Chapitre 1

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- Dépêche-toi Charlotte, tu vas déjà arriver en retard à ton premier jour

La voix de ma mère raisonne au loin dans ma tête. Elle me semble être tout droit sortie d'un rêve. Je m'autorise alors à fermer les yeux quelques minutes afin de profiter encore un peu de mes derniers instants de vacancière.

Je sursaute lorsque la porte de ma chambre s'ouvre avec fracas. Ma mère déboule alors, maquillée à moitié, les cheveux dressés sur une partie de la tête. Je me roule alors en boule sous mon drap, comme lorsque j'étais enfant et que je me cachais sous les couvertures. Malheureusement, je ne mesure plus un mètre depuis longtemps et mes pieds ne tardent pas à dépasser de sous la couette.

- Charlotte, je te préviens que si tu me refais passer une année comme l'année dernière, tu iras prendre le bus tous les matins. Ça suffit maintenant, tu viens d'avoir 16 ans. Tu n'es plus une enfant.

Sur ces mots, elle sort de ma chambre en allumant la lumière, de sorte que je n'ai d'autre choix que de me lever.

Cette année, je rentre en classe de première. Dans quelques minutes seulement, je vais enfin pouvoir retrouver tous mes amis. Mais à la différence des années précédentes, je ne ressens aucun stress vis-à-vis du choix des classes. En effet, nous avons tous opté pour une section Économique et Sociale. Et, notre lycée n'étant pas très grand, nous n'avons qu'une classe par session. Ce qui signifie que nous tomberons tous ensemble pour nos deux dernières années en tant que lycéens. Non, ce qui me tracasse davantage ce matin, c'est plus le fait que je passe mon baccalauréat de français à la fin de l'année. Alors que je suis généralement d'un naturel très calme et posé, cette perspective de devoir entamer une première partie de ce fameux diplôme me terrorise. Je refoule ces pensées dans un coin de ma tête et chausse mes pantoufles.

Lorsque je descends prendre mon petit-déjeuner dans la cuisine, mon frère Pablo est déjà en train de rincer son bol, sous le regard amoureux de mon chat, Fidji.

Mon frère est le genre de garçon qui a tout pour plaire mais qui ne s'en rend pas compte. Plus âgé de quatre ans, il est brun aux yeux noirs, ce qui lui confère un charme mystérieux. Grand et mince, je me doute qu'il ne laisse pas indifférent un grand nombre de mes amies. Malheureusement pour elles, il s'éprend davantage de ses jeux vidéos plutôt que de leurs mini-jupes. Il suit d'ailleurs des études d'informatique dans l'optique de pouvoir intégrer, par la suite, une école très prisée de jeux vidéos. Même s'il ne l'avoue pas et qu'il fait mine de ne pas s'impliquer, je sais qu'il travaille très dur pour y arriver.

Mon frère est aussi un garçon très gentil mais doté d'un sale caractère à toute épreuve. Mais je ne peux rien lui reprocher. Je suis exactement pareille que lui sur ce plan. Physiquement, nous n'avons que quelques traits de ressemblance ; je suis brune aux yeux noisettes. Je ne suis ni grande, ni petite. Ni grosse, ni mince. Mais mentalement, nous sommes des jumeaux. Nous entretenons une relation fusionnelle qui ne manque pas de tester quotidiennement la patience de ma mère.

En effet, nous vivons seuls avec elle dans la maison familiale. Mes parents ont divorcé il y a quelques années, du fait de la soudaine prise de conscience de mon père de sa quarantaine. Il a alors décidé de recommencer une nouvelle vie, et je me dis que c'est parfois mieux ainsi.

En entamant mon bol de céréales, je me rends compte que mon frère me regarde, un sourire aux lèvres.
- Quoi ? finis-je par lâcher.
- Tu fais péter un câble à maman le premier jour des cours. Tu es irrécupérable.
- Je ne lui fais pas péter un câble. Je la replonge juste dans le bain, histoire qu'elle reprenne vite la main !
- C'est bien ce qu'il me semblait, tu es irrécupérable.

En sortant de la cuisine, il m'embrasse sur le sommet du crâne et me laisse seule avec mes céréales. Quelques minutes plus tard, j'entends la porte claquer, signe que mon frère est en route pour sa fac.

Une fois mon bol avalé, je me précipite dans la salle de bain pour une douche en vitesse. J'entends déjà soupirer ma mère lorsque je sors de la douche et qu'elle se rend compte que je suis loin d'être prête.

- Ça va maman, je vais me dépêcher. Ne me presse pas sinon ça me fait aller encore plus doucement.

En guise de réponse, ma mère hausse les sourcils et lève les yeux au ciel. Afin d'éviter une énième remontrance, je me maquille les yeux en vitesse, donne un coup de peigne à mes cheveux et sort en titubant de la salle de bain, une jambe coincée dans mon jean. Une fois dans ma chambre, et le jean enfin enfilé, j'opte pour une chemise noire cintrée associée à mes converses noires.

Lorsque je lace ma dernière chaussure, j'entends ma mère s'énerver sur l'accélérateur de la voiture, signe de son impatience. J'attrape au passage mon sac en bandoulière, ainsi que mon téléphone posé sur le buffet du salon, et je fonce à toute vitesse hors de la maison.

Je suis désormais prête à débuter une nouvelle année.

Lâcher priseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant