Scène 1

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  Elle se réveilla avec un mal de crâne terrible. Les cils collés les uns aux autres, ses bras endoloris, elle se redressa en portant la main à son crâne. Elle fut surprise par la chaleur qui s'en dégageait. Essayant de rester droite, elle se leva et chancela jusqu'au lavabo le plus proche. L'eau ruisselait le long de sa gorge abimée. Son regard se posa sur le miroir. On aurait cru voir un fantôme. Ses cernes semblaient s'être incrustées dans sa peau.
Sans un regard de plus, elle ouvrit la porte de son armoire, attrapa son paquet de pilule et en avala la moitié. Elle se dirigea ensuite vers son armoire mal rangée et attrapa un gilet de laine qui lui couvrirait le corps. Il faisait froid. Tellement froid. Elle attacha ses cheveux et sortit de sa chambre difficilement.

Ses plantes de pied se raidirent au contact du carrelage encore frais. Le tic tac emmenant de la cuisine lui agressait le tympan. Pourquoi est-ce que tout était tout le temps aussi bruyant ? Elle retira les piles de l'horloge et jeta celle-ci : ainsi le temps n'aurait plus d'emprise sur elle, se disait-elle. Elle se dirigea lentement vers son frigo et en sortit le peu de fruit qui lui restait.

En s'installant par terre, la coupelle à la main, elle respira un grand coup et alluma son téléphone portable. La lumière attaqua ses yeux encore endormis, elle les plissa. Les banderoles de message décoraient son écran de verrouillage. On lui demandait où elle était, comment elle allait. On l'insultait car elle ne répondait pas puis pleurait pour s'excuser sans jamais oublier de préciser qu'on était là si elle avait besoin. Elle appuya sur le bouton de veille, se promettant de ne plus jamais utiliser cette chose. Comment pouvaient-ils mentir aussi calmement, naturellement ? Elle avait toujours eu besoin. Ils n'avaient jamais été là. Le claquement de l'horloge lui l'était toujours. Elle se demanda si elle avait vraiment enlevé les piles.

C'est en regardant ce qui lui semblait être une plâtrée de nourriture qu'elle se rappela. Trop grosse. Trop grasse. Trop imposante. Trop tout. Le bol se brisa. Un éclat vint lui érafler la joue. Elle marcha sur les débris de porcelaine en rejoignant son canapé. LA douleur ne la dérangea pas sur l'instant. Elle ne semblait même pas la remarquer. Je le mérite se répétait-elle en lançant un regard empli de dégoût sur ses pieds ensanglantés.

Son corps frêle tomba sur le divan. Tout son être semblait vouloir s'enfoncer dans le sol. Cette soudaine prise de masse manqua de lui faire tourner de l'œil. Elle porta les mains à son front, toujours aussi chaud, comme pour s'éviter de perdre connaissance. Le monde lui parut de lus en plus lointain, comme si tout ce qui l'entourait s'enfuyait en la laissant ici. Ses yeux se fermèrent avant qu'elle ne le devine. Pourquoi s'était-elle levée déjà ? En quoi est-ce que cela lui avait servi à quelque chose ? Elle ne faisait de ses journées qu'avaler des pilules qui lui vidaient la tête de ses voix lui répétant qu'elle n'était pas assez bien et ne le serait jamais.  Ce traitement qu'on la forçait à prendre, n'était-il pas censé faire s'arrêter cette spirale de souvenirs ? Son visage blême, ses yeux vitreux. Elle se rendormit en essayant de chasser ses images de son esprit en vain.

**

La sonnette gronda, la sortant de son sommeil. Il lui fallut une dizaine de secondes pour prendre conscience d'où elle était et de ce qu'il se passait. Le bruit se faisait de plus en plus insistant. Plus par envie qu'il s'arrête que par curiosité, elle alla ouvrir la porte. La grande silhouette qui lui fit alors face lui donna envie de la claquer. Avant qu'elle n'en eut l'occasion, l'homme en bas de costard força le passage.

-Est-ce que tu n'as ne serait-ce qu'une idée d'à quoi sert un téléphone ?! Hurla-t-il avançant dans le salon de la jeune fille, en agitant les bras comme si cela accentuait son énervement. Cela fait trois jours que je te cherche partout. Combien aurait fouillé tout Séoul pour te trouver à ton avis ? Tu as de la chance que j'accorde de l'importance à ta carrière. Si cela n'avait pas été toi, je t'aurais laissé crevé sur le bas côté !

Ceux qui détruiront OmelasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant