20 Situations de missions catastrophiques

Errance mentale

Natasha avait dissocié.

A ce stade, c'était tout ce qu'elle avait pu faire pour se protéger. S'ancrer dans un monde imaginaire était beaucoup moins violent que d'affronter la réalité. Et puis, fermement attachée comme elle l'était, ses autres options étaient minces. Elle pousserait même jusqu'à dire qu'elles étaient complètement inexistantes.

Elle avait rapidement réfléchi, peser le pour et le contre avant de l'envisager.
Mais, elle était vite arrivée à la conclusion que dissocier était sa seule alternative acceptable. Entre autre, cela lui permettait de rester impassible aux tortures, de paraître insensible aux yeux de celui qui souhaitait à tout prix obtenir l'emplacement des locaux de la Red Room. Elle en rigola intérieurement. Qui que soit cet homme, il s'était définitivement attaqué à la mauvaise personne. Elle n'en savait réellement strictement rien. Mais surtout, dissocier lui permettait de gagner du temps. De laisser à son cerveau le soin d'établir un plan d'évasion sans éveiller les soupçons et sans être distraite par la douleur subie.

Évaluer tous les scénarii possibles. Voilà ce qu'elle faisait sans relâche depuis qu'elle s'était déconnectée de la réalité.

La Red Room lui avait appris a déconnecter son corps de son esprit dès son plus jeune âge. Cette technique l'avait sauvée de nombreuses fois et elle le pratiquait régulièrement. Pourtant, cela lui demandait toujours beaucoup d'énergie. Et, à ce moment précis, après plusieurs jours d'errance, elle sentait qu'elle arrivait presque à saturation de ce côté-là.

Deux ou trois jours auparavant (elle n'était pas certaine du nombre), les affrontements avec ses adversaires avaient été rudes jusqu'à ce qu'elle fut totalement maîtrisée et immobilisée sur un vieux sommier en métal rouillé.

Depuis, sa principale préoccupation avait été de rester concentrée. Sauf que, bien malgré elle, son cerveau en avait décidé autrement et errait littéralement entre deux mondes : l'inconscience et la conscience.

Une minute, elle voyait ses tortionnaires, et la minute d'après, elle se refugiait dans une cabane bienfaitrice entourée de montagnes enneigées.

C'était une lutte sans merci que se livrait son cerveau. Restait à savoir qui gagnerait le combat. Et Natasha avait bien une petite préférence sur la question. Bien évidemment, ce n'était pas celle qu'elle aurait souhaité qui était en train de gagner. Son mental et son corps étaient bien trop forts, -ou plutôt, trop entraînés-, pour lui accorder le plaisir de se reposer encore un peu.

Il lui imposait d'agir.

La dure réalité la rattrapa donc bien trop vite à son goût, tel un cheval fou lancé au triple galop. Totalement réveillée dans une pièce glaciale, elle aspira de l'air puis toussa violemment en sentant sa gorge asséchée par le manque d'eau. Ses terminaisons nerveuses explosèrent aussitôt de douleur. Visiblement, les hommes devant elle avaient essayé de la faire réagir par tous les moyens possibles.

"Enfin de retour parmi nous," s'exclama une voix rocailleuse. "On commençait a perdre patience. On pensait qu'on vous avait tuée avant même de commencer notre interrogatoire."

Le menton contre la poitrine, Natasha fronça les sourcils à ces paroles puis son regard se fit intensément plus noir et elle releva lentement la tête. Son esprit avait eu raison de la ramener à la réalité, le moment était venu...

"Raté pour vous," grinça-t-elle des dents en libérant ses poignées d'un mouvement presque imperceptible. "Il faudra encore patienter pour obtenir vos réponses."

Puis, elle attaqua à la vitesse d'un éclair.

Surpris, les quatre hommes présents dans la pièce reculèrent, les yeux écarquillés et l'espionne en profita pour attraper les instruments de torture situés juste à côté d'elle. En moins de deux minutes, elle avait planté un couteau dans le front d'un assaillant, mis le feu à un autre, électrocuté au voltage maximum celui qui avait tenté de s'enfuir et tordu le cou du dernier.

Reprenant son souffle, Natasha baissa les yeux pour se regarder. Son corps était couvert de sang, ses vêtements déchiquetés mais elle était en un seul morceau.

En un seul morceau et en vie.