Chapitre 2 : Je ne le savais pas.

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Je descends du train le plus lentement possible. Je ne voulais pas voir. Je ne voulais pas y croire.
Malgré toutes les prières que j'ai pu faire en quelques secondes, le fait était là. La vérité était belle et bien présente même si de toutes mes forces j'essayais de ne pas y croire.
En quelques secondes je regrettais d'être né et j'en voulais au monde entier. De Charles Dallery l'inventeur de la machine à vapeur jusqu'aux ouvriers qui ont posé les briques de cette gare.
Et puis j'en voulais à moi-même. D'être né comme d'avoir traité mon frère de face de phacochère ce matin, même s'il l'avait cherché.
Je restais là, debout, à attendre. Mais attendre quoi? Moi-même je me le demande bien...

Cela fait maintenant dix huit heures. Dix huit heures qu'il est en salle d'opération après deux bonnes heures en salle de réanimation. On espère une issue. Mes parents, mes autres frères, ma petite soeur, mes parents, les médecins, les proches qui nous "soutiennent".
C'est sûr que si on appelle juste pour demander ce qu'il s'est passé puis raccrocher après avoir lâché un vague "bon courage" rentre dans le contexte du soutien. Comme le dirait je ne sais plus qui, c'est une question de point de vue.
La lumière indiquant qu'une opération était en cours venait de s'éteindre. Ils allaient sortir. On alalit connaître s'il est mort ou vivant. Littéralement.

Bon. Je ne sais pas quoi en penser. J'aimerai rire, pleurer, crier, courir, nager, aboyer aussi si possible, en même tenps. Je me contente d'un visage neutre comme un sombre abruti. Bon et bien il n'aura pas survécu. Qu'est-ce que je pourrai en penser? C'est triste mon frère, est mort? Ma vie est fichue, moi et ma famille vivront dans un profond traumatisme avec mon père qui perdra son travail, se mettra à boire et ma mère qui sera battue? C'est tellement cliché que j'en pleurerai. De rire.
En fait, pour l'instant on devrait juste penser à organiser les obsèques.
Nous montons tous dans la voiture sans un mot.
Je sais que ce n'était pas le moment, mais j'essayais de relativiser. Je sais bien que ce n'est pas le genre de situation où on devrait relativiser, mais moi j'aimerai juste faire semblant jusqu'à ce que les funérailles afin de réfléchir correctement à tout ça.
C'est donc pour ça que je me suis permis une blague. C'était sur un cafard qui s'était fait écrasé par ma mère en montant dans la voiture. J'ai dis que son fils venait de mourir et que elle aussi venait d'enlever le fils à une maman cafard. Mon père m'a littéralement foudroyé du regard. Et en descendant de la voiture je me suis mangé cinq bonnes tartes dans la face. Comme quoi relativiser n'aide pas tout le temps. Si ça continue, je pourrai être chef de grande entreprise juste par mon expérience.

Je rentre dans ma chambre, pose mon sac et me dirige vers la salle de bain. Je me regarde dans le miroir. On dirait vraiment un crétin de rat. Il ne me manquerait plus que l'anatomie, le visage c'est déjà fait.
Je prend une rapide douche à l'eau froide. Je sors en vitesse de la salle de bain. La maison était silencieuse. J'entendais chacun des membres de ma famille de leurs chambres en train de faire la même chose. Il pleuraient.
Serai-je un monstre ? Est-ce bien naturel la manière dont j'agis ?
Tout enme posant ces questions, je retourne dans ma chambre et ferme la porte à clé. Je m'adosse contre la porte et me laisse tomber au sol.
Quelque chose me dérange. Mais je n'arrive pas à m'en souvenir. Il y avait quelque chose d'anormal quand mon frère est tombé sous les rails.
Oui. C'est ça. Il ne s'est ni jeté intentionnellement et ce n'était ni un accident. Il y avait des mains. Je ne saurai en dire combien, mais il y en avait.
Je m'abandonne aux larmes. Aylan n'est pas mort d'un accident ou autre. Ce sont des semblables de son espèce qui l'ont tué. Des humains. Je pleurais sans m'arrêter.
Mais de rage et de haine.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 01, 2021 ⏰

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𝐉𝐮𝐬𝐭𝐞 𝐮𝐧𝐞 𝐝𝐞𝐫𝐧𝐢𝐞̀𝐫𝐞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant