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Je me glisse sous la douche et les jets se déclenchent automatiquement lorsqu'ils détectent ma présence. Je ne reste que quelques minutes sous l'eau, juste le temps de me laver. En sortant, je m'enroule dans une serviette blanche et viens me positionner devant le lavabo et le miroir qui le surplombe. Aussitôt, une soufflerie démarre et rapidement, mes cheveux se mettent à virevolter dans tous les sens. Mes mains agrippent le rebord de l'évier ; je ferme les yeux tentant d'évacuer la colère et la peur qui me tordent le ventre en expirant lentement. Ce que je redoutais le plus est en train d'arriver et je n'ai aucune issue de secours.

Plusieurs minutes supplémentaires suffisent à sécher ma longue chevelure auburn qui m'arrive jusqu'au milieu du dos. Avec des gestes crispés, je passe un coup de brosse dedans et les relève légèrement avec une petite pince au-dessus de l'oreille gauche. Ensuite, j'enfile des vêtements près du corps, mais confortables, et enroule le long gilet couleur crème autour de mon cou avant d'épingler un morceau de tissu au niveau de mon épaule gauche avec une broche pour le maintenir en place. J'ai besoin d'effectuer ces gestes quotidiens pour calmer l'angoisse qui gronde en moi.

Je finis par ajouter deux traits noirs au coin de mes paupières afin de rehausser la pâleur de mes iris et tenter de masquer l'inquiétude qui se lit pourtant dans mon regard. Puis enfin, je rassemble rapidement quelques affaires pour mon séjour au Camp de Base. Je ne sais pas de quoi je vais avoir besoin, alors je fourre tout ce qui me passe sous la main dans ma trousse de toilette informe.

Ensuite, je repasse par ma chambre et tire deux valises de sous mon lit. Dans celle que je me réserve, je jette pêle-mêle mes affaires de toilette, des vêtements en tout genre et des chaussures, mon projecteur holographique permettant de diffuser les films en trois dimensions que je stocke sur mon sýn et quelques effets personnels. Une fois bouclée, je prends la deuxième et rejoins la chambre de Sixtin. Sur le seuil, je m'arrête, le cœur serré devant la scène qu'il m'offre. Assis sur son lit, sa tortue de Nekrí Zóni enfermée entre ses petits bras, il se balance d'avant en arrière, secoué par des sanglots silencieux. Je dépose la valise dans un coin et m'approche pour m'asseoir à ses côtés, la gorge serrée par l'émotion.

—  Tout va bien se passer, lui dis-je doucement en lui frottant le dos.

Ces mots me brûlent les lèvres, mais je dois avant tout le rassurer. Au fond, je sais très bien que Mason ne lui fera jamais de mal. Il faut que je me raccroche à cette idée pour surmonter l'épreuve qui nous attend.

—  Je veux pas y aller, déclare-t-il entre deux sanglots.

—  Il va bien falloir pourtant. Ça va être chouette de passer un peu de temps au Palais, tu vas pouvoir faire plein de nouvelles choses et quand on se reverra tu me raconteras tout ça. D'accord ?

—  Non, je veux pas.

Je n'aime pas ce que je m'apprête à lui dire, mais je dois lui donner l'impression d'être confiante pour le rassurer. Je ne veux pas non plus qu'il retourne au Palais la boule au ventre. Cependant, ma peur et mon anxiété doivent rester les miennes.

—  Allez, Sixtin, tu es un grand garçon maintenant. Tu sais bien qu'on ne peut pas toujours faire ce qu'on veut dans la vie. On va vite se revoir, je te le promets.

—  Combien de temps ? renifle-t-il.

—  Quelques jours. Tu ne les verras pas passer !

—  Juré ?

—  Promis, juré. Allez, tu t'habilles et on fait ta valise ?

—  Oui, répond-il enfin en traînant un peu sur le « i ».

Sixtin s'extirpe de son lit et fouille dans son armoire pour sortir un pantalon et un t-shirt. Par-dessus, il enfile un sweat noir à capuche et aux coutures multiples qu'il affectionne particulièrement. Je souris en songeant qu'il le remplit déjà bien plus que lorsque je le lui ai offert pour ses six ans, il y a de ça quatre mois. Tandis qu'il se bat avec ses chaussettes, je commence à rassembler ses affaires. De quoi tenir pendant quinze jours. Mason se chargera de compléter ce qu'il manque si besoin, j'en suis certaine. En plus, je lui rajoute ses livres préférés et quelques jouets avec lesquels il aime s'amuser.

GreckaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant