Lucia - L'Elémentaliste [Fanfiction One Piece x OC]

LXXII - Larmes et baisers

Il n'était pas venu aujourd'hui. Ni ce matin, ni ce midi, ni même ce soir. En passant un coup de chiffon sur les tables, Lucia ne pouvait s'empêcher de froncer les sourcils. Elle était inquiète.

- Je ne sais pas ce que ce bout de tissu t'as fait O-Kyra mais je n'aimerais pas être à sa place, plaisanta une voix grave.

Surprise, Lucia baissa les yeux sur le chiffon noir qu'elle tenait dans sa main et qu'elle serrait si fort qu'on pouvait voir les coutures ressortir. Elle desserra aussitôt son emprise et se tourna vers celui qui venait de parler, un air désolé sur le visage.

- Je ne sais pas à quoi je pensais, s'excusa-t-elle en s'inclinant face à son patron.

- Pas de soucis fillette, je te laisse fermer ce soir.

- Très bien, à demain monsieur.

Celui qui l'employait depuis maintenant un mois disparut derrière la porte du restaurant et Lucia s'affaissa immédiatement dans une des chaises disponibles. Elle passa une main sur son visage, lasse. Mais qu'est-ce qu'il t'arrive ma fille ! Pourquoi était-elle aussi inquiète pour si peu ?

Un mois. Cela faisait un mois qu'elle était arrivée au pays des Wa avec le reste de l'équipage ainsi que Kin'emon, Momonosuke, Raizo et Kanjuro. Un mois qu'elle s'appelait O-Kyra et travaillait ici, dans ce restaurant. Un mois, depuis que Luffy était parti récupérer leur cuisiner dans le territoire de Big Mom. Et dans ce fichu pays, pas moyen d'avoir un journal pour savoir ce qu'il se passait. Donc cela faisait un mois que son meilleur ami et frère de cœur était parti sur le territoire d'un des Quatre Empereurs et qu'elle n'en avait aucune nouvelle. Un mois. Et une marque sur son avant-bras qui avait disparue.

Elle les avait tous marqués avant de partir. Luffy. Nami. Chopper. Brook. Pedro. Pekoms. 6 marques. A présent elle n'en avait plus que cinq. Lorsque le symbole bleu avait légèrement pâli avant de soudainement s'évaporer, elle s'était effondrée. Elle était sortie prendre l'air pour éviter de faire une scène dans l'établissement et il était passé juste devant elle. Les yeux au sol, prostrée, elle n'avait pas remarqué sa présence tout de suite. Puis elle avait senti ses mains se poser sur ses épaules, son odeur s'enrouler autour d'elle, sa voix qui l'appelait doucement par son véritable prénom. Elle avait levé vers lui des yeux emplis de larmes et, la voix hachée par les sanglots, elle avait simplement pu articuler « elle a disparue » en lui présentant son avant-bras en guise d'explication. Il avait remarqué l'espace vide entre deux marques et avait immédiatement compris. Dans un geste désespéré, elle avait enfoui son visage dans son kimono et avait hurlé sans bruit, un cri silencieux dans lequel son souffle s'emplissait de sa douleur, sa peur et sa peine. Ce jour-là, sur le territoire de Big Mom, l'une de leurs connaissances était morte. L'un de ses amis étaient morts. Pour lui, cette situation l'avait projeté deux ans en arrière, alors qu'il avait déjà recueilli ses hurlements et sa douleur, ses larmes contre son pull dans l'air frais du grand large.

Depuis ce jour, Law était passé tous les jours au restaurant où elle travaillait. Une fois par jour. Il s'arrêtait parfois pour manger. Sinon il ne faisait que passer devant la fenêtre, s'arrêtant jusqu'à ce qu'elle l'ait vu. Il restait pour la rassurer, pour lui rappeler qu'elle n'était pas seule. Elle ne le lui avait pas demandé, il l'avait fait de lui-même. Au restaurant, on avait évidemment raillé Lucia, lui disant qu'il en pinçait pour elle. Lucia n'avait jamais ri à leurs blagues. Ils étaient loin de se faire la moindre petite idée de ce qui se jouait réellement. Son air sombre et mélancolique avait rapidement fait taire les blagues et les regards malicieux.

Aujourd'hui il n'était pas venu. Cela faisait plusieurs jours que Lucia remarquait qu'il s'attardait moins, que son regard était encore plus cerné, que son visage était encore plus marqué, plus fermé, plus sombre. Il ne lui parlait jamais, mais ces derniers jours tout son comportement était muet, distant. Aujourd'hui il était absent. Lucia n'aurait jamais pensé que son absence puisse autant lui peser. Elle s'était fait une raison quant à ses sentiments à son égard, ce n'était pas bien compliqué : elle était intéressée, lui non, point. Elle avait fait taire ce qu'elle vivait, elle avait tout enfoui profondément. Mais elle était inquiète.