4 - Jardins aquatiques

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Leblanc ne lui avait pas menti quand il lui avait dis qu'elle n'aurait bientôt plus une seconde pour souffler. Le matin suivant, l'une des domestiques était venue violemment tirer les rideaux de la chambre dans laquelle Violet dormait à l'hôtel Belfort, la sortant ainsi des bras de morphée.
Depuis lors, elle avait été habillée par d'autres personnes, avait rencontrer un nombre conséquent de bureaucrates dont elle n'avait pas retenu le nom, et signé suffisamment de papiers pour en avoir mal au poignet.

Mais son calvaire ne fit que s'intensifier quand madame Belfort se mit en tête de préparer en quelques jours le trousseau dont la mère de Violet aurait du s'occuper depuis la naissance de cette-dernière. Sa fille s'étant révélée très androgyne dès son plus jeune âge, elle n'avait même jamais envisagé qu'elle puisse un jour se marier. En l'apprenant, Athénaïs Belfort s'était mise en tête de rattraper ce retard dans le cours lapse de temps qu'il leur restait avant vendredi soir, quand leur aéroplane quitterait Lutèce pour se rendre à Asphodèle.

Et c'est ainsi que Violet se retrouvait debout, en sous vêtement, les bras tendus, afin que la tailleuse puissent prendre ses mesures. Le tout sous l'oeil attentif de sa chaperonne.

-Vous savez, commença cette-dernière, la première chose que je me suis demandée en vous voyant, c'était si vous étiez naturellement aussi plate, où si vous portiez quelque chose sur votre poitrine pour la faire disparaître. J'ai maintenant la réponse à ma question. Vous avez bel et bien une poitrine, même si elle est peu développée. Mais pourquoi la cacher ? Pour vous faire passer pour un garçon ? Vous comptez sur votre apparence androgyne pour vous éviter vos fiançailles à venir ?

Face à cette avalanche de questions, Violet prit quelques secondes pour réfléchir avant de répondre.

-Je ne crois pas avoir de raison particulière de porter un binder, répondit-elle. Je le fais de temps en temps simplement parce que l'envie m'en dit. Non pas parce que je cherche à ce qu'on me prenne pour un garçon, bien que les gens s'y trompent souvent. Et, soyez en sûre, j'ai accepté le fait que je ne pourrai pas échapper à mon destin, encore moins de cette façon.

Le destin ? Violet s'étonna d'avoir employé ce mot. Elle ne croyais pas au destin. Ce n'était pas lui qui cherchait à la contraindre à quitter tout ce qu'elle avait, ce n'était qu'un agglomérat de personnes hautes placées, avec l'aval du couple divin de Gallia. Ceux là même qui étaient les supposés ancêtres de chaque Galliens, dont elle faisait partie.

-Me voilà rassurée. Le moindre acte de rébellion de votre part nous mettrait tous dans une situation délicate. Alors à l'avenir ne soyez jamais ingrate, et faîtes simplement tout ce qui est attendu de vous. Vous aurez tout le loisir de mener la vie dure à votre époux, une fois le mariage passé. N'êtes vous pas d'accord, ma colombe ?

Ces mots, que madame Belfort avait prononcé d'une voix doucereuse, laissèrent un goût amère dans la bouche de Violet. Jusqu'ici, elle n'avait pas su quoi penser de sa chaperonne, mais maintenant elle en était sûre : elle ne serait pas de son côté. Pourquoi le serait-elle après-tout ? Elle même avait été sélectionnée pour assurer le rôle de chaperonne, sans lui demander son avis au préalable. Elles ne se connaissaient pas. Elles n'étaient pas amies.

-Si, bien sûr, lâcha sourdement Violet après un raclement de gorge.

Un silence de quelques minutes s'installa de nouveau, seulement ponctué par les bruissements du tissu manipulé par la tailleuse.
Mais alors, que Violet s'apprêtait à le briser, un chat se glissa rapidement dans la pièce pour aller faire ses griffes dans les mètres de tulles qui reposaient sur la table. Elle lui lança un regard perçant et rétracta ses pupilles pour le faire fuir, mais au lieu de ça il alla paresseusement se blottir sur les genoux de madame Belfort.

Parti fémininOù les histoires vivent. Découvrez maintenant