Du chant aux cris

Chapitre 1 - Le déménagement

Un soupir.

Voilà ce qui sortait régulièrement de la bouche d'Octavia. Elle songeait aux paroles de ses parents tout en soulevant les lourds cartons qui contenaient ses précieuses affaires.

« Sois plus autonome ! On ne sera pas toujours là pour faire les choses à ta place. »

Ces paroles raisonnaient dans la tête de la jeune fille. Ce brusque reproche l'avait menée dans une incompréhension indescriptible. La brutalité de leurs mots fut poignante pour la demoiselle qui ne comprenait pas cette réaction disproportionnée. Pour elle, devoir un jour quitter la maison familiale ne lui avait jamais traversé l'esprit.

Elle aimait rester dans sa simple, mais précieuse chambre, ce lieu qui l'avait de nombreuses fois réconforter après de dures journées d'école. Elle y connaissait chaque recoin, et chaque objet lui donner un peu plus vie. Mais dorénavant, cette chambre si rassurante, elle ne pourrait plus y aller.

Toujours plongée dans ses pensées, Octavia continuait de transporter ses affaires jusqu'à son petit appartement, situé au quatrième étage d'un vieil immeuble.
Soudain, son pied heurta une marche et le contenu du carton qu'elle tenait se répandit sur le sol.
« AAHH !! »
Elle se précipita pour ramasser les objets et vérifia avec crainte qu'aucun d'entre eux ne se soit cassé.
Lorsqu'elle eu finit de récupérer ses affaires, elle se rendit compte qu'un petit papier était tombé trois marches plus bas.
Elle descendit les escaliers et le ramassa. Intriguée elle le retourna et se rendit compte qu'il s'agissait d'une vieille photo. Elle fût prise immédiatement de nostalgie lorsqu'elle reconnut les deux enfants sur le cliché.

{flash back}

- Octavia sors de ton lit maintenant, tu vas être en retard pour ton premier jour d'école !
- Non je veux pas y aller... répondit la petite fille avec une voix tremblotante
- C'est ta rentrée de CP, c'est un jour très important et tous les enfants doivent y aller. Ne t'inquiète pas, tu vas te faire beaucoup d'amis et tu vas apprendre à lire et à écrire pour devenir une grande fille.
- Non... j'ai peur !
La mère d'Octavia rentra dans la chambre et souleva la couette sous laquelle se cachait la petite fille.
- Allez, viens maintenant, je suis sure que ça va bien se passer.
Elle attrapa le bras de sa fille et vit son visage en larme.
- Maman... snif... fit cette dernière en se réfugiant dans les bras de sa mère.
- Ohhh ma chérie, tout va bien, Maman sera toujours là pour toi.

Le père d'Octavia entra à son tour dans la chambre.
- Mais qu'entends-je là? Une jeune fille en pleurs? Je me dois d'intervenir ! Ma jolie demoiselle, ne laissez pas les larmes couler sur votre beau visage. Tenez, un petit cadeau pour vous donner du courage.

Il sortit de derrière son dos une magnifique peluche chat. C'était un petit félin roux avec des rayures brunes et de jolies moustaches.

Octavia s'arrêta subitement de pleurer et ses yeux brillèrent devant le joli animal.
- Comment vas-tu appeler ce nouveau compagnon? demanda le père.
En essuyant ses larmes, elle répondit :
- Ga... Garfield... comme dans le dessin animé.
- Oh tu as très bien choisi ! Ce nom lui va parfaitement ! répondit-il.
- Aller maintenant que tu as un nouveau compagnon nous pouvons aller à l'école, ou nous arriverons vraiment en retard, déclara la mère.

Après avoir fini de se préparer, ils déposèrent Octavia devant son établissement.
Malgré les encouragements de ses parents, la rentrée de la fillette ne se passa pas aussi bien que prévu et les jours qui suivirent furent encore pire. Très rapidement les enfants s'étaient regroupés entre eux et avaient commencé à sympathiser. Mais la timidité maladive d'Octavia avait en un instant fait d'elle une marginale. D'office mise à l'écart, elle ne parvint encore moins à s'adapter à ce nouvel environnement.

« Pourquoi elle ne parle jamais? Elle est bizarre. N'allez pas la voir elle est pas drôle. Elle est trop discrète. Elle sait pas parler, on comprend rien de ce qu'elle dit. »

C'était le genre de phrase qu'elle avait l'habitude d'entendre à longueur de journée. Pour ne rien arranger, sa maîtresse ignorait totalement le malaise de la jeune élève et n'hésitait pas à l'humilier.
« Eh bien alors Octavia, tu as perdu ta langue? Tu n'arrives pas à t'intégrer? Ou alors tes petits camarades ne sont pas assez bien pour toi? »

Malgré cela, Octavia continuait d'aller à l'école tous les jours. Elle s'était créé un monde, avec ses livres et ses jouets, où le rabaissement de sa maîtresse et la solitude ne l'atteignaient pas.

Puis un jour, au début du deuxième trimestre, un nouvel élève fit son apparition. C'était un petit garçon joyeux et plein de vie. Il n'avait pas été difficile pour lui de s'intégrer dans la classe, et il fût rapidement un des élèves les plus appréciés de l'école, que ce soit par les élèves ou les enseignants.
Mais à l'opposé de tous les autres élèves, le nouveau ne trouvait pas Octavia bizarre. Il avait d'ailleurs plusieurs fois tenté de lui parler pour apprendre à la connaître.

« Salut ! Je m'appelle Owen, je suis le nouveau. On est dans la même classe ! »

Mais Octavia ne lui répondit pas et continua de marcher dans le couloir.

« Dis tu aimes dessiner? Moi j'adore ! J'ai eu de nouveaux crayons de couleurs pour mon anniversaire, tu veux les essayer avec moi? »

Toujours pas de réponse.

« J'ai déjà dessiné Pikachu, c'est un Pokémon tu connais? D'ailleurs c'est mon plus beau dessin. J'ai aussi dessiné Shrek, Spiderman, Bambi... Il est trop mignon Bambi hein? J'ai aussi une fois dessiné La Belle au Bois Dormant... mais chut c'est un secret, si les autres garçons apprennent que j'aime les princesses ils vont se moquer de moi ! »

Soudain la sonnerie retentit.
« Oh on doit retourner en classe ! Viens ! »
Owen saisit la main d'Octavia et commença à courir.
« Vite on va être en retard ! »

{fin du flash back}

La jeune femme reprit ses esprits. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas pensé à cette partie de son enfance. Afin d'oublier ces douloureux souvenirs elle reprit le cours de son déménagement. Un, puis deux, puis trois, elle monta tous ses cartons jusqu'à son appartement.
Épuisée, elle se laissa tomber sur son canapé, qui avait été amené à son domicile par un ami de la famille quelques jours plus tôt .
Elle ferma ensuite les yeux afin de se reposer quelques minutes.

Quand elle les rouvrit, elle aperçut par la fenêtre le ciel orangé du coucher de soleil. Elle se leva alors et se dirigea vers sa cuisine afin de se préparer un encas pour le dîner.
« Mmh j'ai trop dormi... »
Elle se prépara un bol de nouilles instantanées et s'installa sur son canapé pour manger. Elle dîna ainsi en silence tout en observant le soleil se coucher.