Chapitre 2 : Doux Réveil

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           La première chose qu'il vit en se réveillant fut le plafond tâché de ce qui ressemblait à de l'humidité et de minuscules éclaboussures rougeâtres, incertaines dans la pénombre qui régnait dans la pièce, la petite fenêtre ne laissant filtrer que peu de lumière derrière les rideaux bruns. Isaac se releva sur les coudes, s'asseyant sur l'espèce de sofa miteux dans lequel il reposait, et ferma ses yeux bleus verts avant de les rouvrir. Il se sentait légèrement engourdis mais il reprenait rapidement ses esprits, détaillant un peu plus ce qui l'entourait et ce qu'il ressentait. À côté de lui se trouvait une table basse au bois écorché sur laquelle était posée une boîte de pilules de prescription orange, ainsi que ce qui ressemblait à des journaux... en couleurs ? Il y avait également dans un coin de la pièce une sorte de grand écran noir brisé que le jeune homme n'arrivait pas à identifier. En fait la seule chose qui lui était familière dans cette pièce, c'était la grande tâche sombre qui ornait l'un des murs nus, et qui dégageait cette odeur métallique qu'il aurait reconnu entre mille.

Il y avait eu un mort ici... et ce n'était pas lui.

Car Isaac avait beau ignorer tout du lieu où il se trouvait, cet endroit, ces sensations, la douce effluve du sang lui montant au nez, ces pensées revenues à la normale, et puis le soleil qui brillait dehors, ce soleil qu'il n'avait pas vu depuis tant d'années.... C'était une certitude, il était de retour parmi les vivants ou du moins, il n'était plus mort.

Ça n'expliquait pas où il s'était retrouvé ni pourquoi, comment et qui l'y avait emmené mais Isaac n'était pas du genre à se poser des questions avant d'avoir tous les éléments en main, c'est pourquoi il s'empara des journaux et commença son analyse. Le fait qu'ils soient imprimés en couleur l'avait interpellé la première fois, il comprenait à présent pourquoi : ils étaient tous datés de 2018.

Cela faisait plus d'un siècle et demi qu'il était mort.

Après les avoir feuilleté rapidement, l'ancien défunt les reposa, ce n'était pas en lisant quelques articles de presse qu'il comprendrait le monde actuel, c'était plus un manuel d'histoire dont il aurait eu besoin. Il décida plutôt d'explorer l'appartement dans lequel il se trouvait et d'y récolter éventuellement des informations, l'absence de bruit l'ayant convaincu de sa solitude, mais avec prudence tout de même. Ainsi, après avoir aperçu une cuisine réduite et une chambre à coucher au mobilier aussi rudimentaire que celui du salon et le sombre couloir qui les reliait, Isaac entra dans une salle de bain à l'aspect aussi sinistre et morbide que ce qu'elle contenait : dans la miséreuse baignoire écaillée se trouvait le corps d'un vieil homme, le crâne défoncé par un tir à l'arme à feu. Ses vêtements malpropres laissaient penser qu'il était le propriétaire de cette demeure, et qu'un quelconque individu se l'était appropriée en le supprimant et en y enfermant un revenant. Cependant Isaac s'y connaissait très bien en meurtres, et il savait qu'on ne déplaçait un cadavre ensanglanté sans laisser de traces. L'état du salon ne laissait aucun doute planer sur le crime qui s'y était déroulé, or il n'y avait aucune traînée de sang dans le couloir. Il serait ridicule de penser que le tueur ait nettoyé, non : Isaac en était certain, la personne qui le détenait ici et qui l'avait potentiellement ressuscité était un habitué de ce genre d'activité.

Mais en observant le dépouille de l'homme, une foule d'images avaient assaillis l'esprit du britannique.

D'immenses griffes noires aussi tranchantes que des poignards au dessus de lui, tailladant sans relâche dans une gerbe écarlate. La douleur résonnant dans la moindre parcelle de son être. La sensation, pour la première et fatidique fois de sa vie, d'avoir inversé les rôles dans ce jeu qu'il avait mis en place. 

Des souvenirs, encore. Douloureux qui plus est, et dans tous les sens du terme. Isaac observa son reflet dans le miroir fêlé au dessus du lavabo, et constata avec un certain soulagement qu'il avait conservé son apparence d'avant sa mort. Ses cheveux blonds miel mi longs étaient tout aussi enchevêtrés qu'autrefois, son visage paraissait assez pâle et tiré et une barbe de trois jours y avait même fait son apparition mais sa bouche était aussi saine que possible. Ses deux yeux clairs étaient bien évidemment toujours dans leurs globes oculaires, et ses paupières ne présentaient aucune trace quelconque.

C'était une bonne nouvelle.

Du moins, jusqu'à ce que les poils de ses bras se dressent d'un coup. Obéissant à son instinct de survie nouvellement aiguisé après la mésaventure qui lui avait coûté la vie, Isaac s'empara d'une lame de rasoir qui trainait sur une étagère encombrée de produits de beauté bas de gamme et probablement périmés et se retourna d'un seul mouvement, son arme prête à frapper.

Il rencontra le canon d'un Baretta 92.


Le sang du ViceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant