Chapitre 2

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Je m'appelle Mathilde, Mat pour les intimes. Ma mère m'a toujours dit qu'elle avait choisi mon prénom pour me donner de la force et que je puisse faire ce que je veux dans la vie. Pourquoi voulait-elle que j'aie de la force ? Pour être la petite dernière d'une fratrie de cinq garçons, il m'en fallait et elle s'en était bien rendu compte. Si vous voulez mon avis, lors de sa grossesse elle a dû trop lire de livres sur la signification des prénoms, ce n'est pas ça qui allait changer mon avenir.

Je dois cependant avouer qu'elle ne s'est pas trompée, mais je préfère penser que ce sont mes choix, décisions et ma sphère familiale qui m'ont poussée à devenir telle que je suis. J'ai donc fini par lui donner raison, en m'imposant dans cette maisonnée par la force et la ruse. Je ne voulais pas spécialement le pouvoir mais il s'avère qu'une fois qu'on y a touché, il est difficile d'y renoncer. C'est beaucoup plus facile d'être la petite dernière que d'être l'aîné, croyez-moi ! Il me suffisait de faire croire à mes parents que l'un de mes grands frères m'avait poussée, de verser quelques larmes pour venger ma poupée Suzy qu'ils avaient décapitée une semaine auparavant. Oeil pour oeil, dent pour dent, c'est l'un de mes premiers apprentissages.

Mes amis vous diront que je suis une tête brûlée et que lorsque j'ai une idée en tête, rien ne peut m'arrêter. Je voulais donner un sens à ma vie et à mon existence. J'ai donc choisi de m'orienter, contrairement à tous mes frères qui travaillent dans des bureaux et principalement entourés de chiffres, dans la médecine.

A l'inverse de ce à quoi mon surnom pourrait vous faire penser, je suis une quiche en mathématiques. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé, je ne compte plus les après-midi entières où je me mettais à pleurer et à m'arracher mes cheveux roux parce que je ne comprenais pas un problème de maths que l'un de mes frères tentait de m'expliquer. Oui, c'étaient mes frères qui m'aidaient pour mes devoirs. Ma mère était souvent dans sa boutique de vêtements pour s'occuper de la mise en place des nouveaux articles et mon père était en train de plaider aux quatre coins de la ville. C'était une torture à laquelle j'avais le droit toutes les semaines, tous mes frères y étaient passés et avaient tenté toutes les approches possibles. C'est simple, dès que des lettres avaient commencé à se mélanger aux chiffes, il n'avait plus fallu compter sur moi. Ce ne sont pourtant pas ces lacunes qui m'ont empêchée de m'accrocher et d'atteindre mon objectif. J'ai redoublé d'efforts et appris des quantités astronomiques de manuels pour pouvoir être prête.

Pour cette volonté sans relâche, je peux aussi remercier le soutien de mes frères qui se relayaient pour me faire réviser et m'apporter du café pour tenir lors de mes longues nuits blanches. Ils ont beau être des brutes sans cervelle et qui m'en ont fait voir des vertes et des pas mûres pendant mon enfance (pauvre poupée Suzy quand j'y pense), une fois l'adolescence passée ils ont toujours été d'un soutien indéniable...

Je suis en dernière année, spécialisée en cardiologie, la dernière ligne droite comme j'aime bien l'appeler. Etant en dernière année, je passe ma vie à mélanger en tant qu'interne des stages semestriels, des enseignements théoriques, sans oublier la préparation de ma thèse d'exercice. Je suis entourée d'une équipe de choc dans mes études, j'ai rencontré toutes ces personnes au fur et à mesure des années et surtout lors des barathons. Ce n'est pas réservé qu'aux écoles de commerce, je peux en témoigner et les foies de mes amis aussi.

Chri-chri est le personnage principal de ma vie, meilleure amie et personne n'arrivant pas à se limiter lors de la consommation d'alcool. Petite blonde avec une coupe au carré, son sourire franc et sa gentillesse vous feront fondre en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Elle est la bienveillance incarnée mais n'hésitera pas à vous dire si elle n'est pas d'accord avec vous et si elle trouve que vous faites de la merde. Je n'ai jamais eu l'occasion d'être la cible de ses yeux noirs inquisiteurs, mais pour en avoir été témoins, je n'ai pas l'intention de découvrir ce que l'on ressent. Même si nous nous sommes séparées au milieu du cursus, cela reste la personne avec qui je suis la plus proche, nous nous appelons d'ailleurs les inséparables. Et dire que l'on pensait qu'on n'allait plus se voir, après qu'elle ait décidé de s'inscrire en psycho. C'est presque l'inverse, je ne sais pas comment elle fait, mais elle est présente à toutes les soirées étudiantes où je vais et surtout, elle arrive encore à s'incruster pendant les cours et les pauses.

Haunting MatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant