14. PDV Mixte

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*** Duncan ***

Les réunions s'enchaînent.

La vie reprend son cours comme s'il n'y avait eu aucune interruption.

Installé dans mon fauteuil à la tête de cette table qui regroupe les trafiquants d'armes les plus redoutés d'Amérique, je suis de retour dans mon élément. Je me pensais rouillé après tout ce temps à avoir subi littéralement ce que mes ancêtres ont subi avant moi.

Mais la rage de vaincre est plus forte.

— Y aura du retard sur la cargaison d'explosifs qui devait arriver ce soir, m'explique Yoshida, l'un de mes principaux fournisseurs.

— Pourquoi ?

— Les aléas du métier. Faudra attendre la semaine prochaine. Peut-être même celle d'après.

Son air insolent me provoque. Et c'est sûrement ce qu'il recherche.

— Depuis quand le grand Yoshida se laisse faire par les aléas du métier ?

— Je peux te retourner la question... Aquila. Le chef des RN-7 qui se fait prendre par un amateur... je me demande comment tes troupes font pour continuer à te faire confiance.

Ma mâchoire se contracte mais je m'efforce tout de même de garder mon calme.

— Ça s'appelle le talent, persiflé-je avec un sourire narquois. Tu comprendras le jour où t'en auras.

Sans un mot de plus, je me lève de mon siège, ajuste lisse ma veste noire et réajuste le flingue sur ma ceinture avant de contourner la table pour aller me positionner juste derrière le siège occupé par Yoshida.

— Quoi qu'il en soit, je crois pas que je te paye pour discuter de ton avis sur mes capacités à diriger mes troupes. Je veux cette cargaison livrée à bon port ce vendredi, comme prévu. Et je tolérerai aucun retard.

— C'est impossible, me répond-il en tentant de se tourner vers moi, mais ma main sur son épaule frêle l'en empêche. Je peux accélérer les choses pour dimanche minuit. Pas avant.

— On dirait que t'as pas compris ce que je te dis, Yoshida. J'en ai rien à cirer de tes aléas. J'ai payé pour avoir mes munitions pour ce vendredi. Alors tu te débrouilles pour que je reçoive ma commande dans les temps. Faute de quoi...

Je retire mon flingue et tire deux coups dans le mur qui me fait face. Une fois la fumée dissipée, seul un trou est visible.

« Pas si rouillé que ça, finalement. »

Je laisse ma menace en suspens et regagne ma place.

Une vingtaine de minutes plus tard, ma table se vide. J'en profite pour me servir un verre de rhum accompagné d'un bon joint. Dans le silence ambiant, les mots de Yoshida me reviennent. S'il a été le seul suffisamment con pour le dire haut et fort, je sais que les autres n'en pensent pas moins. Comment les blâmer après tout ? N'est-ce pas ce que moi-même je pense au plus profond de moi ?

« Ce n'est pas de ce Duncan là que je suis tombée amoureuse. »

La weed conquiert peu à peu mon cerveau pour porter sur son nuage mon cœur lourd. Grâce à elle, je me sens léger. Plus léger que je ne l'ai été depuis longtemps.

Ou peut-être depuis hier ?

Qu'importe.

Ce qui compte, c'est que cette herbe magique distille mes pensées noires à mesure que la flamme les emporte dans les néants de l'oubli.

Rapaces : Le Retour du Hibou {Tome 2}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant