Partie 1

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J'étais en rythme avec la musique. Tant bien que mal je me déhanchais & chantonnais des paroles finalement transformées en un chewing-gum étrange. Parfois mes yeux se fermaient & mes bras se levaient, brassant de l'air à n'en plus finir. Bordel ce que j'étais bien – autant qu'on pouvait l'être en frôlant les trois grammes & demi. Des corps se collaient au mien & des mains agrippaient mes hanches. Mais je me contentais de glousser. Cette nuit, je me suis glissé dans la peau d'une poupée de chiffon juste bonne à se laisser tripoter... & porter par l'entraînante Rihanna & son « S&M » devenu culte.
& ce matin ? Les vertiges & la nausée. Ma tête qui se tape un tour de l'univers en défiant le mur du son. & je n'ose même pas faire allusion à mon estomac plus que bousculé. Il faut que ça s'arrête...

 
À genoux par terre, le visage enfoncé dans le moelleux du canapé & les bras ballants, Bill gémissaient de douleur. Il amusait les autres fêtards qui ne se privaient évidemment pas pour l'assommer de sarcasmes. Pour eux, l'androgyne n'était pas fait pour ce genre d'événements. Il manquait d'expérience & peut-être aussi de quelques kilogrammes. Comment un si petit corps pouvait assimiler autant de vodka, mélangée qui plus est à d'autres alcools dont il ne se souvenait d'ailleurs même plus les noms ?
Blasé & surtout très attentionné, Tom – son frère jumeau – s'en approcha & glissa avec délicatesse ses mains sous ses aisselles. Il le souleva avec une attention débordante & le porta comme une princesse jusqu'à la sortie. Andreas n'aurait qu'à se débrouiller pour jeter les dizaines de bouteilles vides & aussi pour nettoyer les marres de vomis étalées sur le carrelage de la cuisine, sur la moquette des chambres & pourquoi pas sur les draps. Car pour le tressé, seul son petit-frère comptait. Alors il l'installa confortablement sur le siège de leur Audi luxueuse – sans doute trop pour un gamin de seize ans - & déambula dans les rues de Los Angeles, jusqu'au domicile parental. De temps à autre, il lançait quelques regards à Bill. Ils étaient si différents & si identiques à la fois. C'était foutrement inexplicable. Cette nuit par exemple, le plus jeune s'était amusé, se foutant de son sang qui progressivement s'imbibait d'alcool. Tom lui, n'avait bu que raisonnablement & avait engagé quelques conversations avec les plus jolies filles de la soirée. Il s'était éclipsé pour passer un peu de bon temps. Puis il était retourné dans la pièce principale, dans le simple but de veiller sur l'androgyne déluré.
Éteignant le moteur & claquant la porte avec douceur, il contourna son véhicule & coinça l'androgyne contre son torse. L'haleine de ce dernier suffisait sûrement à saouler quiconque réussissait à la respirer. Tom ne put alors que grimacer, avançant à toute allure à travers les couloirs de la maison. Bill pouvait ainsi dormir, blotti dans ses draps frais & à l'odeur presque sucrée.

♦ ♦ 

« Bordel ! Voiture de merde ! scanda l'androgyne en frappant le volant. Ça n'arrive qu'à moi c'est pas possible !!
 
-Calme toi Bill, je viens d'appeler le garagiste, il arrive dans une dizaine de minutes...
 
-Ouais bah... c'est trop long ! J'ai cours là ! J'vais encore me faire engueuler »
 
Lundi. Huit heure. Kaulitz lâcha un profond soupir & appuya ses fesses sur le muret qui entourait sa maison depuis de nombreuses années. Ses yeux fixaient l'horizon. & son talon frappait régulièrement le sol, illustrant l'agacement que provoquait toute cette attente. Puis un crissement de pneus le sortit de ses songes. Tête relevée, Bill se décolla du mur & alla saluer le garagiste. Un type de taille moyenne, brun avec des yeux bleus magnifiques. Un t-shirt blanc moulait son torse à la perfection & putain... ce bleu de travail éveillait de nouveaux fantasmes dans l'esprit de l'androgyne. Androgyne qui d'ailleurs, mit quelques secondes avant d'enfin serrer cette main qui s'offrait à lui. Douce & ferme à la fois. Il se sentait défaillir. Il se sentait faible. & maintenant, à défaut de shooter violemment dans la roue de sa voiture, il passa délicatement le bout de ses doigts sur le capot, comme pour la remercier de ce soudain caprice. Grâce à elle, Bill venait de faire la connaissance d'un mec sublime. Un mec qui affolait son cœur... & peut-être aussi son corps.
 
« Bonjour, alors quel est le problème ? demanda l'homme, tout en déposant ses outils sur le sol.
 
Je sais pas trop, elle refuse de démarrer. »
 
Sans attendre plus longtemps, l'inconnu s'affaira sur cette voiture. Il souleva le capot & toucha à de multiples objets. En réalité, Bill ne s'intéressait aucunement à la mécanique ; il serait donc incapable de réparer son propre véhicule. Mais finalement, l'idée d'être dépendant d'un garagiste ne le dérangeait en aucun cas. Il pouvait, comme maintenant, passer son temps à admirer cette anatomie délicieuse, & ce visage crispé d'incompréhension.
 
« & voilà, c'est réparé. »
 
Déjà ? Sourcils froncés, Bill constata avec effroi que le garagiste disait vrai. L'Audi grondait, impatiente de se lancer sur les routes, alors que son propriétaire aurait aimé quelques instants de plus ici, juste perdu dans une admiration sans nom. Mais malgré tout, il esquissa un faible sourire & remercia l'homme pour ses « précieux efforts ». Portefeuille en mains, il régla la somme due & l'accompagna jusqu'au portail. Devait-il le laisser partir, comme ça ? Que pouvait-il faire d'autre, de toute façon ? Cet homme devait frôler la trentaine, être marié & se délecter tous les soirs des cris de ses bambins colériques & réticents à l'idée d'aller dormir. Une vie bien loin de celle d'un gamin de seize ans, en somme. Pourtant, Bill ne sut quelle forme surnaturelle l'incita à le retenir.
 
« Excusez-moi ! Attendez ! dit-il en trottinant derrière lui. Voilà, je... cette année, au lycée, on doit effectuer un stage obligatoire de deux semaines... Alors je me demandais si... si vous prenez les stagiaires ?
 
- Bien sûr, répondit-il en sortant une petite carte de visite. Appelez ce numéro avant 18h & on en reparlera. Bonne journée »
 
Les yeux sombres de l'androgyne vagabondaient sur cette carte. Jared... C'était son prénom. Tout sourire, il remercia l'homme & s'enferma dans son véhicule. Une sensation de bonheur traversait son corps, son cœur. Bordel... Il allait effectuer un stage dans un putain de garage ! Avec des odeurs d'huiles noires infectes & des vêtements obligatoirement sales à la fin de la journée mais il se sentait heureux malgré tout. Parce que d'ici deux semaines, il perdrait sa vertu.
 

shattered in loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant