Epsilon Fraternity

Chapitre 3

Mégane

Alors que nous roulons en direction de la maison, mon regard se perd dans la contemplation du paysage qui défile. Ma mère semble fâchée, même si à mes yeux je n'ai rien fait de mal.

Ce type m'a hurlé dessus sans la moindre raison, et en premier lieu. Ce qui m'a le plus vexée, c'est qu'il n'a même pas été fichu de savoir qui j'étais. Je savais que j'étais invisible pour eux, mais à ce point-là, c'est vraiment pitoyable. J'ai hâte de retrouver mes amies, au moins avec elles j'ai l'impression d'exister. Pourtant, je suis quelqu'un de populaire, je parle à plein de monde et m'entends bien avec tout un tas de personnes. Comment puis-je être aussi insignifiante à leurs yeux ? Ah, je sais, ce sont des abrutis bourrés de fric.

— Tu vas devoir faire des concessions, Meg. Tu as de la chance que Logan ne t'ait pas virée sur-le-champ.

— Je n'ai rien à me reprocher, m'indigné-je. C'est lui qui m'a totalement manqué de respect. De toute façon, une fois qu'il sera parti à l'université, je ne le reverrai plus que pendant les vacances.

— Mais de quoi tu parles ? Il va dans la même université que toi. Lui et Mark ont été recrutés dans l'équipe de foot. C'est une équipe très cotée, paraît-il.

Je veux mourir... Ce type va aller dans la même université que moi ? Je vais continuer à le croiser tous les jours ? Le campus n'est pas si petit, et avec un peu de chance, ce ne sera pas le cas, et j'oublierai jusqu'à son existence.

— Il ne sait même pas qui je suis, alors que je le connais depuis toujours. On est allés dans le même collège, le même lycée, et il n'a jamais su que j'existais. Alors, l'université ne va pas changer les choses franchement. Je ferai plus attention en entrant dans sa chambre désormais, comme ça je n'aurai pas envie de lui jeter des choses à la figure ou de le tuer.

— Arrête surtout de hurler sur tes patrons. Dois-je te rappeler que ce sont les Parker qui payent ton loyer ?

— Non, pas besoin, merci.

Je soupire, c'est vraiment inutile de me le répéter, je ne risque pas de l'oublier. Je vais devoir m'écraser face à ce mec, ça me rend malade. Je le vois encore avec son petit sourire en coin, content que je me fasse engueuler par ma mère devant lui, un vrai gamin. Me donner l'ordre de ranger sa chambre. J'espère qu'il a pris son pied, c'est la seule occasion qu'il aura de le faire. La prochaine fois je vais jouer les employées modèles, comme ça il ne pourra rien me reprocher et c'est lui qui sera le plus emmerdé.

Une fois rentrée à la maison, je me précipite sous la douche, me change rapidement et prépare mon sac pour la soirée. Il est peu probable que je repasse par ici avant demain, d'autant plus que les filles ont déniché une soirée à ne pas manquer.

Je dévale rapidement les escaliers pour rejoindre ma mère dans le jardin. Elle est déjà installée dans la balancelle, absorbée par un livre sous les rayons du soleil. Je pressens qu'elle y passera la journée. Elle aime lire, tout comme moi. C'est elle qui m'a transmis cette passion. La capacité de s'évader à travers une histoire. De vivre une autre existence l'espace d'un instant, de se retrouver dans l'héroïne d'une romance que l'on rêve de vivre soi-même. Explorer des lieux inaccessibles à nos yeux. J'aime lire, j'aime rêver, j'aime m'échapper de la réalité.

— Tu t'en vas déjà ? me dit-elle surprise quand elle me voit arriver avec mon sac sur l'épaule.

— Oui, je vais rejoindre les filles et après on se prépare chez Jessy. On se rend à une soirée. Je pense dormir chez l'une ou chez l'autre.

— Tu m'envoies un message pour me dire que tout va bien ?

— Ouais ne t'inquiète pas, mais éteins ta sonnerie cette fois, pas la peine que je te réveille à quatre ou cinq heures du matin.