Log _- 3?% La troisième Loi d'Asimov

          Après une marche interminable, Emanon arriva enfin aux nouvelles terres, un immense terrain plat déformé par les tours construites il y a plus de cinq siècles, recouvrant presque l'entièreté du ciel pour ne laisser passer que de mince lueur de soleil. Si Emanon était aussi intéressé par cet endroit mystérieux, c'est qu'au fond de ses archives se terrait une ancienne légende disant que cette nation n'avait jamais connu la guerre.

Peut-être qu'elle espérait secrètement rencontrer une présence vivante pour mettre fin à sa solitude, peut-être même arriverait-elle à ressentir de l'excitation face à cette immense découverte. Mais sa surprise fut de taille lorsqu'au détour du premier bâtiment, elle vit des centaines de cadavres joncher le sol.

Emanon continua en silence sa visite. Elle qui d'habitude récite sans cesse ses connaissances, on pourrait presque croire que son disque mémoire a grillé. Elle passa de longues heures à errer sans but au milieu de ces gigantesques architectures, des centaines de corps inertes étaient éparpiller sur le sol, comme s'ils avaient été déposé avec précaution pour obtenir un mince rayon de soleil.

Face à ces corps, une chose la frappa. La totalité des corps ne portaient la trace d'une quelconque guerre, tous étaient bien conservés. Aucune griffure, membre arraché, blessure ou même éraflure n'étaient présents sur leur corps.

« Cette terre n'aurait donc vraiment jamais connu la guerre ? » Se demanda Emanon. Elle leva les yeux au ciel et regarda les bâtiments qui s'étendaient à perte de vue dans le ciel. Aucun d'entre eux n'avait subi de dégâts dus à la guerre, seul le temps les avait rongé.

Face à tous ces signes, Emanon commença à mener l'enquête sur l'étrange disparition de vie dans cette ville. Et son enquête l'a mena à une terrible conclusion. Ce n'était pas un pays neutre, refusant d'entrer en guerre. Non, c'était juste un lieu de mort où les vivants, lassés d'une vie trop longue, décidaient de venir mettre fin à leurs jours. Ce pays est un pays suicide, l'air été imprégné d'un gaz mortel, mais comment aurait-elle pu le savoir ? Elle qui n'est qu'une modélisation de désir oublié.

« Et pourquoi ne pas essayer ? ». Cette question tout droit sortie de sa bouche résonna dans les dédales vides créées par les architectures. Emanon pris une corde, l'enroula autour de son cou, fixa la corde a tuyau de métal rouillé s'échappant des entrailles d'un des édifices et se laissa tomber.

Ses yeux devinrent rouges, ses membres commencèrent à changer de couleur. Ses mouvements devinrent saccadés. Emanon se mit à réciter la troisième loi d'Asimov à haute voix, sa troisième loi. Une loi inviolable. Une loi qu'elle essaya d'enfreindre. Elle commença à se débattre violemment, à taper dans tous les sens pour se libérer. Les ossatures des bâtiments se mirent à trembler face à ses coups d'une puissance inimaginable. Ses mouvements amples vinrent frapper le tuyau ressortant du ventre de l'architecture, et Emanon tomba au sol. Un message d'erreur s'échappa immédiatement de sa bouche. Son corps se figea, partagé entre une envie de découverte et une loi intangible. Son message d'erreur finit par se taire et Emanon recommença à prendre connaissance.

« Pourquoi ? Pourquoi n'ai-je pas pu le faire ? », s'exprima Emanon, d'une voix puissante et rocailleuse. Une larme coula sur son visage. « Pourquoi ne pas m'avoir arrêté avant alors ? Pourquoi n'ai-je donc pas eu le droit de réaliser mon premier vœu ? » Le silence régna. Emanon resta figé, au milieu de tous ces corps d'où s'échapper la vie.

C'est étrange, elle se fond si bien dans ce décor macabre. Elle comprit ce qu'étaient l'intelligence et les sentiments, mais à quel prix ? Emanon mourra pour la première fois ce jour-là. Pas suffisamment pour que son système le détecte, mais assez pour créer une tristesse infinie dans laquelle il sera prisonnier quelque siècle durant.