Chapitre 5

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Malgré mon impossibilité à me concentrer, la journée touche rapidement à sa fin et la sonnerie de 17h retentit enfin.

Après le premier cours de la journée, Alex et moi n'avons que très peu échangé, surement dû au fait que je passe la plupart du temps à ignorer ses remarques empreintes de sous-entendus et ses allusions plus que douteuses. Finalement, il a compris que je ne lui porte aucune attention et il a stoppé d'essayer d'entretenir une quelconque conversation dès le début de l'après-midi, à mon plus grand soulagement.

Étant donné qu'il n'a apporté que très peu d'affaires pour son premier jour, son bureau est rangé en un rien de temps. Il me tend alors négligemment le stylo que je lui ai prêté en début de journée :

- Tu veux peut-être récupérer ton bien ?
- Oui, en effet. Merci. Tu peux le poser sur la table.

Priant intérieurement pour qu'il s'éclipse rapidement, celui-ci n'en fait rien et continue de m'observer, mon stylo pointé en ma direction, comme s'il allait jouer aux fléchettes, en me prenant pour cible.

- Et qu'est-ce que tu vas faire alors ? me demande-t'il, en jouant à faire tourner mon stylo entre ses longs doigts. Je remarque alors que ses ongles sont très courts, rongés et noircis, comme s'il venait de travailler la terre.
- Et bien comme tu peux le voir, je suis en train de ranger mes affaires.
- Non mais merci, j'avais bien vu ! Mais qu'est-ce que tu comptes faire après les cours ?
- Je compte rentrer chez moi et m'attaquer à mes devoirs.
- Quel beau programme !
- Je ne t'ai pas demandé ton avis.
- Tu ne m'as pas demandé non plus ce que je comptais faire après les cours.
- Surement parce que ça ne m'intéresse pas.
- Je suis certain que non et que tu crèves d'envie de le savoir.
- Et bien détrompe-toi, lui réponds-je sèchement en bouclant mon sac. Tu peux garder le stylo, je n'en aurai pas besoin. A demain.

A cet instant, je bascule mon sac sur mon épaule et cherche du regard Manon. Je l'aperçois dans le couloir et l'entends discuter avec d'autres filles de l'emploi du temps de cette année et du plan de classe imposé, en feignant une mine déconfite.

En me dirigeant vers la sortie, je divague dans mes pensées :
- A croire que nous sommes des enfants ! Comme si nous avions besoin d'un plan de classe en classe de première ! Et en plus, j'ai tiré le gros-lot. Je vois bien que Manon fait mine d'être déçue de la nouvelle, mais je la connais. Elle frémit à l'idée de se retrouver toute une année à côté d'un mec, qui plus est, à côté d'un beau mec !

Alex me tire tout à coup de mes pensées en me barrant la route.

- Qu'est-ce que tu veux encore ?
- Ça te dirait d'aller skater avec moi ce soir ?
- Je t'ai déjà dit que je rentrais directement chez moi, et que je compte bosser. Et tu sais quoi ? Je n'ai aucune envie de passer plus de temps avec toi ! 7 heures dans une journée, c'est largement suffisant.
- C'est bien ce que je pensais. Tu as la trouille.
- Mais pas du tout ! De toute manière, je ne sais pas skater.
- Tu as la trouille ET tu te trouves de bonnes excuses. Tu es bien comme toutes les autres.
- Mais de quoi est-ce que tu parles ? Tu ne me connais même pas ! Comment peux-tu me comparer aux autres ?
- L'avantage avec toi, c'est que tu pars au quart de tour. Et que ça me fait marrer. Je crois que je vais bien m'amuser cette année !
- Allez c'est ça, amuse-toi bien. Moi je me barre.
- La prochaine fois, penses-y. Si un jour tu veux apprendre à skater, tu as le maître ultime en la matière devant toi ! Encore faut-il que tu oses...

Je ne prends même pas la peine de répondre à sa remarque. Ce mec est juste incroyable ! Incroyable dans le sens où il n'a besoin que de quelques minutes pour me mettre en rogne. Je le déteste !

En sortant, Manon me rejoint. Elle est tellement absorbée par son téléphone qu'elle manque de me rentrer dedans.

- Oups, désolée ! s'excuse-t'elle.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- J'enregistre le numéro d'Ethan ! Il me l'a filé à la fin du cours, au cas où l'un de nous serait absent un jour... Enfin tu vois le truc quoi ! Mais du coup, je me tâte à lui écrire un SMS parce que ça risque de faire la fille un peu...
- Ouais, je vois bien ouais, la coupe-je dans son élan. Bref, on rentre ?
- Mais qu'est-ce que tu as enfin ! Ce n'est pas de ma faute si je ne suis pas à côté de toi cette année. Tu réagis comme une gamine ! C'est incroyable comme tu peux être puérile parfois.

Je suis bouche bée. Je ne suis pas certaine d'avoir bien entendu ce que vient de me dire ma "soit-disant" meilleure amie. La pression de cette journée merdique me revient de plein fouet et la colère que j'étais parvenue à contenir depuis ce matin vole en éclat.

- C'est moi qui suis puérile alors que tu te pavanes sur ton téléphone devant le numéro d'un mec que tu connais depuis seulement un jour ? Non mais je rêve !
- Arrête ça tout de suite Manon. Tu sais très bien que ce n'est pas le cas.
- Ah non ? Et qui est-ce qui m'est rentrée dedans parce que Madame avait les yeux rivés sur son téléphone, un sourire pitoyable accroché sur les lèvres ?
- C'est moi qui suis pitoyable ? Non mais Manon, revient sur terre ! Ce n'est pas de ma faute si tu n'as pas passé une bonne journée. Tu as passé la journée à te plaindre et je ne vais certainement pas m'apitoyer sur ton sort le restant de cette journée. Et tu sais pourquoi ? Parce que moi, j'ai passé une bonne journée. Non même ! Une excellente journée. Mais ça tu t'en fous ! A partir du moment qu'on ne parle pas de toi et de ta petite personne égocentrique, le reste n'a plus aucune importance à tes yeux.

Je n'arrive pas à croire qu'elle me balance toutes ces horreurs à la figure alors que je n'ai rien fait ! C'est incroyable !

Je bouillonne de rage. J'ai envie de lui sauter à la gorge, de lui arracher les cheveux et de lui faire avaler son tie-and-dye.

Au moment où je vais pour lui répondre, son téléphone se met à vibrer et je vois le nom d'Ethan apparaître. Je reste la bouche ouverte puis la referme, comme un poisson hors de l'eau. Nemo n'a rien à m'envier.

- Allo ? Tu m'attends en bas ? Pas de souci Ethan, je te rejoins.

En raccrochant, Manon me lance :

- Réfléchis à ton attitude. En attendant, je rentre avec Ethan ce soir. Bonne soirée.

Elle tourne alors les talons et s'en va. Je la suis des yeux et attends de la voir disparaître pour laisser échapper les larmes qui me brûlent les yeux.

- Dure journée n'est-ce pas ?

Sa voix me fait sursauter. Je me retourne et je vois Alex, adossé à l'encadrement de la porte. Pour la première fois depuis le début de la journée, il ne semble être prêt à me lancer l'une de ses remarquantes cinglantes.

- Plus que tu ne l'imagines.
- Oh crois-moi, je peux tout à fait l'imaginer. Je peux faire quelque chose pour toi ?
- Non vraiment, je ne suis pas d'humeur Alex. Je vais rentrer chez moi.
- Comme tu veux. J'allais te proposer de venir boire un verre chez moi.

Je lui souris timidement et essuie l'une des larmes qui coule le long de ma joue.

- C'est gentil, mais je ne bois pas d'alcool.
- Alors un chocolat chaud ? Ma mamie m'a toujours dit que le chocolat était le remède à toutes les peines !

Je ne sais pas si c'est le fait d'être complètement chamboulée ou peut-être le fait trop chou qu'il ait appelé sa grand-mère "mamie", mais je lui réponds sans réfléchir et surtout, sans hésiter :

- Un chocolat chaud avec un peu de crème chantilly alors ?
- Va pour la crème chantilly ! Et si tu es sage, tu auras même droit à un granola.

Pour la première fois de ma vie, je ne la sens qu'à peine mais une petite flamme vient de s'allumer au centre de mon cœur. Bercée par mon trop-plein d'émotions contradictoires, je décide de l'ignorer et de suivre Alex.

La petite flamme pourra attendre.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 04, 2015 ⏰

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