Chapitre 2 : Te connaître

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𝌀 Elle


     Des jours que cela dure, et il ne semble pas vouloir lâcher l'affaire, malgré tous mes efforts pour l'éviter. Mais pourquoi ? Pourquoi s'entêter à poursuivre quelqu'un qui, de toute évidence, ne veut pas de toi ? Si je cherche à fuir les problèmes, ce n'est pas pour être encore une fois harcelée, même de cette manière ! Mais qu'est-ce qu'il me veut bon sang ?! Le message me semble pourtant plutôt clair ! Nous n'avons même rien en commun ! Lui il est ... comme il est. Le parfait cliché du lycéen populaire des séries américaines. Même Potiche n'a pas pu passer à côté de lui sans se retourner ! Et moi ... Moi je suis ... comme je suis. Informe, laide, inintéressante, invisible, et tellement d'autres choses sans aucune valeur. Pourquoi est-ce qu'il s'accroche comme ça ? Il ne peut pas faire comme les autres et ignorer mon existence ?!

     A cause de lui, il a fallu que je monte une toute nouvelle stratégie de sortie de cours. Maintenant je suis dans les starting-blocks pour être la première personne dehors. A peine le top vibrant de la sonnerie lancé, que je me faufile pour traverser la classe avant que les autres ne se lèvent et ne se trouvent dans mon passage. Il a bien essayé de me rattraper plus d'une fois, mais s'il était aussi rapide qu'il l'espérait, il arriverait peut-être ENFIN à l'heure à l'un des cours. A croire que c'est un rituel chez lui d'être systématiquement en retard !

     Pour le coup, cela ne me regarde pas. Et cette fois-ci, la sonnerie annonçait la sacro-sainte heure du repas ! Hop, je passe devant tout le monde, petit tours aux toilettes, histoire de perdre un peu de temps et arriver dernière au self, et le tour est joué ! S'il y a bien un endroit où il ne peut pas me suivre, c'est celui-ci !

     Mais manque de bol, je ne reste pas seule bien longtemps ... Et j'en viens presque à regretter mes choix stratégiques, tant la conversation à laquelle j'assiste est barbante. Sans surprise : Potiche et sa clique cancanent sur le « nouveau ». Oui ... lui. Bon, au moins cela confirme mes soupçons, il est à son goût, c'est le moins que l'on puisse dire. Elle déclare qu'elle le veut pour elle et, de toute évidence, est prête à tout pour l'obtenir. A croire qu'elles parlent d'une vulgaire marchandise sans état-d'âme. Pour un peu, j'aurais presque eu de la peine pour lui.

     Bon sang ... C'est quoi cette odeur ? Super ... Voilà qu'elles se mettent à fumer. Ouvrez la porte au moins, non ? Trop tard. Je retiens avec peine une quinte de toux, manquant de m'étouffer, mais c'est malheureusement suffisant pour les oreilles averties des reines du complot de cet établissement.

     — Qui est là ? demande une voix que je devine être celle de mon éternelle ennemie.

     Je suis censée faire quoi maintenant ? Je suis terrée ici depuis une bonne vingtaine de minutes, rien de plus suspect.

     — Une fille. Dans les toilettes des filles, normal, je lui réponds plus cinglante que je ne l'avais imaginé.

     — Et depuis quand tu es là ? Tu fous quoi encore, la foldingue ?

     Ah. On dirait bien qu'elle aussi sait que c'est moi. Enfin parmi tous les qualificatifs dont elle m'a affublé jusqu'alors, celui-ci a encore le mérite de ne pas être trop vulgaire.

     — Je chie. Tu veux une photo ? je lui annonce avec toute la finesse et la subtilité dont je suis capable.

     Cris de dégoût, et hop, tout le monde est dehors, impeccable. Quelle bande de petites natures, vraiment. Au moins la voie est libre, et elles m'ont lâché en un temps record, il faut que je garde cette stratégie pour une prochaine fois ! Ce n'est pas comme si j'avais encore quoi que ce soit à craindre au sujet de ma réputation, cela fait un bon moment qu'elle y a veillé tout personnellement !

[FR] Dans tes yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant