Chapitre 3

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Il s'écroula face contre terre. Ses mains s'égratignèrent une fois de plus contre ces terribles rochers aiguisés. Il marchait, sans fin, sans buts et ne se rappelle guère depuis du début de son périple. D'innombrables aubes avaient succédé à d'infinis crépuscules, et depuis, il avançait sans se retourner.

Un pas. Puis un pas. Et encore un pas...

Parfois, il trébuchait. Alors, il se relevait et il poursuivait sa route.

Un pas. Puis un pas. Et encore un pas...

Il veillait à toujours placer son pied devant l'autre, ignorant les douleurs infernales qui assaillaient ses muscles. La soif le tenaillait, la faim l'achevait et pourtant les plaines arides ne cessaient de s'étendre à perte de vue. Ses lèvres s'étaient asséchées tel le lit du ruisseau contraint par les chaudes chaleurs de l'été, sa peau s'était parée d'un sombre pourpre et chacune de ses extrémités portait le fardeau de son voyage sans retour. Jadis d'apparence humaine, il avait désormais plutôt l'étoffe d'une âme damnée, condamnée à l'errance éternelle.

Quelques jours auparavant, un marchand avait croisé son chemin. Il avait constaté l'état déplorable de ce jeune homme, aux allures de mendiants, dans ces frusques débraillées et déchiquetées. La poussière s'était tant incrustée dans sa tunique et son léger pantalon de lin qu'ils étaient devenus aussi rêches que du cuir neuf. Alors, il s'était arrêté, attristé par son sort, tout en lui demandant comment il s'appelait, il lui avait sans plus attendre tendu sa gourde et quelques maigres provisions. Seulement, il n'avait pu assouvir sa curiosité. Son mystérieux interlocuteur n'avait ni nom, ni âge, ni souvenirs. Finalement, sans s'en offusquer, il reprit son périple.

La brève rencontre d'un voyageur philanthrope et de ce pauvre hère s'était ainsi conclue.

Après un regard en arrière, notre inconnu s'était remis en marche.

Un pas. Puis, un pas. Et encore un pas...


Des centaines de mots me hantaient depuis des jours. Le soir venu, alors que je m'abandonnais aux bras de Morphée, de sombres scénarios m'assaillaient. Ces songes obscurs perduraient tant que j'avais fini par soupirer, attraper mon matériel et je m'étais rendu dans cet habituel café. J'avais salué négligemment Hope avant de m'installer cette fois à la place la plus excentrée du comptoir et sans plus tarder, je m'étais emparé de ce nouveau paquet de feuilles immaculées et je m'étais évertué à gribouiller les phrases obsessionnelles qui occupaient sans cesse mon esprit. Hope ne m'avait pas interrompu, au contraire, il avait glissé un mocha à côté de moi puis s'était retiré aussi silencieusement qu'il s'était approché. Je lui avais à peine prêté attention, bien trop accaparé par mon imaginaire. Seules ses phalanges élancées apparurent dans mon champ de vision. Je replongeais alors dans ce dédale de lettres qui m'avait fui depuis deux ans.

Le papier avait commencé à chanter au rythme de ma main leste. Petit à petit, je m'étais laissé absorber par cette sensation nostalgique et pourtant encore si familière, semblable à celle qui nous prenait lorsqu'on retrouvait les bras accueillants d'un amant délaissé.

Le petit établissement aisément bondé était aujourd'hui bien calme. Seul parfois le choc d'une tasse résonnait et quelques conversations éparses se substituaient à un silence religieux. Néanmoins, ces perturbations ne m'étaient apparues que comme une mélodie savamment orchestrée me portant dans cette osmose qui m'avait tant manquée.

J'apposai un ultime point, avant de relever la tête et masser ma nuque raidie.

Je tombais alors immédiatement dans les pupilles affectueuses de Hope. Depuis le comptoir, il me couvait d'un regard bienveillant et soucieux, tandis que ses mains essuyaient la vaisselle aux tons pâles. Un sourire affina aussitôt ses lèvres. Son visage déjà radieux s'illumina quand il arriva à ma hauteur.

Espoir ne tient qu'à un café [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant