaient l'espace déjà étouffant. Des encens répandaient une forte odeur de résine et embrumaient la pièce d'un fin nuage de fumée en se consumant. Kiza, pris à la gorge, toussa dans un premier temps, puis distingua une silhouette leur tournant le dos, assise en tailleur sur un coussin.

— Madame Gujih ? l'appela Adam d'une voix très douce. J'ai avec moi un visiteur dont, je pense, vous apprécierez faire la connaissance.

La dame en question se retourna lentement, laissant les sillons de son visage apparaître sous la lumière des flammes. D'origine asiatique, ses rides étaient telles qu'on ne parvenait pas à distinguer ses petits yeux sous ses paupières fatiguées, encore moins avec la brume environnante. Ses cheveux blancs remarquablement longs tombaient le long de sa robe traditionnelle japonaise, et Kiza réalisa que ce lieu était un sanctuaire, et elle en pleine prière.

Kiza et l'Ordre des PalakisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant