Violet fit quelques pas dans l'herbe avant de trouver le petit chemin de pierre au tournant d'une pépinière. Elle s'arrêta un instant avant de s'y engager pour soupirer en profitant du soleil sur ses paupières closes du bruit des abeilles et de l'odeur des orangers. Quand elle rouvrit les yeux, la jeune femme fut prise d'une violente envie de prendre ses jambes à son cou.
Elle avait pris ces derniers jours l'habitude de se remémorer la liste des différents pouvoirs attribués aux femmes de chaque pays à chaque fois qu'elle était stressée.
Les femmes de Kôryo maîtrisent les émotions, pensa-t-elle en posant son pied droit sur une pierre du chemin.
Les femmes de Mikuni perçoivent l'avenir dans leurs rêves. Quelques pierres plus loin.
Les femmes de Gallia ont des capacités appartenant à une classe animale. Une nouvelle pierre.
Les femmes de Sumera... Elle fut finalement interrompue par un rire féminin provenant de derrière une haie d'hibiscus.
Elle continua de suivre les pierres qui se frayaient un chemin entre les fleurs et arriva sur une petite place circulaire entourée de différentes espèces d'arbres ou d'arbustes. Au centre y trônait une longue table entourée de 12 chaises dont deux seulement n'étaient pas occupées. Une qui se trouvait en tête de table, face à une femme au teint olive et aux cheveux sombres, et l'autre sur l'un des côtés. Elle aperçut son nom inscrit d'une belle écriture italique sur une carte à la droite de celle-ci.-Vous êtes mademoiselle Albignac ? s'enquit la jeune femme en bout de table.
-En effet, répondit Violet en s'installant. Je vous prie d'excuser mon retard.
Elle releva la tête et esquissa un léger sourire en guise de salutation aux autres partis féminins présents qui le lui rendirent, puis observa ce qui était disposé sur la table. De la fine vaissellerie dans laquelle étaient disposés une variété de plats provenant de tous les pays. Elle profita un instant des arômes variés avant de reporter son attention sur la jeune femme qui se tenait juste devant elle. Violet détailla rapidement ses yeux en amande, ses longs cheveux noirs ainsi que ses lèvres pleines peintes de rouge. Elle ne put s'empêcher de remarquer à quel point cette fille avait l'air jeune. Ce n'est qu'une enfant, se dit-elle avec dégoût. Elle a encore moins de raisons que moi de se retrouver fiancée à un parfait inconnu. Mais elle finit par chasser la désagréable impression que cette observation lui procurait et ajouta d'un air affable :
- Mais je vous ai interrompu. De quoi parliez vous ?
- Oh, nous ne faisions que parler des partis que nous avons eu l'occasion de rencontrer hier en attendant que tout le monde arrive, déclara gaiement la jeune aux lèvres rouges en désignant du menton l'unique chaise vide qui se trouvait en fin de table. Mais nous n'avons pas encore eu votre avis.
-Des hommes ? Je dois dire que je n'ai pas réellement fait attention, j'étais trop fatiguée par le voyage depuis Lutèce.
Mais en voyant la moue dubitative que lui adressait sa voisine de table, elle ajouta :
- Mais j'ai tout de même croisé une délégation en retournant à ma chambre après le dîner. C'était probablement la délégation d'Yggdrasill, j'ai lu que leur aéronef était arrivé en retard.
- A quoi ressemblaient-ils ? s'enquit une des jeunes femmes.
-Je ne les ai vus que rapidement et ils étaient avec leur ambassadeur et leur chaperonne je pense. Mais j'ai trouvé la femme la plus jeune incroyablement belle, elle avait une sorte d'aura terrifiante mais qui faisait que j'avais du mal à la lacher des yeux. Quant aux deux hommes je ne sais pas lequel est le parti masculin...
- C'était le plus grand, l'interrompit une voix provenant du petit chemin de pierre d'où elle-même était arrivée.
Violet tourna la tête et vu cette même jeune femme qu'elle vait croisé la veille. Depuis quand est-elle là ? M'a-t-elle entendu parler d'elle ? se demanda-t-elle?
- Vous voilà enfin mademoiselle Abramov ! s'exclama la femme en bout de table en désignant de la main la chaise vide en face d'elle. Nous n'attendions plus que vous pour commencer.
La nouvelle arrivante, Abramov, marcha tranquillement vers sa place, sans se soucier du regard que les autres portaient sur elle, mais elle ne sembla pas le remarquer. Ces regards étaient dénués de malveillance, il ne s'agissait que de curiosité, pour certains même c'était de l'admiration. Mais alors qu'elle tirait sa chaise pour s'asseoir, la seule personne sur qui ses yeux se posaient était Violet. Des yeux pâles, froids, impénétrables. Cette interaction silencieuse ne dura qu'une fraction de secondes, mais elle laissa à Violet la forte impression que cela avait déjà duré trop longtemps, et que toutes l'avaient remarqué. Mais elle réalisa qu'il n'en était rien. Les bavardages reprirent, quelques femmes arrivèrent et les servirent, versèrent du vin dans leur verre en leur adressant un sourire poli quand leurs regards se croisèrent.
Ce déjeuner partagé avec toutes ces inconnues apaisa Violet, elle eut l'impression de pouvoir enfin prendre une grande inspiration après avoir retenu sa respiration pendant si longtemps.
Elles partagèrent leur cultures, parlèrent de la vie qu'elles avaient laissé chez elles. Certaines abordaient ce sujet de façon légère, comme si elle voyaient ces fiançailles comme un opportunité ou comme s'il s'agissait de quelque chose dont elles avaient attendu toute leur vie, pour d'autres il s'agissait d'une fin survenue trop vite. Mais toutes firent en sorte de ne pas évoquer les difficultés que cette situation présentait, et laissèrent derrière elles, le temps d'un repas, tout mauvais sentiment.De retour dans sa chambre, Violet se laissa lourdement tomber sur son lit et ferma les yeux. Elle ressassa les évènement des deux dernières heures, elle repensa au visage de chacune de ces femmes. Elles étaient toutes jeunes, certaines très jeunes. Pourtant hier je suis presque sûre d'avoir vu des hommes qui eux étaient beaucoup plus vieux, se dit-elle. Elle se tourna sur le côté et regarda le ciel à travers la grande fenêtre de sa chambre en essayant de refouler ce goût amer que cette pensée lui procurait.
C'est au même moment qu'elle entendit la porte de sa chambre s'ouvrir.-Alors, comment s'est passé votre déjeuner, ma colombe ? Mal, j'ai l'impression... dit Athénaïs en s'arrêtant devant sa jeune protégée qui était recroquevillée sur son lit.
-C'était agréable, très agréable même... Jusqu'à-ce que je repense au fait que nous sommes toutes très jeunes. Certaines d'entre elles ne sont encore que des enfants, elles n'ont rien à faire là. Elles devraient être chez elles, vivre leur vie comme elles le sentent, tomber amoureuse...
-C'est injuste en effet, j'aimerais qu'il en soit autrement, mais on ne peut rien faire contre une tradition qui dure depuis des siècles.
Violet se redressa lentement et resta silencieuse quelques secondes avant de demander :
-Vous pensez que je pourrais aller me promener sans chaperon ?
-Vous ne devriez pas, mais si vous restez dans les jardins de l'hôtel et que vous n'êtes pas trop longue nous ne devrions pas avoir de problème, répondit madame Belfort après une légère hésitation.
Alors Violet quitta la pièce en laissant derrière sa chaperonne qui lacha un soupir une fois la porte refermée.

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Parti féminin
FantasyQuand le choix des partis pour les prochaines fiançailles internationales tombent, la vie de violet change du tout au tout. Elle est alors contrainte de quitter tout ce qu'elle à toujours connu pour rejoindre des terres froides, hostiles et tout au...