Alice se retourna dans son lit. Elle pensa au programme qui l'attendait aujourd'hui : elle se rendait au Bazar de la Charité, avec Rose. Elle espérait croiser sa tante, Adrienne, avec sa fille, Camille. Elle s'entendait plutôt bien avec elles, mais pas autant que sa mère, Mathilde. La journée promettait d'être simple, sans aucun risque.
Soudain, elle se souvint qu'elle retrouverait son fiancé, Julien. Il était un jeune noble, plus âgé qu'elle de quelques années, mais rien de bien conséquent. Elle rêvait d'amour depuis toute petite, et elle allait enfin se marier. Mais à l'aube du mariage, elle se demandait si elle l'aimait vraiment. Après tout, mis à part son argent, et sa carrière politique, il ne parlait de rien d'autre.
Et lui, l'aimait-il vraiment ? Ou était-ce un arrangement entre leurs deux familles ? La famille de Julien, les De La Ferté, étaient très riches, et c'était un très bon parti. Sa famille, les De Jeansin, étaient riches, et surtout connus de tous. En même temps, c'était son père, Auguste, qui avait installé le cinématographe au Bazar. Tout le monde se précipitait pour y aller.
Elle sortit de sa chambre et descendit les marches. Elle croisa sa petite sœur, Marguerite, qui courrait dans les escaliers.
- Bonjour Marguerite !
- Bonjour Alice ! Je pourrais te coiffer aujourd'hui ?
Alice rit doucement et regarda sa petite sœur dans les yeux :
- Une prochaine fois, Marguerite. Je dois aller au Bazar aujourd'hui. Ce sera Louise qui me coiffera. Désolée.
Sa petite sœur sourit tristement :
-D'accord, mais si c'est raté, ne viens pas te plaindre !
Alice hésitait entre la reprendre pour son impolitesse, ou rire de ce qu'elle venait de dire. Après tout, elle aussi avait passé toute son enfance entourée d'adultes toujours sérieux. Elle aurait aimé à son âge pouvoir rire avec quelqu'un. Et quand Marguerite était née, elle avait dix ans, elle s'était promis de jouer et de rire avec elle. Une promesse qu'elle avait tenu les premières années, mais trois ans après, Paul était né, et sa cadette l'avait un peu oublié. Les deux sœurs s'étaient éloignées. C'était pour toutes ses raisons qu'Alice ne la gronda pas mais rit à sa blague.
- Allez, Marguerite, monte réveiller Paul, il dort encore ! Et tu vas me mettre en retard !
Sa petite sœur grimpa les marches quatre à quatre. Alice sourit. Elle oubliait la chance qu'elle avait d'avoir une sœur et un frère. Julien était fils unique et se plaignait souvent de la solitude qu'il avait eu enfant.
Sa mère, Mathilde, la regardait sévèrement.
-Alice ! Tu es encore en retard !
-Je dormais encore, je suis désolée...
Sa mère ne restait jamais longtemps fâchée contre elle, et elle le prouvait encore en renchérissant :
-Tu te sens prête ? Tu revois Julien, non, aujourd'hui...
Sa mère aimait parler de sa relation avec Julien, au grand désarroi d'Alice.
Elle esquissa le sujet en lui répondant :- Tante Adrienne vient-elle aujourd'hui au Bazar ?
- Il me semble qu'elle m'avait dit qu'elle était retenue ailleurs.
Alice se demandait comment était la vie de sa tante. Elle était mariée à l'un des hommes les plus riches et influant de Paris, Marc-Antoine De Lenverpré, et avait une petite fille qu'elle adorait. Elle était magnifique avec ses cheveux roux et ses yeux bleus, elle ne passait jamais inaperçue. Elle était le modèle d'Alice. Sa vie avait tout d'une vie parfaite.
Alice se questionnait sur son avenir. À 22 ans, elle était une des plus vieilles célibataires de Paris. Son amie, Odette De la Trémoille, était mariée depuis déjà 7 ans et avait un fils, Thomas, qui était âgé de 5 ans. Elle s'était mariée alors qu'elle avait 22 ans. Comme Alice. Odette allait sur la trentaine, et vivait comme elle le voulait. Mais elle détestait son mari et il la trompait ouvertement. Tout Paris le savait.
Alice s'imagina soudainement à 30 ans, mariée à Julien, qui lui avait fait une petite fille, qu'elle adorait, mais Julien s'était lassé d'elle et la trompait. Tout le monde le savait et elle mourrait de honte. Elle chassa de sa tête ces images, et se promit de ne jamais finir comme cela.
La matinée avait laissé place à l'après midi. Alice était dans la voiture particulière de ses parents, conduite par Jean, leur cocher. Jean et Rose, sa suivante, étaient mariés depuis quelques années déjà et tout le monde attendait leur premier enfant avec impatience.
Mais Rose, assise en face d'elle, n'avait jamais eut l'air aussi anxieuse. Alice la questionna :
- Est ce que tout va bien, Rose ?
- Oui, très bien, mademoiselle Alice. Je réfléchissait, c'est tout...
Mais Alice n'avait jamais été aussi certaine qu'elle lui mentait.
- Regardez, nous sommes arrivées au Bazar. Je crois qu'Odette nous attend là bas...
Encore à l'intérieur de la calèche, elle vit un jeune homme de son âge, vêtu d'habits modestes, qui sortait du restaurant en face du Bazar. Il portait un plateau chargé de petits fours. Il regarda la calèche avec dédain. Encore quelqu'un du peuple qui la détestait. C'était, malheureusement, beaucoup trop habituel.
- Mademoiselle Alice, on descend.
Et Alice descendit de la calèche, aidée par Jean. Elle commença à partir vers le bâtiment quand elle croisa des amis de ses parents. Elle les accompagna pour rentrer à l'intérieur, non sans jeter un coup d'œil à Rose. Elle la vit embrasser Jean avec passion. C'était inhabituel pour elle, les gens qu'elle côtoyait d'ordinaire n'avaient pas pour coutume d'étaler leurs sentiments. Elle rentra avec les amis de ses parents à l'intérieur du Bazar.
Rose la rejoignit une petite minute après. Alice la questionna :
- Qu'est ce que tu fabriquais ?
- Rien, répliqua Rose, un petit peu trop vite, ce qui la trahit.
- Menteuse...
Alice avança vers un étal et continua :
- Je vous ai vue avec Jean, vous vous êtes embrassés devant tout le monde...
- Ah, c'est vrai ? Parfois quand on aime, on a du mal à se retenir... Vous ne vivez pas ça avec votre amoureux ?
Alice fut troublée par cette question. Que vivait-elle exactement avec Julien ? Elle opta pour une réponse évasive :
- Si...
Elle espéra que Rose passerait à autre chose, mais elle semblait avoir perçu son trouble car sa bonne renchérit :
- Ne vous inquiétez pas, vous connaitrez ça un jour. Il faudra juste oser vous rapprocher un petit peu...
Alice était tellement perdue dans ses pensées qu'elle ne vit pas l'homme qui arrivait droit devant elle.

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Alictor (Alice+Victor) Le Bazar De La Charité
FanfictionL'histoire d'amour d'une jeune noble, Alice de Jeansin et d'un voleur anarchiste, Victor Minville, dans le Paris de la fin du XIXème siècle. Cette histoire est tirée de la série Le Bazar de la Charité, diffusée sur TF1 et Netflix. Mon histoire repr...